Dakar — Les parents d'enfants souffrant d'autisme, un trouble très précoce du développement cérébral, qui se caractérise par des difficultés de communication et d'interaction sociale, sont souvent confrontées à la stigmatisation, dont sont victimes les malades, et à la cherté des soins.
La Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme est célébrée le 2 avril de chaque année, à la suite d'une initiative prise en décembre 2007 par les Nations unies.
Marie Ndour Dia, dont l'un des enfants souffre de ce trouble, a accepté de recevoir exclusivement l'Agence de presse sénégalaise (APS) chez elle à Scat-Urbam, à Dakar, pour en parler.
"C'est dommage, Junior est allé chez sa mamie. Il ne se sentait pas trop bien", s'excuse-t-elle, affichant un sourire bienveillant, qui laisse entrevoir des dents du bonheur.
Autour d'elle se tiennent deux petits garçons d'environ six et trois ans. "Ils sont venus pour Junior. C'est la Journée mondiale de l'autisme", lance-t-elle en s'adressant à ses enfants, comme pour rappeler que cette maladie n'est pas taboue chez elle.
Junior, âgé de 14 ans, est passé par plusieurs étapes avant d'en arriver là, déclare-t-elle. "Je me suis posée beaucoup de questions du genre pourquoi moi ? Qu'ai-je fait de mal ? Comment cela est-il arrivé ?" raconte Mme Dia.
Elle se souvient d'un épisode de la vie de Junior qu'elle raconte la gorge nouée. "Cette année-là, mon fils devait être inscrit au CP (cours préparatoire), et la direction de l'établissement m'a tardivement fait savoir qu'il ne serait pas accepté cette fois-ci. Le jour de la rentrée des classes, il était à la fenêtre et regardait les enfants passer. J'étais très triste, son papa également. Nous ne savions que faire", se souvient-elle.
Marie Ndour Dia rappelle que c'est la maîtresse d'école maternelle de son fils qui lui avait mis la puce à l'oreille, concernant le mal dont il souffre. Mais elle avoue avoir remarqué "quelques anomalies dans le comportement" de Junior.
C'est alors que démarrent pour elle d'interminables va-et-vient chez les spécialistes. "Nous sommes d'abord allés voir un sociologue, qui a interagi avec lui avant de nous orienter vers Kër Xaleyi de Fann (à Dakar)", se rappelle Mme Dia. Il a "alors fallu revoir" les projets pour ce fils "tant attendu", ajoute-t-elle.
Mais "une fois qu'on arrive à la phase d'acceptation, tout devient plus facile", souligne Marie Ndour Dia, chargée de communication dans un ministère.
Après avoir découvert le trouble dont souffre son fils, elle prend conscience qu'il est impossible pour elle de continuer ses déplacements quotidiens à Diamniadio (environ 30 kilomètres à l'est de Dakar) et d'accompagner Junior prendre ses soins en même temps. Elle décide alors de s'organiser autrement pour travailler à domicile.
"Ne s'entourer que de personnes positives"
"La prise en charge demande beaucoup de temps et de moyens. Il faut aller chez l'orthophoniste, le psychomotricien, le pédopsychiatre, entre autres spécialistes. Et tout cela coûte énormément cher. Environ 10.000 à 15.000 francs CFA par séance. Et il peut y en avoir deux fois par semaine. Il faut se priver de beaucoup de choses", confie Mme Dia, un ordinateur posé juste en face d'elle.
Elle déplore le fait qu'il n'y ait au Sénégal que peu d'infrastructures publiques d'accueil des enfants souffrant du "spectre de l'autisme".
"C'est vrai, auparavant il n'y avait que Kër Xaleyi à Fann. Aujourd'hui, il y a l"hôpital du jour' à Diamniadio et le service pédopsychiatrie de Thiaroye (région de Dakar). Mais cela ne suffit pas. Nous n'avons que deux pédopsychiatres au Sénégal, et le nombre d'enfants autistes ne cesse d'augmenter", s'inquiète Marie Ndour Dia.
Cette situation la pousse à s'impliquer davantage pour la cause des enfants souffrant de troubles autistiques. Mme Dia est membre de l'association Enfants Soleil Sénégal, chargée d'assister les enfants atteints d'autisme et ceux qui sont porteurs d'une trisomie 21 et d'une infirmité motrice cérébrale.
"En plus du centre d'accueil, Enfants Soleil Sénégal soutient et guide les parents. L'association permet aux parents d'échanger entre eux et de s'entraider", explique-t-elle.
Selon Mme Dia, l'association est en train de dérouler un important projet. "La Maison jaune, qui se trouve à Malika (région de Dakar), va abriter un centre de soins paramédical et médical", assure-t-elle, affirmant que sa construction "est presque terminée".
"C'est dommage que la plupart des fonds levés viennent des pays occidentaux", déplore la mère de Junior. Elle estime que les pouvoirs publics "doivent soutenir ce genre de projet".
Malgré le trouble dont souffre son fils, Marie Ndour Dia garde le sourire et assure que Junior fait sa "fierté". Forte de son expérience, elle dit rester sereine et conseille aux autres parents d'enfants autistes de "ne s'entourer que de personnes positives et, surtout, de ne permettre à personne d'avoir un comportement inapproprié envers" eux.