Les fidèles chrétiens célèbrent ce weekend, la Pâques, la fête de la résurrection de Jésus-Christ dans un contexte national marqué par l'insécurité. Dans cette interview accordée à Sidwaya, l'Abbé Paul Dah revient sur le sens de cette célébration, et, entre autres, la manière de la célébrer au regard de l'impact des affres du terrorisme dans certaines localités du Burkina.
Quelle importance revêt la fête de Pâques pour les chrétiens ?
Disons d'emblée que Pâques est à la foi chrétienne ce qu'est le souffle à la vie humaine. C'en est le substrat, le fondement. C'est elle qui suscite et nourrit la foi chrétienne. Ceci dit, Pâques signifie le triomphe de Jésus sur la mort. Les chrétiens croient que la résurrection de Jésus a confirmé qu'il était le fils de Dieu, venu sur Terre pour apporter le salut à l'humanité et racheter leurs péchés par son sacrifice de compassion. S'il n'était pas ressuscité, Jésus n'aurait été qu'un enseignant, ou un prophète, parmi d'autres, et ses apôtres auraient continué à former le groupe que l'Evangile de Jean décrit comme se cachant par crainte des Juifs. C'est pourquoi Saint Paul peut proclamer avec force : « Si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide, et vide aussi votre foi. » (1Co15, 14). Par conséquent, la résurrection de Jésus scelle sa divinité et constitue ainsi le coeur de l'Evangile chrétien. C'est un fait unique et sans précédent dans l'humanité.
Comment la Pâques doit-elle être célébrée ?
Avec foi, ferveur et sérieux. Pour ce faire, les offices de la Semaine sainte constituent de véritables lieux de rendez-vous que Dieu nous donne. En prenant les moyens qu'il faut pour y être présents, et à temps, nous y renouvelons et approfondissons notre foi. Célébrer donc la Pâques au bout de la quarantaine de préparation, c'est prendre les moyens adéquats pour, chaque année, approfondir un peu plus sa foi en Jésus-Christ ressuscité pour le salut du genre humain.
Comment les catholiques peuvent-ils appliquer les enseignements de Pâques dans leur vie quotidienne ?
Bonne question. Si Pâques est la victoire de la vie sur la mort, le triomphe de l'amour sur la haine, la vivre consistera donc à s'inscrire dans cette logique-là au quotidien. Du coup, cela fait de la Résurrection un signe d'espérance qui nous permet de continuer à croire en la vie et de nous battre pour qu'elle triomphe. Et si Pâques est également la victoire de l'amour sur la haine, le catholique devra aussi croire que même son ennemi est capable d'aimer. L'ennemi dans la Bible, c'est celui qui refuse l'amour comme loi du monde. C'est celui qui sème la zizanie, qui refuse la justice, la vérité, et qui fait tout ce qui empêche l'amour. Mais il ne faut pas s'y tromper : L'amour des ennemis ne consiste pas à éprouver un sentiment de sympathie, c'est chercher à stopper la violence. Dans la Bible, l'amour ne se réduit pas à l'affectif, ce qui rendrait impossible le commandement d'aimer. Comment pourrait-on se forcer à éprouver une émotion positive ? Le Christ mort et ressuscité a rendu l'amour et la vie plus forts que tout. Sans cela on aurait du mal à le croire.
Quels sont les messages que vous souhaitez transmettre aux fidèles à l'occasion de cette fête ?
Je fais simplement miens ces appels des évêques dans leur message de Pâques 2023 sur l'espérance, l'unité, la solidarité, la prière et l'engagement. Ainsi par exemple, les numéros 4 et 5 de leur message disent ceci : « La joie de Pâques ne nous fera certes, pas oublier les problèmes que nous vivons dans nos familles et dans notre pays. Mais le Christ ressuscité vient les transfigurer par sa lumière. En effet, il nous donne la force nécessaire pour les surmonter et pour ouvrir dans nos vies des chemins d'espérance et de renouveau. C'est au coeur de nos réalités humaines faites d'ombres et de lumière que nous devons vivre notre joie de ressuscités en Christ et à témoigner de la résilience dont la foi et l'espérance nous rendent capables ». L'Eglise ne saurait rester insensible à l'ampleur et aux conséquences du drame dans lequel sont plongées les populations de notre pays. Comme nous l'enseigne le Concile Vatican II, « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ et il n'est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur coeur. » (Gaudium et Spes n°1).
L'insécurité que connait notre pays a-t-elle affecté, cette année, selon vous, la célébration de Pâques ?
Le passage du message des évêques que je viens de citer, répond bien à votre question et j'y souscris, puisque les chrétiens, comme tout autre Burkinabè, sont d'abord des citoyens de ce pays, avant d'être de telle ou telle confession religieuse ou même de telle ou telle région. De ce fait, il va donc sans dire que la célébration de Pâques sera affectée par la situation d'insécurité que connait notre pays. Ne serait-ce que les vigiles pascales, ou si vous voulez, les messes de minuit qu'on est obligé de célébrer à 15 heures ou 17 heures dans certaines localités, du fait de l'insécurité, bien entendu.
De quelle manière la communauté catholique peut-elle soutenir les personnes vulnérables en cette période de Pâques ?
Elle le fait sous des formes multiples et variées à travers les différentes organisations caritatives au niveau des Communautés chrétiennes de base (CCB), des paroisses ou des diocèses, mais le plus souvent dans la discrétion.
Comment la foi catholique peut-elle aider les gens à faire face à l'incertitude et aux difficultés de la vie ?
L'extrait du message pascal des évêques déjà cité y répond bien à mon avis et je ne peux donc m'empêcher de le répéter : « La joie de Pâques ne nous fera, certes, pas oublier les problèmes que nous vivons dans nos familles et dans notre pays. Mais le Christ ressuscité vient les transfigurer par sa lumière. En effet, il nous donne la force nécessaire pour les surmonter et pour ouvrir dans nos vies des chemins d'espérance et de renouveau. C'est au coeur de nos réalités humaines faites d'ombres et de lumière que nous devons vivre notre joie de ressuscités en Christ et à témoigner de la résilience dont la foi et l'espérance nous rendent capables ».
Quels sont les défis que la communauté catholique doit relever en ce moment ?
Ils sont certainement nombreux, mais dans le contexte de Pâques et de notre pays, les plus en vue sont certainement les défis de la réconciliation, de la cohésion et du vivre-ensemble harmonieux. Tout cela peut être facilité par un fort esprit de famille et de fraternité en son sein et avec les autres communautés ou concitoyens.