Cote d'Ivoire: Partis politiques - Gbagbo et Bédié, ils sont tout simplement dépassés !

Les deux principaux opposants de notre scène politique, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, peuvent-ils encore incarner l'avenir de la Côte d'Ivoire comme ils ont tenté de le faire admettre ces derniers jours ?

Les deux hommes, qui ont organisé en fin de semaine dernière deux grands évènements, un congrès extraordinaire pour l'un et une fête dite de « la renaissance » pour l'autre, ont en tout cas clairement profité de leurs tribunes respectives pour passer le message de leur volonté de reprendre les rênes du pouvoir d'Etat en 2025.

Le sphinx de Daoukro, qui s'est fait désigner sans coup férir candidat unique à la présidence de son parti, n'a pas donné dans l'équivoque à ce sujet : « A travers notre longévité politique, le temps n'a jamais eu de cesse de nous instruire et de nous inspirer dans nos initiatives pour construire un nouveau monde plus conforme à nos ambitions et plus en adéquation avec les aspirations de ceux et celles avec lesquels nous sommes engagés à bâtir un société à visage humain », a déclaré le natif de Dadiékro. Autrement dit, ce sera avec lui Bédié, le bienheureux longévif de 88 ans, comme chef de troupes, qu'il faudra compter pour la bataille présidentielle à venir. Certes, le futur congrès ordinaire devra entériner cette volonté affichée. Mais il y a fort à parier que l'option de fonctionnement de type gérontocratique fatalement admise au PDCI finira par l'emporter sur les réticences et bravades de quelques jeunes loups bien identifiés, qui n'auront que leurs yeux pour pleurer.

L'ancien chef de l'Etat piaffe d'autant plus d'impatience de se saisir du gouvernail du navire ivoirien que, à ses yeux, la Côte d'Ivoire est carrément au bord de l'hécatombe : « notre population souffre de divers maux : la pauvreté, une pauvreté sans précédent, de plus, notre système éducatif est en déliquescence et une frange de notre jeunesse a perdu ses repères et tout espoir. Dans l'impossibilité de valoriser ses talents, elle s'adonne à l'alcool et aux stupéfiants de toutes natures. Le désarroi est tel que certains choisissent, au prix de leur vie l'aventure périlleuse de la traversée de la mer Méditerranée. Pis, d'autres n'hésitent pas à mettre fin de façon tragique à leur vie par le suicide », dresse-t-il un tableau pour le moins ténébreux d'une Côte d'Ivoire considérée pourtant par bien de chancelleries étrangères établies dans notre pays comme l'un des plus dynamiques en matière de politique des jeunes et où l'offre d'emploi en faveur de cette tranche d'âge est officiellement estimée à quelques deux millions.

Soif de pouvoir mal contenue...

Surfer sur quelques faits divers, certes tragiques, enregistrés ces derniers mois et sur un phénomène migratoire qui n'échappe à aucun pays du Sud pour décréter un misérabilisme ambiant dans un pays qui a tourné le dos à la paresse et à la facilité, et où la jeunesse a compris la nécessité du travail, il faut être habité par une mauvaise foi, elle-même mue par une soif de pouvoir mal contenue. D'ailleurs, Bédié termine sa diatribe par ces mots qui trahissent son subconscient : « nous attendons le cri de détresse de notre peuple, qui nous appelle à prendre nos responsabilités pour retour démocratique au pouvoir d'Etat ». On aurait dit « tout ça pour ça ! »

L'autre grand gourou qui rêve de s'asseoir à nouveau au palais présidentiel après y être parti par la petite porte du déni démocratique, c'est bien Laurent Gbagbo. Le Woody de Mama reste décidément un cas d'école. Il sort d'une décennie de purgatoire, loin de sa terre natale, pour s'être rendu coupable d'un certain nombre de méfaits, rentre au pays et décide d'opérer une sorte de régénération, de reviviscence et, au moment où tout le monde l'attend sur le terrain de cette renaissance, il sert aux Ivoiriens le même Gbagbo qu'ils ont connu, c'est-à-dire, le Gbagbo roublard, rigolard, féru des détails futiles, qui a la manie de ne pas appréhender les choses avec sérieux. Mais également le Gbagbo « palabreux », revanchard, toujours à la recherche de la petite bête.

Tenez, alors qu'il donne rendez-vous tambour battant à la jeunesse pour lui passer un message supposément d'espoir pour son avenir, il trouve le moyen de ressasser les anciennes rengaines politiciennes qui ont ruiné son pouvoir. Le voilà donc qui réclame des coupables d'une crise postélectorale - qui a fait 3000 morts - qu'il est le seul à avoir suscité en refusant de reconnaitre sa défaite électorale. S'arc-boutant à un acquittement - faute de preuves suffisantes (quoique effectives pour la plupart) du Procureur de la CPI - il s'arroge le droit, sans la moindre compassion à l'égard de qui que ce soit, de demander des comptes, comme si cela pouvait ramener les victimes à la vie.

Alors qu'il n'a pas fini de narguer les suppliciés de la crise, le voilà qui ouvre la page rose de son idylle avec son épouse en secondes noces, l'inévitable Nady Bamba. Qu'est-ce qu'ils en ont vraiment à cirer de cette histoire de jupons, ces milliers de jeunes qui ont pris d'assaut la place Ficgayo pour écouter leur leader ? Où est donc la renaissance tant annoncée d'un Gbagbo et sa refondation qui nous avaient gavés une décennie durant d'une gouvernance de fêtards, là où on attendait d'eux des actions de développement en faveur des populations ? Et le pire, ce sera pendant l'épisode du palais de la Culture où l'ancien chef de l'Etat n'a rien trouvé de mieux à faire que de s'adonner à une partie de piano en recommandant aux jeunes, à qui il avait promis des pistes de solutions pour leur insertion socioprofessionnelle, de se rendre à Bondoukou et Odienné pour acheter des tubercules d'igname pour les revendre, en leur promettant sur l'honneur de créer pour eux, une fois parvenu au pouvoir, une « banque de l'emploi ».

Des ignames comme solution...

Où allons-nous donc avec ces deux aspirants au fauteuil présidentiel, qui ne font aucune proposition concrète aux personnes dont ils sollicitent le suffrage ? Pour l'école, que proposent-ils aux jeunes ? En ce qui concerne l'emploi - en dehors de l'igname - que propose Gbagbo pour résorber le chômage des jeunes? Bédié qui les traite d'alcooliques, de drogués, de suicidaires, quelles solutions - non démagogiques - proposent-ils aux jeunes ? Quelle est la quintessence programmatique de la gouvernance que ces deux vieux briscards de la politique offrent-ils aux Ivoiriens ?

A la vérité, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo sont de simples nostalgiques d'un passé suranné dont ils ont du mal à se défaire. Ils sont prisonniers de l'idolâtrie que leur vouent des partisans fanatisés, prêts à applaudir à tout rompre à la moindre évocation de leur nom, se moquant royalement de ce qu'ils peuvent leur apporter dans leur vie personnelle. Parvenus au pouvoir de façon accidentelle, l'un à la mort du père de la Nation, l'autre par des élections tronquées, ces deux personnages n'ont en réalité jamais été des travailleurs. Face à un Alassane Ouattara, prototype achevé de l'homme d'Etat moderne, à qui d'ailleurs ils vouent secrètement une grande admiration (Gbagbo a reconnu jadis « un homme brillant et travailleur ») pour sa culture du travail, son sens du développement et son patriotisme, ils savent qu'ils sont de petits poucets, totalement déconnectés et dépassés. Un ami, qui ne cachait pas sa sympathie pour les deux hommes, disait les considérer comme les meilleures mascottes de la scène politique ivoirienne.

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