Congo-Kinshasa: Ngoné Sagna - « Le cauri, je l'utilise comme un lucky charm afro chic africain »

interview

Exposant en marge du Level Up, le forum international sur l'entrepreneuriat féminin tenu au Sultani River, les 31 mars et 1er avril, la créatrice de bijoux d'origine sénégalaise, Ngoné Sagna, y a présenté sa marque. Dans cette interview exclusive avec Le Courrier de Kinshasa, elle évoque la singularité de ses bijoux haute fantaisie.

La marque Ngone que vous représentez à cette exposition propose des bijoux assez singuliers. D'où nous vient-elle ?

Ngoné, c'est ma marque éponyme. Je m'appelle Ngoné Sagna, Ngoné est mon prénom et a un sens très chargé. Il vient d'ailleurs peut-être du Congo parce qu'il tire ses origines du bord du Nil à la suite d'une migration qui s'est faite à partir du Congo et des bords du Nil vers l'Ouest et s'est retrouvé au Sénégal. Il existe différente déclinaison de ce prénom. Et d'après mes recherches, il est en lien avec le féminin. Il paraît que dans certains endroits, au Congo et au Cameroun, Ngone ou Ngoné veut dire la femme.

Et chez nous, au Sénégal, si vous demandez que veut dire Ngoné, on ne saura pas vous le dire parce que le sens en a été perdu. Néanmoins Goné, sans le N, veut dire l'enfant, la jeune femme aussi. Et, lorsque vous dîtes Ngone en Wolof, cela veut dire le soir. Et, qu'est-ce qui sort le soir ? C'est la lune ! Et, dans nos spiritualités africaines, la lune, c'est le féminin sacré, l'Isis, la femme. Ce qui nous renvoie toujours au point de départ, le Nil, les civilisations qui sont nées dans le Nil. Et donc, cela me semblait naturel de faire de mon prénom ma marque parce que je travaille pour les femmes en particulier et dans la beauté.

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Comment avez-vous atterri dans le monde de la bijouterie ?

J'ai fait une formation de bijoutier joaillier à Paris. Mais, au départ, j'étais autodidacte car j'ai toujours été intéressée par la création. Je suis arrivée à Paris dans les années 1990, mais je crée depuis mon enfance. Ce n'était pas forcément des bijoux, mais dans le domaine artistique en général et architectural aussi. Enfant, je réalisais de petites maquettes pour m'amuser, c'était mon passe-temps. J'ai toujours été dans mon coin à créer, c'était ma passion. Et, la vue d'une boutique de perles à Paris m'a inspirée et j'ai voulu réaliser des petits bijoux pour moi.

Après l'avoir fait, mes amis les ont trouvé magnifiques et m'ont suggéré de me lancer, disant que je devrais peut-être aller plus loin. Alors, j'ai rencontré des artisans, notamment dans le milieu de la haute couture qui m'ont formée, m'ont donnée des petits tips pour avancer et ensuite, j'ai décidé d'aller à l'école de formation bijouterie/joaillerie Nicolas Flamel à Paris. J'y ai appris à scier, couper le métal et souder, fondre le fer et le métal, le bronze en particulier.

Avec quels genres de bijoux la marque Ngoné se propose de sublimer la femme ?

Je suis née et j'ai grandi en Afrique mais j'ai poursuivi ma carrière en Europe avec la pensée de revenir sur le continent travailler avec nos artisans. Je fais des va-et-vient, je jette des ponts. Cela se ressent dans ma création. J'ai une forte inspiration africaine, elle est presque spirituelle. Je porte par exemple une paume de main, c'est un bracelet que l'on glisse comme une bague sur la paume de la main.

Il n'a pas été créé dans un esprit ethnique stéréotypé mais plutôt comme quelque chose d'assez délicat pour souligner, accompagner la gestuelle féminine. Chez nous, en Afrique, qu'elles soient contentes ou mécontentes, les femmes font des gestes. L'idée avec ce bijou, c'est d'accompagner ses gestes. Je travaille sur le côté très spirituel, les petits détails d'esprit des Africains inspirent ma création. Je suis aussi inspirée par mes souvenirs d'enfance, ma jeunesse passée au Sénégal.

Les Africaines sont très élégantes. Cela fait partie de ma culture. Et en allant à Paris, je me suis imprégnée de la haute couture que j'avais déjà rencontrée en Afrique vu qu'il règne un esprit très haute couture ici. Mais Paris étant une terre de haute couture, cela fait qu'aujourd'hui, je crée des bijoux de luxe, haut de gamme plaqués or. Je fais de la création de bijoux, de la joaillerie, en or avec des pierres sur mesure à la demande de ma clientèle.

Le cauri est très présent dans les créations de la marque Ngoné, pourquoi ?

C'est en partie en lien avec mon prénom car le cauri est un symbole du féminin sacré en Afrique et on s'en sert pour l'art divinatoire au Sénégal. Il y est aussi considéré comme un porte bonheur et par ses formes, il représente la femme. Et, c'est aussi un élément de l'eau, or moi je suis très touchée par le signe de l'eau. Le cauri, je l'utilise comme un lucky charm afro chic africain, c'est cet esprit du cauri qui m'intéresse. En fait, je l'utilise comme un gri-gri, sauf qu'il est ultra chic. Il est idéal pour les femmes qui ont envie d'être dans la modernité et en même temps dans l'ancestralité.

Les teintes de vos cauris sont variées, il y a notamment le bleu indigo qui est magnifique. Comment en êtes-vous arrivée à ce rendu ?

Dès le départ, le cauri était présent dans mes créations pour les raisons évoquées ci-dessus. J'ai toujours voulu le transformer car je conçois la création comme une transformation. En réalité, rien ne se crée, tout se transforme, comme on le dit. Nos ancêtres ont fait un travail magnifique, je m'inspire des parures ancestrales et on y trouve beaucoup de cauris car ils constituent des éléments protecteurs.

Je travaille aussi dans cet esprit. Et je le colore en mettant des fois des transferts de pagne que l'on appelle tchoup chez nous, c'est -à-dire des pagnes teintés. Je mets aussi des couleurs vives, je ne le laisse jamais tout à fait comme il est au naturel, je le serti de pierres, fais des incrustations de divers genres pour lui donner une touche différente et chic. Tout cela fait partie de mon concept, l'afro chic. Ce sont de véritables cauris, mais à l'avenir, j'aimerai créer les miens, en porcelaine.

Quelle place la marque Ngoné occupe-t-elle dans la société sénégalaise ?

Avec ma marque, je nourris l'ambition de faire travailler nos artisans africains pour préserver le savoir-faire, créer de l'emploi et former les femmes et les jeunes à des métiers qui étaient plus destinés à des hommes traditionnellement et à ses certaines familles. C'est comme cela que les choses se passent chez nous au Sénégal.

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