Ile Maurice: L'Étoile du Berger - Distiller la joie de Pâques à ses résidents

Il y aura fête demain pour la Pâques à l'Étoile du Berger, maison d'accueil située à Chebel et accommodant une dizaine d'enfants de quatre à neuf ans, abandonnés par leurs parents ou retirés de la garde de ces derniers pour différentes raisons.

L'express s'y est rendu pour savoir ce que le directeur de l'établissement a réservé à ses petits résidents, de même qu'aux plus grands dans les deux autres maisons d'accueil de l'organisation pour filles et pour garçons de dix à 18 ans, respectivement à Roches-Brunes et à Albion.

Vue de l'extérieur, cette maison d'accueil de Chebel, érigée sur un terrain d'un peu plus d'un arpent et loué à bail à Rs 11 000 par an à Médine, n'est pas différente des maisons cossues que l'on peut voir dans les morcellements sécurisés. Dans une des ailes de cette maison à étage, au rez-de-chaussée, six petits enfants regardent un dessin animé à la télévision. L'un d'eux, qui répond au nom de Ziggy, vient régulièrement ouvrir la porte du bureau de Gilbert Lebreux, le directeur des maisons d'accueil de l'Étoile du Berger, pour y voir ce qu'il fait. Les plus grands sont à l'école.

C'est bientôt l'heure du déjeuner. Une Carer s'affaire dans la grande cuisine après leur avoir préparé des Nuggets de poulet en sauce. Les petits passent à table et là, on n'entend plus une mouche voler. Pâques pour eux, c'est quoi, leur demande-t-on ? Du programme d'Eveil (destiné à expliquer le sens de la liturgie catholique aux enfants de cette confession) auquel ils assistent tous les samedis dans la cour de l'église d'Albion, Brandon a surtout retenu la torture infligée au Christ par les soldats romains. «Ti bat li, ti met li lor la Croix». Ziggy, tout en dévorant son sandwich, réplique : «Pâques c'est Jésus kinn ressuscité». Mais encore ? «Pâques c'est aussi manz dizef chocolat.»

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Gilbert Lebreux précise que tout enfant admis à l'Étoile du Berger est libre de suivre sa foi d'origine. Par exemple, deux Carers de foi hindoue encadrent les enfants nés dans cette religion. Un garçon de foi islamique, qui vit dans la maison d'accueil de l'Étoile du Berger à Albion, fréquente régulièrement la mosquée de cette localité. «Nous ne sommes pas là pour faire du prosélytisme. Mais pour les enfants catholiques et chrétiens, il était très important de leur faire comprendre que Pâques n'est pas une fête commerciale, qui se résume à manger des oeufs en chocolat.»

Qu'a-t-il prévu pour la Pâques dans ces différentes maisons ? «Les enfants et adolescents des trois maisons savent qu'il s'agit d'un jour spécial.» Ainsi, les petits de Chebel iront à la messe le Samedi Saint ou le dimanche de Pâques. Pour les adolescents, filles et garçons, ce sera le samedi. Dimanche, au menu des petits, il y aura des crevettes à la sauce rouge. Après le déjeuner, ils seront invités à faire la chasse aux oeufs de Pâques dans la cour. Les plus grands auront aussi un déjeuner spécial. Chez les garçons, ce sera des tagliatelles à la Carbonara et chez les filles, un rôti de poulet, du gratin et une salade. Ils recevront ensuite leurs oeufs en chocolat. Dans les trois maisons, il y aura des 'ortolans' au dîner.

La première maison d'accueil l'Étoile du Berger a vu le jour en 2010 sous l'impulsion de Gilbert Lebreux. Cet employé de banque n'avait pas simplement pour finalité de travailler et de faire son employeur engranger des profits. Ce volontaire à SOS Village des Enfants, d'abord toutes les quinzaines puis plus régulièrement, a toujours été interpellé par le sort des enfants laisséspour- compte. Quand une de ses amies, qui gère une maison d'accueil du gouvernement, lui demande un coup de main, il réalise qu'il y a énormément d'enfants qui ont besoin d'être pris en main et dans un cadre plus agréable afin qu'ils aient une meilleure vie.

Pour constituer une association, il faut sept personnes et Gilbert Lebreux rameute ses amis, qui ont le même objectif que lui, soit fournir un encadrement à dix enfants vulnérables de quatre à neuf ans. Et c'est ainsi que l'Étoile du Berger est enregistrée en 2010. Ils cherchent un lieu approprié et finissent par avoir recours à une agence immobilière qui leur trouve une maison non loin de la plage d'Albion. Mais les meilleures intentions du monde peuvent rester des voeux pieux en l'absence de financement. Après maintes démarches, L'Étoile du Berger obtient le Capitation grant du gouvernement, qui se monte à l'époque à Rs 400 par tête mais c'est insuffisant. Heureusement pour les membres de l'association, la Scott Smile Fondation lance un appel à projets pour 2010-2011 et l'Étoile du Berger y répond et cette fondation accepte de les soutenir après une visite de la maison. Vu leur sérieux, ils frappent à d'autres portes du secteur privé et plusieurs entreprises, dont Gamma, jouent le jeu. «Aujourd'hui, nous pouvons aussi compter sur la National Social Inclusion Foundation qui nous aide beaucoup. Elle réalise que nous faisons du bon travail.»

Si au départ, Gilbert Lebreux et son équipe ciblent des enfants de quatre à neuf ans, c'est parce qu'ils sont plus gérables lorsqu'ils sont en bas âge. Ils tombent d'accord avec la Child Development Unit du ministère de la Femme, devenu depuis ministère de l'Egalité des Genres, pour n'encadrer que dix enfants, référés par cette instance. «Là, nous en avons actuellement 11 car nous ne voulions pas séparer des jumeaux», explique Gilbert Lebreux.

Ils optent pour une éducation confessionnelle pour ces enfants que Gilbert Lebreux et le psychologue que l'Étoile du Berger emploie qualifient de Special Needs Children parce qu'ils viennent de familles brisées et qu'ils nécessitent une attention plus personnalisée.

Mais bien vite, le responsable de l'Étoile du Berger et les membres de son comité réalisent qu'il y a une demande d'encadrement pour des enfants adolescents vulnérables. C'est ainsi qu'en 2014, l'Étoile du Berger ouvre une deuxième maison pour garçons de dix à 18 ans à Albion et l'année suivante, c'est une maison pour les filles du même âge à Roches- Brunes. Là également, ils limitent les admissions à huit enfants. Actuellement, la maison d'accueil de Roches-Brunes a sept admises alors que celle d'Albion a huit résidents. Tous sont scolarisés. Chez les grands, il y a cinq Carers qui travaillent en rotation afin qu'il y ait toujours deux à trois d'entre eux présents matin et soir. Chez les petits, il y a aussi cinq Carers travaillant en rotation mais pour faciliter leur acclimatation et adaptation dans leur nouvel environnement, deux Carers travaillent trois à quatre jours d'affilés matin et soir.

À ce jour, 64 enfants ont été accueillis dans les maisons de l'Étoile du Berger. À contrecoeur, Gilbert Lebreux a dû renvoyer quatre d'entre eux chez les parents qui voulaient bien les prendre car ils étaient extrêmement violents. «Nous avons toujours refusé d'envoyer nos enfants au Rehabilitation Youth Centre, au Correctional Youth Centre ou au Brown Sequard Hospital. Nous essayons par tous les moyens de trouver une solution avec le psychologue qui nous aide. Quand c'est impossible, nous tâchons de retrouver un des deux parents pour qu'il prenne en charge son enfant. Même si ce n'est pas la meilleure solution, c'est toujours mieux que les centres correctionnels ou l'hôpital psychiatrique.»

Si au départ, cette décision coûtait à Gilbert Lebreux, avec l'expérience et sa foi, il a réalisé qu'on ne peut sauver tout le monde. Pour s'en souvenir, il a d'ailleurs fait encadrer un tableau sur lequel on peut lire ceci : «You cannot save everyone. Some people are going to destroy themselves no matter how much you try to help them.»

L'Étoile du Berger ne met pas à la porte les enfants ayant atteints leur majorité. «On les garde s'ils respectent les règles, font des efforts pour devenir autonomes et s'ils ne barrent pas la place d'un autre enfant». Par exemple, dit-il, il forme actuellement un jeune de 18 ans à devenir Youth Leader et à prendre en charge la maison d'Albion. «Il est chez nous depuis qu'il a six ans. Il encadre les garçons de la maison dans leurs activités. Il est un des leurs mais en même temps, il sait instaurer la discipline. Dès qu'il sera prêt, il prendra la responsabilité de la maison d'accueil des garçons», explique Gilbert Lebreux.

Il ajoute qu'une fille de 20 ans, qui est passée par la maison d'accueil, est employée dans un hôtel du nord. Elle et sa soeur, qui est en Form V au Lorette de Quatre-Bornes, sont hébergées par un membre du comité de direction de l'Étoile du Berger. «Un autre garçon dont la soeur fréquente le collège Bon et Perpétuel Secours a trouvé du travail et a voulu aller habiter chez un de ses parents. Mais il est en contact régulier avec nous pour des conseils.»

Notre visite de la maison d'accueil se termine par les chambres des garçons et celles des filles, situées à l'étage de la maison dans des ailes séparées. Ils sont à deux par chambre. Les lits à étage sont bien faits et les chambres sont propres et bien rangées. Les Carers ont leur chambre sur le même palier. Chaque dortoir possède son climatiseur afin que les enfants ne souffrent pas de la chaleur et puissent bien dormir. Gilbert Lebreux fait ressortir que le Central Electricity Board a entendu l'appel des organisations non gouvernementales et que de la catégorie Business, celles-ci sont maintenant dans la catégorie Residential. Mais les factures sont toujours lourdes. «Il aurait fallu que nous tombions dans la catégorie de Charitable institutions», fait-il valoir. À bon entendeur...

Vu que le terrain loué est vaste, Gilbert Lebreux projette d'y aménager une mini ferme avec des cabris et des poulets, de même qu'un potager. Tout comme il aurait souhaité, si les finances le lui permettent à l'avenir, faire construire un autre bâtiment dans la cour pour y transférer les filles présentement dans la maison de Roches-Brunes. Ce qui lui permettrait alors d'économiser sur un loyer. «Mais bon, ce ne sont encore que des projets». Nous quittons cette maison d'accueil enthousiasmés, en nous faisant la réflexion suivante : L'Étoile du Berger pourrait aisément servir de modèle à toutes les maisons d'accueil du pays.

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