Hier mardi 4 avril 2023, le Sénégal a célébré le 63e anniversaire de son accession à la souveraineté internationale. Comme c'est devenu une tradition républicaine dans tous les Etats du monde, la commémoration de la fête nationale est marquée, entre autres, par une adresse du chef de l'Etat à ses compatriotes. Et le président sénégalais n'a pas dérogé au rituel, lui qui a prononcé un discours la veille de la commémoration de l'indépendance du pays.
Il faut dire que c'est un discours qui était certainement très attendu, puisqu'il intervient à moins d'un an de la prochaine élection présidentielle prévue en février 2024, mais surtout à un moment où le président entretient un flou sur son éventuelle candidature. Sur cette dernière question, les Sénégalais vont devoir encore attendre pour être fixés sur l'option finale de celui qu'on suspecte à tort ou à raison de vouloir briguer un troisième mandat.
Oui, le Pays de la Teranga va devoir encore retenir son souffle, puisque pas grand-chose n'est venu préciser davantage les intentions du successeur d'Abdoulaye Wade. La situation politique y est délétère depuis un certain temps. En témoignent les émeutes liées au procès de l'opposant Ousmane Sonko, récemment condamné à deux mois de prison avec sursis, et à 200 millions de F CFA d'amende à titre de dommages et intérêts, pour diffamation, injures et faux à l'endroit du ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, responsable du parti présidentiel, et toujours poursuivi dans un précédent dossier pour tentative de viol.
Sur cette situation, le chef de l'Etat a rappelé « l'héritage » et la « sagesse » de ses prédécesseurs.
« Dans cet esprit, je reste ouvert au dialogue et à la concertation, avec toutes les forces vives de la nation, dans le respect de l'Etat de droit et des institutions de la République, pour un Sénégal uni, un Sénégal de paix, de stabilité et de cohésion nationale », a-t-il affirmé.
Il a également annoncé le projet de moderniser, stabiliser et consolider la démocratie sénégalaise, renforcer l'Etat de droit et améliorer la gouvernance des affaires publiques. Pour cela il promet de faire recours à l'avis du président de l'Assemblée nationale et à celui du Conseil constitutionnel, conformément à l'article 51 de la Constitution.
C'est bien beau de poursuivre l'oeuvre de modernisation des institutions de la République, mais à moins d'un an de l'élection présidentielle on ne voit pas de quel temps dispose le président Macky Sall pour mettre en oeuvre les réformes annoncées.
Va-t-il se contenter d'en jeter les bases, à charge à son successeur de poursuivre son oeuvre ? Ou entend-il d'en être le maître d'oeuvre, ce qui signifie dans ce cas qu'il sera candidat au prochain scrutin ? La question mérite d'être posée, d'autant plus que dans une récente interview accordée au magazine français L'Express, il avait déclaré que «Sur le plan juridique, le débat est tranché depuis longtemps. J'ai été élu en 2012 pour un mandat de sept ans. En 2016, j'ai proposé le passage au quinquennat et suggéré d'appliquer cette réduction à mon mandat en cours ».
Macky Sall va-t-il franchir le Sénégal, pardon, le Rubicon ; en succombant à la tentation du troisième mandat ? Difficile de lire dans le jus de bissap (1). Mais au regard des menaces qu'une éventuelle troisième candidature fait peser sur « un Sénégal uni, un Sénégal de paix, un Sénégal de stabilité et de cohésion nationale », on espère que sur la question le président Macky Sall saura se ressourcer à « l'héritage et à la sagesse de ses prédécesseurs » qu'il a invoqués dans son adresse à la nation.
Mais en tout état de cause, il aura raté une occasion solennelle et même historique pour libérer les Sénégalais d'un si long suspense le coche
(1) Boisson sénégalaise sans alcool