Sénégal: L'information qui sauve des vies en Casamance

Une volontaire de la CRS montrant à l'audience une planche sur " la nature du danger " durant une séance de sensibilisation, à Ouel Mounday.
communiqué de presse

La contamination par les mines et les restes explosifs de guerre est une des principales conséquences humanitaires du conflit en Casamance. Des centaines de personnes ont été victimes de mines depuis le début du conflit. Face à cette alarmante situation, la Croix-Rouge sénégalaise (CRS) et le CICR leur apportent un soutien à travers leur programme de sensibilisation au risque des mines visant à réduire le niveau d'exposition des communautés face au danger des mines.

Daouda Bodian a frôlé le pire.Il y a plusieurs années de cela, le chef de village de Mabigné Kantapor avait ramassé un objet sans savoir que c'était un obus.

« Cette diffusion m'a permis de déceler une grosse erreur que j'ai commise dans le passé. J'avais pris un obus qui était tombé dans le village sans exploser. Je l'avais attaché et jeté dans le puits. Mais aujourd'hui, avec votre séance de sensibilisation, j'ai su que c'est un objet que je ne devais en aucune façon toucher », relate le quinquagénaire.

Son récit ressemble fort bien à celui de son cadet, lui aussi, chef de village d'Ouel Mounday.

« En 2012, j'avais moi-même porté une roquette non encore tirée jusqu'à chez moi. Puis j'ai appelé un membre de ma famille pour lui demander ce que c'était. Ce dernier m'a automatiquement instruit de lancer la roquette car celle-ci n'a pas été utilisée. Quand nous sommes revenus ici, en 2012, tous les objets qu'on ramassait, nous les jetions dans les toilettes ou sous l'ombre d'un arbre. Et, on connaît tout le danger que cela comportait », raconte Ansoumana Diémé.

Ces erreurs du passé, qui ont coûté la vie à des fils et filles d'Ouel Mounday, restent toujours vivaces dans certains esprits. Et, jusqu'à présent, les souvenirs se bousculent dans la tête de l'une d'elles. Dieynaba Diémé a la mémoire fraîche : « À notre retour ici, en 2012, nous n'osions pas nous rendre dans certains endroits à cause des risques que nous encourions. Nos enfants étaient toujours exposés au danger. Car ils leur arrivaient de ramasser un reste explosif de guerre sans pour autant le savoir. Beaucoup d'entre eux mettaient leur vie en péril sans en être conscients. Les moins chanceux y ont perdu la vie en tentant de manipuler ces objets », se remémore-t-elle.

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Ces récits poignants, qui renseignent encore une fois de la dangerosité des mines et autres restes explosifs de guerre, ont fait prendre conscience à l'audience de l'intérêt d'avoir ces séances de sensibilisation.

« Grâce à cette discussion, nos comportements vont changer. Lorsque nous allons apercevoir un quelconque objet, nous ferons plus attention avant de le ramasser. Nos enfants que nous allons nous-mêmes sensibiliser vont en faire de même afin que ces malheureux incidents du passé ne se reproduisent pas », fait savoir Dieynaba Diémé.

Son chef de village, Ansoumana Diémé, lui, dit avoir beaucoup appris au sortir de cette session : « Cette séance de sensibilisation nous sera utile durant toute notre existence. Elle nous a permis de savoir qu'il y a des objets auxquels nous ne devons pas toucher ou porter afin de ne pas exposer nos vies. En plus, elle va beaucoup nous aider dans nos attitudes de tous les jours face au danger lié aux mines. C'est pourquoi, j'ai envie de dire que cette formation nous a sauvée aujourd'hui. Car celui qui en a bénéficié va désormais réfléchir mille fois avant de prendre un objet inconnu. Mais, aujourd'hui, vous avez beaucoup aidé Ouel Mounday à se sauver du danger lié aux mines. »

C'est le même son de trompette du côté de Daouda Bodian, chef de village de Mabigné Kantapor : « Cette séance est utile pour tous les habitants du village car elle nous permet de reconnaître les zones à risques et d'adopter les bonnes attitudes en présence d'une mine ou d'autres restes explosifs de guerre pour réduire les risques », explique-t-il.

En charge du programme éducation au risque des mines à la sous-délégation du CICR de Ziguinchor, Mamady Gassama passe au crible ces diffusions à l'intention des populations exposées aux mines.

« Il est question de faire la sensibilisation pour réduire le niveau d'exposition des communautés en les emmenant à comprendre le risque et comment l'éviter, à reconnaître les zones à risques comme les pistes ainsi que les jardins abandonnés et savoir quelle attitude adopter quand elles découvrent une mine. Toutes les communautés doivent être conscientes qu'une mine n'est jamais seule. On ne doit pas ramasser des objets inconnus. Entrer dans une zone à risque est dangereux. Ce sont des messages clés que nous délivrons pour leur permettre d'être à l'abri du danger, à travers des images, des photos, etc.», nous apprend-t-il.

Le choix, porté sur Mabigné Kantapor et Ouel Mounday pour mener ces séances, est loin d'être fortuit. Ces deux villages, situés au nord de la Casamance, sont distants d'environ 5 kilomètres de la Gambie. Le déplacement d'un endroit à un autre est limité du fait de l'abandon de la plupart des pistes dû à la présence des mines.

« Mabigné Kantapor est un village qui se reconstruit avec 4 concessions. Malgré ce dynamisme de retour impulsé par certaines populations, il leur est difficile de se déplacer et/ou d'aller travailler hors du village, ça devient un danger », renseigne le représentant du CICR. Ce dernier ajoute qu' : « Une série d'évaluation a été réalisée dans plusieurs villages. Nous avons compris que dans les villages choisis, le principal problème auquel les populations sont confrontées est lié à la restriction de mouvement due à la présence des mines. Et, dans la logique de protéger la population à long terme, nous essayons d'apporter des réponses à l'ensemble de ces problèmes permettant de réduire le niveau d'exposition des communautés dans leur village. Pour ce faire, nous avons sélectionné des villages où nous travaillons cette année avec l'appui des volontaires de la Croix-Rouge sénégalaise (CRS). Grâce à leur support, nous voulons pérenniser ces activités de sensibilisation quand le CICR ne sera plus présent dans ces localités. Car l'éducation au risque des mines doit se faire avant, pendant et après toute contamination».

Partenaire privilégiée, stratégique et opérationnelle du CICR, la Croix-Rouge sénégalaise, à travers son superviseur régional du programme sensibilisation au risque des mines, accompagne le CICR durant ces séances. « Le CICR a formé des volontaires sur ce programme. Depuis plusieurs années, nous travaillons auprès des communautés afin de les sensibiliser au risque des mines. Nous avons souvent axé nos thématiques sur l'identification du danger, les zones à risques et les comportements à risques. Depuis le démarrage de ce programme, nous avons enregistré moins de risques que les populations encourent, prennent pour être exposées aux accidents liés aux restes explosifs de guerre », affirme Yaya Manga.

Des propos qui sont largement partagés par les populations bénéficiaires de Mabigné Kantapor et d'Ouel Mounday ; lesquelles font partie des 1 605 personnes touchées par lesdites séances en 2022, dont 1 176 adultes et 429 enfants, réparties sur 29 villages de la Casamance.

Aujourd'hui plus que jamais, elles se réjouissent de la vie sauve de leur communauté respective depuis le lancement des séances de sensibilisation au risque des mines. En plus de leur consolidation, le CICR a mis cette année le curseur sur le renforcement du processus d'autonomisation des volontaires de la CRS pour davantage atteindre les communautés bénéficiaires.

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