Sur le théâtre des opérations, un soldat intègre engagé crapahute entre vie et trépas pour sauver la nation en péril. Chaque jour, le décompte macabre fait vaciller le coeur des vivants. Chaque soldat qui tombe, s'effondre avec autour tout un monde en larme. De toute part, la patrie est attaquée, des familles entières sont massacrées, des villages brûlés et chassés. Même le bétail et les champs sont ravagés, par l'ennemi. Les forces du mal avancent en volant et en violant sous les vivats des complices qui jubilent sans fierté aucune. De titans mutants intègres aux desseins malsains dénoncent et condamnent la tragédie en riant sous cape du malheur qui frappe la fratrie.
Face à l'hécatombe de leurs propres frères, ils versent des larmes de crocodile en égrenant le chapelet de plombs pour un futur de sulfure. Entre espoir et désespoir, les Burkinabè scrutent le ciel qui s'affaisse. Sous la barbe de puissances armées jusqu'aux dents, la saignée se poursuit sans la moindre escarmouche amicale. Très vite, le pays des hommes intègres est peint en rouge avec toutes les mentions apocalyptiques qui sèment la peur et la méfiance. Les médias de longue portée tirent à bout portant des éditos du chaos, des commentaires incendiaires en tirant sur la fibre de l'instinct suicidaire.
Et un beau jour le roi se retrouve nu ! Sur le théâtre des opérations, le soldat intègre reste engagé et continue de crapahuter entre vie et trépas pour sauver la nation en péril. Pendant ce temps, un autre Burkinabè, de salon, au clavier s'affale et s'entasse autour de son propre égo, s'emmure dans son confort de fortune pour tirer le moral de « l'inconnu soldat méconnu » vers le bas. Rien ne sert de citer les noms et autres pseudos de tous ces badauds infects qui arpentent le net en minant chacun de nos clics avec les mots du pire. Rien ne sert de donner des extraits du discours de haine emballé dans des mouchoirs blancs qui saignent.
Leur visage est plus hideux que le masque d'épouvante qu'ils portent mal. Leurs convictions de façade trahissent leurs intentions profondes. Entre les lignes des pamphlets gonflés de rage et le déni sempiternel des efforts consentis, la parodie peine à cacher les non-dits du plus érudit des imbus. Les réseaux sociaux sont devenus une autre zone rouge où d'impénitents tirailleurs lancent l'assaut de la critique facile sur un ton parfois babil. C'est inutile de se dresser contre soi-même en pensant que l'autre n'est pas des nôtres. Tous ces gazouillis du cafouillis ne sont que les clapotis d'un ressenti non repenti. Pendant que la guerre bat son plein aux quatre coins de pays, dans la capitale, le bal des critiques est ouvert.
Et gare à celui qui ose s'opposer ou demander du bémol dans les propos. Il y en a qui ne voient que du noir ; ils n'encouragent jamais, ils ne proposent rien. Et il y a ceux qui disent vrai quitte à ne pas plaire, pour contribuer à bâtir la nation. Mais pour les irréductibles, au nom de la démocratie, la suprématie des opinions se moque des péripéties de la nation. Sous les feux de la rampe du sensationnel, l'armada du branle-bas de combat d'idées reste parfois confinée dans un habillage de verbiage nu, sans pudeur nationale ; des spécialistes à la rhétorique catégorique s'adonnent sans bas à des débats aux allures d'ébats où l'on se débat parfois pour des abats qui mijotent en bas.
Sur les visages maquillés de certains abonnés des plateaux luisants, l'expression de la liberté se réduit à la liberté d'expression. Mais qu'est-ce que la liberté sans la mesure, sans la retenue ? Suffit-il d'avoir raison pour être raisonnable surtout en tant de crise ? Entre la vérité qui détruit et celle qui construit, laquelle élève et honore son auteur, laquelle rend service à la nation ? Entre la déontologie et l'éthique lequel peut servir de code d'honneur à l'intégrité ? Le contexte est parfois plus urgent que les textes et tout le bataclan ! Il est des moments cruciaux et critiques où au-delà de toutes les règles de conduite humaine, la meilleure des prescriptions qui transcende le droit d'avoir ou d'être est le devoir de s'attacher à la nation avec l'ardent désir de la servir et de la défendre.
Entre le scoop de la consécration personnel ou professionnel fût-il et le boom de la déflagration de la nation, il y a un choix que seul le patriote saura faire. Parce qu'il n'y a rien de plus sacré que la patrie, aucune expression de liberté ne peut se prévaloir d'être une priorité si cette liberté profite aux ennemis de la nation en guerre. Il ne suffit donc pas d'oser planter la plume dans la plaie ; il faut surtout savoir l'en sortir avec la gangrène et contribuer à guérir le mal. Hélas, parfois nos plumes servent à faire la Une pour faire fortune pour des causes inopportunes. Finalement, la liberté d'expression est-elle toujours une expression de la Liberté !