Au Rwanda, les commémorations du génocide de 1994 contre les Tutsis, prévues ce 7 avril 2023, peuvent faire resurgir des traumatismes chez de nombreux rescapés. Dans des groupes de parole, comme celui de Ntarama, des psychologues tentent de les préparer psychologiquement à traverser cet événement.
Au Rwanda commencent ce 7 avril 2023 les 29e commémorations du génocide de 1994 contre les Tutsis. Ce vendredi matin, comme chaque année, une cérémonie officielle, organisée au mémorial national de Gisozi à Kigali, lance la semaine de recueillement.
Pour les victimes, la période de commémoration annuelle est une période sensible : les traumatismes remontent, et pour se préparer à les affronter, des groupes de rescapés se réunissent, comme à Ntarama, au sud de Kigali.
« Pendant longtemps, je ne pouvais pas me joindre aux événements de commémoration »
Il faut garder espoir, la vie doit continuer : c'est le message que répètent les rescapés du génocide dans ce groupe de parole de Ntarama. Pour certains, pendant les commémorations annuelles, les souvenirs resurgissent et peuvent provoquer des épisodes de stress post-traumatique.
Liberata Nyirantore a mis des années avant d'avoir la force de participer aux cérémonies de recueillement. « À la vue de mon petit frère, qui a été mutilé sur une grande partie du corps, j'étais devenue dépressive, raconte-telle. Pendant longtemps, je ne pouvais pas me joindre aux événements de commémoration parce que je ne voulais pas y voir les personnes qui ont commis ces actes. Je ne pouvais même pas suivre les cérémonies à la radio. On éteignait la radio et on restait enfermé dans la maison toute la journée et toute la nuit ».
« La commémoration parce qu'elle peut provoquer des sentiments lourds, des flashbacks »
Dans ce groupe de parole, une vingtaine de victimes se donnent des conseils pour se préparer au mieux aux commémorations : éviter les situations stressantes, écrire des lettres aux proches disparus, ou exprimer à d'autres rescapés ses angoisses. Un moment important, selon la psychologue qui anime les discussions, Aimée Josiane Umulisa. « Nous sommes en train de préparer la commémoration parce qu'elle peut provoquer des sentiments lourds, des flashbacks, des réminiscences, explique-t-elle. Nous essayons de prendre des exemples pour qu'ils puissent aller vers ces commémorations en étant forts et fortes ».
La séance se termine par des exercices de yoga et de relaxation. Au Rwanda, près de 28% des rescapés du génocide souffrent encore de stress post-traumatique et 35% d'entre eux de dépression sévère.
Pour la période de commémorations, un dispositif spécial mis en place
Pour la période de commémorations, un dispositif spécial est ainsi mis en place par les personnels formés en santé mentale pour traiter ces différents cas. « On a organisé avec des psychiatres, des psychologues, des infirmiers psychiatriques, une préparation pour voir comment l'équipe multidisciplinaire intervient dans les lieux quand il y a des crises de PTSD [troubles du stress post-traumatique, Ndlr] lors des activités de mémoire. Et on les amène dans ces lieux sécurisés où on peut l'aider à se relaxer, à revenir à la réalité », explique le Docteur Rutakayire Bizoza, médecin psychiatre à l'hôpital psychiatrique de Ndera Rwanda
« Quand il y a une agitation très importante, là on peut amener le sujet dans des hôpitaux qui ont été déjà ciblés. Et ce qui est fait également entre les deux commémorations : des activités, comme les groupes de parole, qui aident à pouvoir faire l'accompagnement psychologique, afin qu'à la prochaine commémoration, la personne ne puisse pas faire de crises de PTSD ou des crises émotionnelles », conclut-il.