Cote d'Ivoire: Aruna Koné (ex-international) - « Il faut de la volonté politique pour professionnaliser notre football »

Vous êtes de plus en plus présent en Côte d'Ivoire. Est-ce un retour définitif ?

Depuis décembre 2022, je suis en Côte d'Ivoire pour finaliser mon projet sportif dénommé Académie des sports Aruna Koné en abrégé « Asak » situé dans la commune d'Abobo. C'est une académie omnisports qui aura une section féminine. Je tiens aussi à préciser que j'ai déjà un club ici, le Real d'Abobo, qui joue en 3e division.

Êtes-vous d'avis avec ceux qui pensent que les nombreuses blessures que vous avez contractées ne vous ont pas donné une carrière rayonnante ?

(Rire) Il est vrai que j'ai été souvent blessé, mais cela n'a pas véritablement entaché ma carrière. Je suis tout de même allé jusqu'au terme de ma carrière, contrairement à tous les autres joueurs de ma génération. Et puis de cette génération, je suis quand-même l'un des derniers à raccrocher les crampons. J'ai arrêté officiellement l'année dernière à l'âge de 38 ans. J'étais en Turquie et j'étais le seul dinosaure de cette génération à jouer encore. J'ai fait 4 saisons en Turquie à Sivasspor. Max Gradel m'a rejoint après. Comme dans toutes les carrières, il y a des hauts et des bas. J'ai donc connu des moments de baisses de régime mais aussi de grands moments de football de haut niveau. Je peux donc raisonnablement conclure que mes nombreuses blessures ne m'ont pas empêché d'aller au terme de ma carrière et d'avoir une carrière rayonnante.

Que retenez-vous de la génération dorée dont vous avez fait partie ?

C'était une très belle génération. Je retiens que du positif. Cette génération est arrivée à un moment où la Côte d'Ivoire traversait une grave crise politique. Il y avait la division entre les populations. Ce que nous avons apporté en termes d'union et de réconciliation est grand. C'est vrai que tout le monde aurait souhaité qu'on remporte peut-être un trophée majeur ensemble. Mais, il y a ce que nous voulons et ce que Dieu avait décidé pour nous. Il a fallu aussi une longue bataille pour que la Côte d'Ivoire remporte la Can en 2015. Aujourd'hui, il nous appartient d'encourager nos jeunes frères, de les encadrer afin de leur permettre de remporter le maximum de trophées et suivre l'exemple du Maroc, lors de la dernière Coupe du monde.

Votre capitaine de l'époque, Didier Drogba, était candidat à la présidence de la Fédération ivoirienne de football (Fif). Comment avez-vous accueilli cela?

C'est une ambition légitime. J'étais en ce moment en pleine activité. Mais j'étais présent à travers une équipe dirigeante de mon club (le Real d'Abobo). Ce qui m'a un peu désolé, c'est la tournure que cela voulait prendre à un moment donné. Ces élections ont quelque peu créée une division au sein du football ivoirien. En tant qu'acteur direct ou indirect, nous devons nous mettre tous ensemble pour développer notre football. Nous avons tous constaté ces dernières années que le niveau du football ivoirien a baissé. De ce fait, tous les acteurs doivent s'unir, mutualiser leurs compétences et leurs réseaux pour sauver notre football. Tout le monde ne peut pas être à la tête des institutions, mais nous avons tous quelque chose que nous pouvons apporter pour retrouver notre niveau d'antan. Notre ambition première doit être de professionnaliser le football ivoirien. C'est vrai que nous l'appelons aujourd'hui professionnel dans les écrits, mais dans les faits, nous n'avons pas encore ce niveau.

Qu'est ce qui manque de façon concrète à notre football pour atteindre le niveau de professionnalisme dont vous parlez ?

C'est la volonté politique qui manque selon moi. Parce que quand vous regardez les autres pays qui aujourd'hui ont un bon niveau de championnat, il y a une volonté politique derrière. Nous allons beau avoir cette volonté individuelle, mais sans la volonté politique nos actions seront toujours limitées. Cette volonté politique va amener les sponsors à financer les clubs et c'est ce qui manque. Seuls les politiques ont cette façon de booster ou de challenger les entreprises à soutenir le sport. L'État le fait déjà avec la parafiscalité pour le sport en général. Pour le football qui est le sport roi, il faut faire plus.

L'actualité c'est aussi la prochaine Coupe d'Afrique des nations en Côte d'Ivoire. Quel regard portez-vous sur l'équipe nationale actuelle ?

Nous avons toujours la chance d'avoir de très bons joueurs à l'extérieur. Nous avons une très bonne équipe. Contrairement à certains pays où l'équipe nationale est basée sur les joueurs locaux. Nous avons la chance d'avoir des joueurs professionnels qui se comportent très bien en Europe. Du coup, notre équipe nationale est basée à 98% sur les professionnels. Individuellement aussi, nous avons des joueurs talentueux. Nous les avons vus à l'oeuvre lors de nos derniers matches amicaux contre la France et l'Angleterre, même si nous avons perdu, nous avons vu une très belle équipe. La relève est en tout assurée.

La Côte d'Ivoire a aussi cette chance de produire à chaque moment des joueurs talentueux, au niveau local comme à l'international. Notre manière de produire ces joueurs talentueux est à peu près comme le Brésil. A chaque fois qu'une génération passe, il y a une autre qui vient juste après. La Can de l'année prochaine est la bienvenue, parce qu'elle va nous permettre de compléter nos étoiles à trois et en même temps nous aider à relever le niveau du championnat grâce à la construction des infrastructures dédiées à la Can 2023.

Les Éléphants peuvent-ils être cités comme favoris dans cette compétition comme le Maroc ?

J'ai pour habitude de dire aux gens que nous avons les éléments qu'il faut pour gagner cette coupe à domicile. C'est vrai que la Coupe du monde est la compétition majeure organisée par la Fifa, mais en même temps, la Can et la Coupe du monde sont deux compétitions différentes. Les réalités de la Can n'ont rien à avoir avec les réalités du Mondial. Donc pour moi, le Maroc peut bien aller en demi-finale de la Coupe du monde, terminé 4e et échouer au premier tour ici. Vous voyez-même que dans l'histoire de la Can, toutes les équipes qui l'ont remportée ont eu du mal à accéder au second tour lors de l'édition organisée après leur sacre. C'est vous dire que c'est une autre réalité.

Une autre actualité, c'est aussi le décès de Sylla Moustapha, joueur du Racing club d'Abidjan (Rca) qui suscite beaucoup de réactions dans le milieu du football. Comment appréhendez-vous cette histoire tragique ?

Avant tout, je présente mes condoléances à la famille biologique du joueur et au football ivoirien. C'est une perte et c'est vraiment dommage que ce genre de chose arrive. C'est vrai qu'au Mali, on peut détecter un problème cardiaque et qu'en Côte d'Ivoire, cela soit autre chose. J'ai même été victime de cette situation dans ma carrière. Quand j'étais à Roda en Hollande, j'ai raté un transfert à l'Ajax d'Amsterdam, parce qu'ils ont détecté aussi un problème cardiaque et le transfert a ainsi capoté.

Mais après six mois d'analyses approfondies, je suis allé au Psv Eindhoven. Et j'ai joué ensuite jusqu'à ma retraite. Cette situation est dommage et regrettable. Je pense que cela va permettre à chacun, à son niveau, de prendre des mesures adéquates pour éviter que ce genre de chose se répète. Parce que même en occident, les joueurs tombent aussi sur le terrain malgré les analyses très poussées. Il y a des faits qu'on ne peut pas maîtriser et cela peut arriver.

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