Afrique du Nord: Maroc - L'apport considérable d'OCP dans la marche vers la souveraineté alimentaire

Des années 60 à nos jours, les progrès enregistrés par l'agriculture marocaine ne peuvent se dissocier de l'Office Chérifien des Phosphates (Ocp) qui fait un travail remarquable avec son panel d'experts (OCP Policy Center) logé parmi les plus grands think tank du continent. L'Officie est perçue comme un creuset de solutions adaptées aux besoins de l'agriculture africaine.

Venu partager cette expérience marocaine devenue bénéfique au plan du continent, lors du Forum Allafrica Women Agenda (AWA) 2023 qui s'est tenu le 7 mars à Rabat (Maroc), M. Aniss Bouraqqadi, Directeur de recherche et développement d'OCP Arica, livre les secrets d'une vision multidimensionnelle.

Concernant la recherche et le développement, ce responsable de l'OCP, dans son raisonnement, part du principe que la recherche et le développement doivent être faits de façon à développer des solutions durables, adaptées aux besoins du fermier.

Selon lui, l'objectif n'est pas de disposer de rapports à ranger dans les tiroirs des bureaux mais d'avoir quelque chose qui a un impact réel sur le quotidien de l'agriculteur.

Avec une expérience de plus de 20 ans de réflexion dans les thématiques agricoles en Afrique, M. Bouraqqadi, dit avoir vu beaucoup de projets de recherche, beaucoup d'investissements mais avec un impact modéré sur le terrain.

Pour lui, les acteurs africains ont intérêt à développer des choses qui servent à améliorer le quotidien des fermiers.

Il a profité de l'opportunité que lui offrait AWA 2023 pour interpeller sur la nécessité d'impliquer les fermiers à prendre la parole.

Selon lui, « les fermiers ont leur mot à dire. On essaye de porter leurs voix mais ils le feraient mieux que quiconque. Étant souvent sur le terrain, on apprend beaucoup d'eux. Ils ont un savoir-faire. Ils ont une expérience ».

Et d'ajouter : « Peut-être qu'ils n'ont pas l'assurance ou les indicateurs de performance pour juger une solution, l'analyser sur la manière d'utilisation mais le fermier est un grand scientifique mais aussi un grand entrepreneur. Il est capable de savoir si la solution est adaptée à son besoin ou pas sans rentrer dans les indicateurs de performance et autres choses ».

Revenant sur le géant mondial des engrais, M. Bouraqqadi fait savoir que OCP Africa est une filiale du groupe OCP créé en 2016 et implanté jusqu'à maintenant dans 12 pays africains, principalement en Afrique sub-saharienne.

D'après lui, l'idée d'être implanté en Afrique subsaharienne vient du fait qu'OCP veut développer des solutions adaptées aux besoins de cette région.

Pour cela, estime M. Bouraqqadi, il faut être sur place et avoir un dialogue permanent avec les fermiers mais aussi avec les autres partenaires de la chaine de valeur notamment les instituts de recherche, les gouvernements, le secteur de l'agro-industrie, la société civile...

« 80% à 90% de nos équipes sont basées au niveau des pays. C'est là-bas où ça se passe. Donc, l'implantation en Afrique a pour objectif de pouvoir comprendre les besoins de façon à pouvoir développer des solutions adaptées ».

Développer des solutions adaptées aux besoins des fermiers et des sols

Sur cette lancée, il s'est attardé sur l'aspect lié à la santé des sols et au rendement. A ce sujet, il est parti du principe que le continent africain importe annuellement 100 millions de tonnes de produits alimentaires. Ce qui coûte dans les 75 millions de dollars.

Concernant les engrais, fait savoir le Directeur de recherche et développement d'OCP Arica, le continent en produit 30 millions de tonnes.

Cependant, l'Afrique importe la plupart de ses besoins en engrais sauf pour les engrais phosphatés où l'Afrique a recours à deux tiers de ses besoins de ressources locales mais pour le reste, on importe sachant que le continent est autosuffisant en certaines substances.

Pour la potasse, le continent doit l'importer mais que ce soit pour les denrées alimentaires, que ce soit pour les intrants de qualité y compris les engrais, les semences et autres, le continent reste dépendant des importations, souligne-t-il.

Devant cet état de fait, il pense que l'Afrique a besoin de développer des solutions adaptées aux besoins des fermiers mais aussi aux besoins des sols.

Pour cela, il faut faire des cartographies des sols. « Jusqu'à présent, OCP a pu cartographier 50 millions de sols africains, principalement en Afrique subsaharienne. On a pu développer 44 formules customisées adaptées aux besoins du sol et des plantes. On ne tient pas juste à donner une solution quelconque aux fermiers mais on tient à développer des solutions customisées ».

D'après lui, c'est un travail de longue haleine pouvant prendre deux à quatre ans et qui commence par l'échantillonnage du sol, la caractérisation du sol, l'identification des carences, développer des recommandations en engrais, valider les recommandations sur le terrain.

A l'en croire, six mille essais ont été réalisés sur les quatre à cinq dernières années. Après tout ce processus, on peut dire qu'on a une formule customisée. Ce qui ne sert pas à grand-chose parce que le processus continue.

S'en suit un travail d'éducation et de formation des fermiers pour partager le savoir-faire avec eux pour qu'ils puissent utiliser les engrais dans les meilleures conditions.

C'est ainsi que l'OCP a un tas de programmes comme l'Agribooster, OCP School Lab, Empowering African Youth (EMAY)... D'après M. Bouraqqadi, ce sont des programmes qui ont permis jusque-là de former plus de deux millions d'agriculteurs africainssur les bonnes pratiques agricoles.

Ce qui fait dire que l'aspect formation est capital et ne s'arrête pas seulement au niveau du fermier car il y a un besoin de former une élite africaine.

Parlant de santé de sol, M. Bouraqqadi pense sincèrement qu'il y a un effort à faire dans ce sens.

Pour lui, il y a de très bons scientifiques africains mais rares sont ceux spécialisés en matière de sciences des sols.

Il se réjouit du fait qu'il y ait des universités africaines qui travaillent sur des thématiques africaines et qui permettent d'assurer un transfert de technologie vers le continent.

A ce sujet, il énumère les partenaires internationaux comme M6P, des universités européennes et américaines comme Texas University ainsi que des projets de recherche et de développement.

Pour M. Bouraqqadi, certains projets sont portés par l'OCP et d'autres par ses partenaires, le secteur privé, avec des multinationales sur la protection des plantes... Des projets qui sont mis en place en Afrique en partenariat avec des universités africaines, des instituts de recherche africains, les gouvernements.

Ce mécanisme permet un transfert de savoir-faire entre différentes universités et centres de recherche mais ça permet aussi de former une élite africaine. En général dans ces programmes de recherche, il y a une composante recherche et éducation.

Pour le moment, OCP a formé 70 leaders africains en PhD, Master Of Student... dans le cadre de ce projet recherche-développement d'où l'importance d'avoir cette approche holistique et inclusive.

Concernant la bio- diversité, M. Bouraqqadi pense qu'il faut garder en tête que 75% de l'alimentation mondiale vient de 12 espèces végétales et cinq espèces animales.

Nécessité de restaurer les cultures oubliées

En Afrique, a-t-il poursuivi, il y a ce qui est appelé les cultures oubliées. Ce sont des cultures bien adaptées au contexte local, aux conditions agro-écologiques mais malheureusement qui n'ont pas de marché parce que finalement, le citoyen africain a basculé vers d'autres denrées alimentaires.

Dans le cadre de l'insécurité alimentaire, M. Bouraqqadi croit qu'on a un devoir à promouvoir ces cultures ancestrales en protégeant le patrimoine semencier et les inclure dans des projets de recherche et de développement afin de développer des pratiques agricoles qui sont adaptées aux besoins des populations locales.

A son intime conviction, la demande existe en Afrique où 28 millions de personnes souffrent de faim et de mal nutrition. Ce qui, d'après lui, passe nécessairement par l'augmentation des rendements avec l'utilisation d'intrants agricoles de qualité.

Avant d'alerte : « Ça ne devrait jamais se passer via l'extension des terres agricoles utilisées parce que ça a un cout environnemental ».

En guise d'exemple, la production céréalière, de 1980 à 2018, la Chine a plus que doublé sa production (133%). En même temps, l'Afrique a triplé la tienne.

Pour lui, c'est une bonne progression mais la différence est qu'en même temps la Chine a gardé la même superficie destinée à la production des céréales hors en Afrique, la superficie a plus que doublé.

Et d'ajouter que l'agriculture est peut-être la solution face à des défis environnementaux mais à condition d'avoir des pratiques agricoles durables adaptées aux besoins de l'agriculture africaine.

Pour un renouveau de l'agriculture du continent, M. Bouraqqadi a paraphrasé Sa Majesté le Roi du Maroc qui avait dit en 2014 à Abidjan : « L'Afrique doit faire confiance à l'Afrique ».

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