Pierre Claver Mabiala, directeur de l'espace culturel Yaro et coordonnateur du projet La route de l'artiste en Afrique centrale (Raac) visant la mobilité et la visibilité des artistes, a récemment conduit une mission par route du Congo au Cameroun en passant par le Gabon.
Il a confié, le 4 avril, au cours d'un entretien avec Les Dépêches de Brazzaville, que le projet se réalise bien et des avancées sont déjà enregistrées.
La mission effectuée par l'équipe de l'Espace Yaro, du 13 au 21 mars dernier, entre dans le cadre des missions de confirmation des circuits routiers et de collecte des données qui seront mises à disposition à travers le site internet du projet pour permettre aux artistes et aux acteurs culturels de circuler en Afrique centrale à moindre coût.
En effet, financé par ACP EU Culture à travers le programme Créer en Afrique, la Raac a été lancée le 24 mars dernier à Douala au Cameroun, au cours d'une rencontre qui a réuni tous les partenaires avec les points focaux de chacun des 8 pays de la sous-région concernés, à savoir le Congo Brazzaville, la République démocratique du Congo (RDC), le Gabon, le Cameroun, la République centrafricaine (RCA), le Tchad, Sao-Tomé et la Guinée Equatoriale.
Ce projet porté par l'Espace culturel Yaro du Congo, en partenariat avec Our children our future du Cameroun et le Réseau culturel et artistique pour la formation et la francophonie du Tchad, est destiné à la valorisation de la circulation par route des artistes et autres professionnels de la culture grâce à des outils et des moyens de visibilité ainsi que de renseignement devant permettre une meilleure diffusion de leurs produits et plus d'accès au marché.
Pierre Claver Mabiala a expliqué : «Les plus beaux spectacles créés en Afrique ne durent que le temps d'une création et ne sont joués que dans les pays d'origine. Et les professionnels n'arrivent pas à bouger parce que les voyages par avion coûtent cher. Avant, on avait des fonds culturels de coopération avec l'Organisation internationale de la francophonie, Africalia et même l'Institut français. Mais maintenant ces fonds pour la mobilité deviennent de plus en plus rares, surtout en Afrique centrale. Du côté de l'Afrique de l'Ouest, depuis longtemps dans les pays, les professionnels et les spectacles bougent par route».
Bientôt une cartographie des acteurs culturels et des routes transfrontalières
Projet novateur, la Raac entend faire bouger les choses dans le domaine des arts et de la culture au niveau de la sous-région. Elle permettra aux artistes et autres acteurs culturels de se mouvoir facilement, d'allonger la durée de vie de leurs produits et de leur donner plus de notoriété. «En Afrique centrale, on avait peur aussi par rapport au relief, mais on s'est rendu compte que depuis un certain temps, au niveau des Etats et des institutions sous-régionales, les routes ont commencé à se faire. C'est pourquoi nous avons pensé mettre en place le projet Raac pour permettre aux artistes de tourner et diffuser leurs produits et aux professionnels d'aller rencontrer les autres et faire des projets», a ajouté Pierre Claver Mabiala.
Le projet qui s'étend sur dix-huit mois prévoit la mise en place d'une cartographie des acteurs culturels et des routes transfrontalières avec des informations devant leur permettre de circuler à moindre coût dans la sous-région. D'où la mission conduite par Pierre Claver Mabiala destinée à confirmer les circuits routiers et à collecter les informations sur la circulation par route.
Il aura fallu neuf jours à Pierre Claver Mabiala et Guy Narcisse Goma Makanga, responsable administratif et financier de l'Espace Yaro, pour venir à bout des 4 600 km parcourus. La délégation a effectué un circuit en boucle partant du Congo, précisément de Pointe-Noire et Dolisie, au Gabon, notamment à Ngongo, Ndéndé et Libreville. Puis au Cameroun à Yaoundé, Ntam et la frontière Cameroun/Nord Congo pour arriver à Ouesso et chuter enfin par Brazzaville.
Ce qui lui a permis de collecter des informations réelles sur les circuits routiers, les routes, les distances, la durée des voyages, les moyens de transport, les barrières sur la route, les prix de transport et autres. Ces données recueillies ainsi que celles des autres missions (Tchad-Cameroun et Centrafrique-Cameroun) et celles des points focaux seront logées sur le site internet du projet. " Nous avons fait neuf jours de voyage parce que nous étions un tout petit nombre mais les artsites qui voyagent souvent en groupe pourront faire moins", a signalé Pierre Claver Mabiala.
Par ailleurs, il ressort du point sur la mission que la route est bonne à 80%, hormis la zone située entre la localité de Niang-pont (Congo) jusqu'à celle de Ndéndé (Gabon) où les automobilistes éprouvent beaucoup de difficultés à rouler en saison des pluies. Il a aussi relevé le nombre important de barrières et des frais à payer et la nécessité de disposer d'un passeport Cémac qui facilite la circulation par rapport au laisser passer qui pose problème.
«Il faut dire qu'il n'y a pas de situations exceptionnelles pour l'artiste qui est comme tout citoyen et qui est soumis au même régime que les autres voyageurs. Mais quand on fait la somme de toutes les données, on se rend compte que le voyage par route prend un peu plus de temps mais revient moins cher que par avion. En plus, les arrêts, surtout dans les grandes villes, peuvent permettre aux artistes de jouer et rencontrer d'autres acteurs culturels», a souligné le coordonnateur du projet.
Le premier test sur la route de l'artiste prévu pour juin
Présentant le bilan du projet à mi-parcours, Pierre Claver Mabiala a indiqué qu'il est positif. «Le projet se réalise bien. Nous avons fait des collectes, rassemblé les données que les points focaux ont envoyées. Pour les circuits routiers, nous avons déjà réalisé trois missions sur quatre. Il reste une mission Cameroun-Guinée équatoriale. En fin avril, nous lancerons les premiers appels à candidatures pour les bourses de voyage par route destinées aux acteurs et équipes artistiques ainsi qu'aux professionnels de la culture. En mai, nous ferons notre premier rapport à mi-parcours», a-t-il promis.
Pour ce qui est des circuits routiers, le premier test se fera en juin lors du festival N'sangu Ndji-Ndji. «La circulation des artistes par route va être une réalité. Le mois dernier, nous avons lancé un appel à candidatures pour la réalisation du site internet du projet et d'ici au mois de juin, nous aurons les premières diffusions d'informations parce que cela va s'appuyer sur le festival N'sangu Ndji-Ndji. Nous allons avoir trois ou quatre artistes et groupes qui viendront et repartiront par route», a-t-il informé.
Notons qu'outre le site internet, la cartographie des acteurs culturels et des circuits routiers, les bourses pour la diffusion et la circulation artistiques, le projet Raac prévoit aussi la réalisation et le renforcement des marchés de spectacles en Afrique centrale en s'appuyant sur deux festivals, notamment le festival Ndjanvi au Tchad et le festival N'sangu Ndji-Ndji au Congo.