Votre Altesse Royale Princesse Muna Al-Hussein de Jordanie,
Choukran jazilan, nous sommes très honorés de votre présence et nous vous remercions de votre engagement continu en faveur du personnel de santé.
Mesdames et Messieurs les Ministres, Excellences, chers collègues et amis,
Bonjour. J'ai l'honneur d'accueillir tous nos invités, en personne et en ligne, pour ce cinquième Forum mondial sur les ressources humaines pour la santé.
Nous accueillons plus de 3000 délégués de plus de 140 pays. C'est un record.
Comme vous le savez, les réunions précédentes ont été organisées dans le monde entier : en Ouganda, en Thaïlande, au Brésil et en Irlande. Mais c'est la première fois que nous l'organisons ici à Genève, à notre Siège.
Je vous souhaite chaleureusement la bienvenue. Ou, comme on dit ici, « Bienvenue à tous ».
Ce Forum coïncide avec deux événements importants : cette semaine est la Semaine mondiale du personnel de santé ; et c'est aussi le 75e anniversaire de l'OMS.
La Constitution de l'OMS, qui est entrée en vigueur en avril 1948, affirmait que la santé est un droit humain fondamental et établissait une vision claire : parvenir au plus haut niveau possible de santé pour tous.
Cette mission est plus pertinente que jamais. Soixante-quinze ans après la création de l'OMS et sept ans et demi avant l'échéance de 2030 pour les ODD, nous savons que cet objectif ne peut être atteint qu'avec un personnel de santé adéquat et bien soutenu.
La pandémie de COVID-19 a permis au monde entier de mieux apprécier l'incroyable valeur des agents de santé. Laissez-moi vous donner un exemple.
Lucy Nyambura était en charge de la promotion de la santé à Mombasa, au Kenya.
Lorsque la pandémie est apparue, un confinement strict a été mis en place, mais il s'est heurté à une forte opposition de la part de la population locale.
Alors qu'elle effectuait ses tournées quotidiennes, donnant des informations sur les dangers du nouveau virus, Lucy était insultée dans la rue, et elle et son équipe devaient parfois s'arrêter de travailler pour leur propre sécurité.
Mais Lucy a continué à revenir voir la population. Après des semaines de mobilisation des leaders communautaires, les choses ont commencé à changer. La population a commencé à respecter les consignes de lutte contre la COVID-19 et a accepté de se faire tester. La propagation du virus a été enrayée et le confinement a été levé.
Depuis plus de trois ans, les personnels de santé et d'aide à la personne comme Lucy travaillent partout dans le monde à la frontière entre la vie et la mort. Ils travaillent jour après jour pour nous protéger.
Mais ces personnes et les systèmes de santé dans lesquels elles opèrent sont très sollicités.
Des millions de membres des personnels de santé et d'aide à la personne ont été infectés, des milliers sont morts, et nombre d'entre eux sont tout simplement épuisés par la surcharge de travail.
Les graves perturbations des systèmes de santé sont à l'origine d'une surmortalité et de décès évitables dans de nombreux pays, réduisant à néant les améliorations antérieures en matière de santé et de bien-être.
La principale cause de perturbation des services de santé pendant la pandémie était la pénurie d'agents de santé.
Et le principal obstacle à la fourniture de vaccins et d'autres outils d'importance vitale pour lutter contre la COVID-19 était la pénurie d'agents de santé.
Comme mon collègue le Dr Mike Ryan l'a dit à maintes reprises, le matériel ou les outils sont inutiles si l'on ne dispose pas de personnel.
Ces pénuries constituent un défi mondial.
Les pays les plus pauvres ne disposent que d'un dixième des agents de santé des pays les plus riches. Même les pays à revenu élevé sont confrontés à des pénuries nationales.
Nous estimons que d'ici à 2030, la pénurie mondiale d'agents de santé s'élèvera à 10 millions.
Il s'agit d'une amélioration substantielle par rapport au déficit de 18 millions que nous avions prévu en 2016. Mais c'est encore beaucoup trop, et dans certaines parties du monde - l'Afrique, le Moyen-Orient et les petits États insulaires en développement - les progrès stagnent.
Les pays à revenu élevé ne sont pas à l'abri. Ici, en Suisse, selon un rapport publié l'année dernière, il pourrait y avoir une pénurie de quarante-cinq mille agents de santé dans les années à venir.
Il y a deux semaines, la Roumanie a accueilli 50 des 53 pays de la Région européenne de l'OMS pour discuter de ce défi.
La Déclaration de Bucarest issue de cette réunion a souligné la nécessité de remédier aux pénuries régionales en améliorant l'éducation, le recrutement et la fidélisation des personnels.
Les pénuries font peser une pression supplémentaire sur les agents en place, ce qui crée du stress au travail et affecte leur santé physique et mentale.
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, plus d'un membre des personnels de santé et d'aide à la personne sur trois souffre d'anxiété et de dépression. Environ la moitié a souffert d'épuisement professionnel.
Ils font entendre leur combat.
Les grèves et les actions syndicales atteignent des niveaux record : le mécontentement à l'égard des conditions de travail se fait entendre dans plus de 160 pays.
Nous sommes confrontés à des défis d'envergure qui exigent une réponse d'envergure.
Cette semaine, nous nous concentrons sur trois grands thèmes : « protéger, investir, ensemble », comme l'a souligné notre modérateur tout à l'heure.
Tout d'abord, nous appelons tous les pays à protéger tous les personnels de santé et d'aide à la personne contre la violence et la discrimination, à protéger leurs droits et à les protéger en leur donnant des conditions de travail sûres et décentes.
Deuxièmement, nous appelons tous les pays à consentir des investissements en leur faveur ; en particulier afin qu'ils bénéficient de conditions de travail décentes, d'une rémunération équitable, de formations et d'encadrement.
Pour remédier aux pénuries, nous devons nous attaquer à la question de l'offre, en apprenant les uns des autres à élaborer et à mettre en oeuvre des modèles d'éducation novateurs.
Les investissements dans l'éducation doivent correspondre à des emplois et à des carrières, avec des salaires et des incitations appropriés.
Dans de nombreux pays, et en particulier les plus pauvres, le principal facteur responsable des pénuries est l'insuffisance des ressources pour créer des emplois et verser les salaires.
Ces nouveaux emplois doivent être axés sur les soins de santé primaires et la santé publique.
Nous devons en particulier nous pencher sur le rôle des femmes, qui représentent les deux tiers personnels de santé et d'aide à la personne.
Trop peu de femmes occupent des postes de haut niveau dans le secteur de la santé et leur écart de rémunération avec les hommes est de 24 %. Le plafond de verre doit être brisé.
Et, troisièmement, nous devons agir ensemble.
Protéger les personnels de santé et d'aide à la personne et leur consacrer des investissements n'est pas l'apanage du seul ministère de la Santé. C'est un travail qui exige un leadership politique, une coordination entre les secteurs de l'éducation, de l'emploi, de l'égalité entre les hommes et les femmes, et des finances, ainsi qu'un engagement du gouvernement auprès des associations professionnelles, des syndicats, de la société civile et du secteur privé.
Nous avons tous un rôle à jouer.
Il n'y a pas de meilleure façon d'honorer la mémoire des personnels de santé et d'aide à la personne qui sont décédés à cause de la COVID-19 ou qui ont été confrontés à des défis sans précédent, que de protéger, d'investir, ensemble.
Nous le devons à des personnes comme Lucy Nyambura et aux millions de personnels de santé et d'aide à la personne qui travaillent aujourd'hui pour permettre un accouchement sans risque, pour vacciner un enfant, pour traiter une maladie.
Notre travail au cours des trois prochains jours leur est consacré.
Et je voudrais dire : merci Lucy, asante sana Lucy, et tous les personnels de santé et d'aide à la personne partout dans le monde.
Je vous remercie tous pour votre engagement pour aller vers un monde en meilleure santé, plus sûr et plus juste pour tous les personnels de santé et d'aide à la personne.
Je vous remercie.