Nasser Bourita prône plus d'efficacité dans le traitement des demandes de visas concernant les étrangers mariés à des Marocaines
La rumeur enfle depuis peu sur les réseaux sociaux : Nasser Bourita aurait décidé de refuser d'exempter les étrangers des visas pour rejoindre leurs conjointes marocaines. Toutefois, la réalité est autre. Il s'agit, en fait, de fake news propagées par certains internautes qui mènent une campagne contre le mariage mixte précisément des femmes marocaines.
Fake news
En effet, Nasser Bourita a effectivement évoqué la question de la délivrance des visas aux étrangers mariés à des Marocaines, suite à une question écrite, déposée par Khalid Satte, représentant de l'UNTM à la Chambre des conseillers, sur les difficultés rencontrées par ces époux notamment issus des pays arabes, pour rejoindre le Royaume. Et s'il a indiqué que cette question relève de la souveraineté de l'Etat, il a, cependant, déclaré dans sa réponse datée du 03 mars 2023 et dont Libé détient une copie, que son département oeuvre d'arrache-pied, dans le cadre de ses prorogatives, pour accorder une attention et un intérêt exceptionnels à la facilitation et à l'accélération du traitement des demandes de visas concernant les étrangers mariés à des Marocains et Marocaines, tout en prenant en compte la nécessité de coordination habituelle avec les différents services sécuritaires concernés.
Contactant le parlementaire Khalid Satte, ce dernier nous a confirmé que certains internautes ont déformé les propos du ministre des Affaires étrangers. Il a même parlé d'une falsification. En effet, la réponse du ministre a été tronquée et on lui a attribué des propos qui ne sont pas les siens, à savoir son refus d'exempter les étrangers des visas pour rejoindre leurs conjointes marocaines.
Discrimination
Comment peut-on expliquer cette déformation ? « Cette déformation est liée à un contexte très particulier : celui de la campagne menée il y a quelques mois, contre le mariage mixte, notamment des Marocaines», nous a indiqué Mohammed Zaoui, chercheur en sciences politiques. Et de rappeler : « Lors des derniers mois, plusieurs internautes ont lancé une vaste campagne en ligne qualifiée de "raciste", rejetant les femmes marocaines épousant des Africains subsahariens. Les partisans de ladite campagne, à travers un groupe Facebook appelé "Marocains contre l'installation des Africains subsahariens", ont appelé à la fin de ce type de mariage, au motif qu'il "menace la progéniture marocaine", précisent-ils, appelant , à ce propos, les femmes marocaines à épouser leurs propres compatriotes ».
Notre interlocuteur nous a précisé que ces propos ont surgi de nouveau suite à une polémique déclenchée dans une vidéo d'une fille palestinienne, issue d'un mariage mixte entre une Marocaine et un Palestinien et lors de laquelle, elle a affiché son attachement à son pays natal.« Cette fois-ci, ils ne ciblent pas uniquement les maris subsahariens mais les étrangers, toutes nationalités confondues. Selon les adversaires des mariages mixtes, ces étrangers ne cherchent pas de relations de mariages longues et stables mais plutôt d'acquérir la nationalité et de trouver du travail au Maroc », nous a-t-il indiqué. Et d'observer : « Le hic, c'est que ces assertions ne sont pas basées sur des données fiables mais plutôt se composent en grande partie d'anecdotes ou d'impressions. D'autant qu'elles ciblent les Marocaines et non les Marocains mariés à des étrangères».
Interdiction
Pour lui, il s'agit d'un faux débat qui cache un vrai problème, à savoir les difficultés rencontrées par certains couples mixtes à rentrer au Maroc. « Ce problème ne date pas d'aujourd'hui. Il y a plusieurs années, les maris syriens et par la suite les Yéménites et les Irakiens ont été interdits d'accéder au territoire national. A noter qu'il n'y avait pas eu de décision officielle mais plutôt des consignes implicites données aux services consulaires», nous a-t-il précisé. Et d'ajouter : « Cette décision a été prise au vu du contexte de guerre dans la région et du risque terroriste. Mais à partir de 2018, ces services ont procédé à l'examen des dossiers de ces époux étrangers cas par cas». Aujourd'hui, ce problème demeure et touche, selon Khalid Satte, les maris de nationalités égyptienne et libanaise. «Mais, aujourd'hui, le problème n'est pas lié à des questions sécuritaires mais plutôt à d'autres raisons juridiques et sociales. En effet, et depuis 2020, le Parquet général a exigé plus de rigueur dans le traitement des dossiers de mariages mixtes au vu de la hausse des affaires en relation avec le régime matrimonial et la succession.
Unité de la famille
Sur un autre plan, notre source estime que le ministère des Affaires étrangères ne peut pas prendre des décisions qui vont à l'encontre de ses engagements internationaux. Notamment en ce qui concerne le droit à l'unité et à la vie de famille qui est intrinsèque à la reconnaissance universelle de la famille en tant qu'unité fondamentale de la société ayant droit à la protection et à l'assistance en vertu du droit international relatif aux réfugiés, du droit international relatif aux droits humains et du droit humanitaire international. A ce propos, elle nous a rappelé que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention européenne des droits de l'Homme considèrent l'égalité des droits et des responsabilités des femmes et des hommes eu égard aux soins et à l'éducation de leurs enfants comme des composantes fondamentales du principe de l'unité de la famille.
« A noter, cependant, que concernant le cas du Maroc, les dispositions juridiques concernant le regroupement familial sont peu nombreuses et floues. Si la loi n°02- 03 relative à l'entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l'émigration et l'immigration irrégulières a évoqué ce droit et les conditions requises pour en jouir (âge, ressources financières, résidence, ne pas constituer de menace pour la sécurité de l'Etat...), le décret d'application reste confus et silencieux sur plusieurs aspects. Ce décret n'a pas jugé utile de délimiter la liberté de décision de l'Etat puisqu'elle n'a pas été définie de manière claire et qu'elle est demeurée illimitée», a conclu Mohammed Zaoui.