Madagascar: Ivre ensemble

Triste. Faut-il maintenir le 29 mars un jour férié ? Il faut y réfléchir. Depuis quelques années à part les cérémonies officielles d'hommage aux martyrs et victimes du 29 mars 1947, rien ne rappelle qu'il s'agit d'un passage douloureux de l'histoire du pays.

Pire, la journée du 29 mars est plus animée que les autres. Seules les grandes distributions et les épiceries consciencieuses observent l'interdiction de vente d'alcool. Dans les bars et sur les terrasses des débits d'alcool le long du By Pass et ailleurs, le leitmotiv est Ivre ensemble. Il est loin les martyrs et les victimes de cette sombre péripétie de l'histoire. Le souvenir de cet événement s'efface d'une année à l'autre, d'une génération à l'autre. Encore heureux qu'il reste encore une poignée de vrais-faux anciens combattants pour rappeler à la nouvelle génération la seule vraie guerre livrée par les nationalistes contre les envahisseurs. Que peut-on espérer quand on sait que la culture générale est une espèce en voie de disparition ?

À en juger le rapport de la Banque Mondiale sur l'éducation, ce n'est pas avec un taux de pauvreté de 80% de la population que l'on peut rêver d'un rétablissement de la situation. Encore plus dramatique, c'est toute l'histoire qui est en train de se perdre définitivement avec la disparition de ses acteurs les uns après les autres et surtout avec l'invasion des réseaux sociaux qui permettent de tout stocker mais de ne rien retenir. Les gardiens de la mémoire se raréfient au profit des influenceurs, des lanceurs d'alerte qui connaissent tout sauf le passé. Pire, on perd petit à petit tous les patrimoines soixante-trois ans après la fin de la colonisation.

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On court derrière une souveraineté économique et politique mais on perd en même temps la souveraineté culturelle, linguistique, culinaire... On est envahi par des artistes inconnus au bataillon mais qui font salle comble, par le kpop. On bouffe du sushi, du tacos, de la pizza... On se demande quelle identité restera au pays d'ici une décennie. Outre le 29 mars 1947, le 14 octobre 1958, le 13 mai 1972, le 6 février 1975, le 16 juin 1975, le 30 décembre 1975, le 10 août 1991... seront bientôt frappés de péremption dans la mémoire collective. Le 26 juin risque également de passer à la trappe. Seule le 25 décembre, Pâques, Pentecôte, Ascension et Assomption resteront éternels.

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