Madagascar: Filière vanille - Le bras de fer entre l'Etat et les opérateurs tourne au fiasco

Cela fait plusieurs mois que les opérateurs de la filière vanille dénoncent une mauvaise gouvernance, à travers des manifestations de rue. La semaine dernière, les médias internationaux ont évoqué l'existence d'une manoeuvre visant une mainmise sur la filière.

350 tonnes de vanille exportées jusqu'en février 2023, contre une réalisation de 2.354 tonnes pour la saison précédente, sur la même période. Plus de 2000 tonnes de vanille restent donc bloquées au niveau des régions productrices, causant la fureur des planteurs et des collecteurs. « Nous ne pouvons pas manger cette vanille, alors que nous avons faim. Nous ne pouvons pas non plus la vendre. Cela fait des mois que nous avons émis nos doléances auprès des autorités. A plusieurs reprises, des ultimatums ont même été lancés, dont l'un était directement adressé au président de la République. Mais cela n'a rien changé. Nous avons perdu cette saison et les prochaines sont également fortement menacées », nous a confié un collecteur de vanille qui opère dans la région SAVA. Pour les opérateurs, les autorités minimisent les enjeux de cette filière qui représente pourtant 5% du PIB (produit intérieur brut) du pays. Selon un article publié par Africa Intelligence, l'ensemble de la chaîne de valeurs de la vanille à Madagascar est estimée à un milliard de dollars US par an. Certes, le manque à gagner est énorme pour l'économie nationale, mais surtout pour les opérateurs de la vanille.

%

Manque de transparence

Durant leurs manifestations, la requête des opérateurs de la vanille comporte trois points essentiels. Le premier concerne la dissolution du CNV (Conseil national de la vanille), qui selon eux, n'est qu'une structure mise en place pour défendre l'intérêt d'un seul opérateur économique. Le deuxième point concerne l'annulation du prix-plancher de 250 USD, qui est bien loin du prix du marché international qui environne les 150 USD. Et enfin, le troisième point concerne la libéralisation de la filière. En effet, les opérateurs indiquent l'existence de barrières pour les empêcher d'opérer comme auparavant. « Ces trois dernières années, le nombre d'entreprises autorisées à exporter de la vanille a drastiquement diminué. De 140 exportateurs, ils ne sont plus que 70 à avoir obtenu le fameux agrément, sans que les critères de sélection ne soient rendus publics. Le ministre Edgard Razafindravahy a refusé près de 200 demandes de nouveaux agréments, sans donner d'explications. Face aux protestations des acteurs de la filière, le ministère du Commerce a octroyé le fameux sésame à une quinzaine d'exportateurs de plus, fin 2022 », rapport Africa Intelligence dans son article.

Dissuasion

Outre cette difficulté d'obtenir un agrément, les professionnels de la filière font également face à des mesures de dissuasion. Les professionnels de la filière évoquent l'existence de contrôles fiscaux imposés fin 2022, aux sociétés exportatrices. Or, pour obtenir l'agrément d'exportation, il faut fournir un quitus fiscal attestant de la bonne santé de l'entreprise et de sa solvabilité. Ce document est impossible à obtenir tant que le redressement est en cours. D'autres opérateurs subissent des mesures plus graves, comme l'interdiction de sortie de territoire frappant les dirigeants de l'entreprise AFH Export. Toujours d'après Africa Intelligence, « ... D'autres exportateurs ont dû payer 60 millions d'ariary, soit près de 13 000 Ꞓ, pour obtenir l'agrément d'exportation et indiquent avoir remis l'argent à des membres de l'équipe du ministre du Commerce ».

Une filière à genou

Suite à l'intensification des manifestations des planteurs et des collecteurs, des représentants du Gouvernement ont rencontré les opérateurs de la vanille. La plus récente rencontre était celle avec les représentants de SOS Vanille, qui date du 24 mars dernier. Comme à chaque fois depuis le début de la saison 2022-2023, des solutions étaient évoquées à l'issue de la rencontre. Mais quelques jours après, les manifestations reprennent. Pour les planteurs, il est impossible de vendre au prix-plancher de 250 USD, alors que le cours mondial du kilo de vanille avoisine les 150 USD. Outre les planteurs, les préparateurs et les collecteurs, plusieurs activistes des régions productrices militent également pour la libéralisation de cette filière, évoquant d'énormes pertes pour l'économie nationale, déjà visibles au niveau du marché des changes. Pour l'heure, aucune solution soutenable n'a été prise. D'après les professionnels de la filière, Madagascar a déjà perdu cette saison. Mais ce n'est pas fini. D'après les informations, la plupart des importateurs ont refusé de financer la « précampagne » de la vanille, à cause du prix-plancher trop élevé. Ce financement assure pourtant la réalisation des opérations de collecte, de préparation et d'expédition. Bref, la filière aura du mal à se relever, après cette chute libre aux impacts dévastateurs.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.