Ile Maurice: Affaire Franklin l Déplacements à La Réunion - Comment Nono a-t-il pu échapper au contrôle des autorités ?

Dans le cadre des débats sur la motion de remise en liberté conditionnelle de Jean Désiré Décidé, alias Nono, les enquêteurs de l'Independent Commission Against Corruption (ICAC) ont indiqué que le skipper a effectué de nombreux déplacements à La Réunion sans que le Passport and Immigration Office (PIO) ne soit au courant. Ces révélations soulèvent bien des interrogations sur le contrôle effectué par les autorités maritimes alors que la National Coast Guard (NCG) et les services du port ont la responsabilité de veiller aux déplacements et aux activités en mer.

En effet, Nono s'est rendu à quatre reprises à l'île de La Réunion, à savoir en juin 2017, en octobre 2017, en décembre 2017 et en février 2018. Ces voyages n'ont jamais été retracés avant que le tribunal de St-Denis n'en fasse état dans son jugement. Le fait qu'il n'y ait aucun registre au niveau du PIO sur les voyages de Nono démontre bel et bien que le skipper prenait la mer pour se rendre à La Réunion. Selon le jugement du tribunal de St-Denis, il organisait le transport de stupéfiants et n'avait jamais pu être interpellé. Or, comment Nono a-t-il pu effectuer autant de déplacements vers La Réunion, et même passer par le port de Ste-Rose, dans l'Est de La Réunion, sans que les autorités n'en soient informées ? Pourtant, il existe des procédures bien établies pour des bateaux qui quittent et entrent dans nos eaux.

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Le rôle de la NCG

Voyager hors du territoire mauricien par voie aérienne ou maritime est considéré comme un déplacement à l'étranger ; les personnes voyageant vers de telles destinations doivent, de ce fait, se présenter à un port d'entrée ou de sortie. Elles doivent impérativement présenter un passeport valide et une pièce d'identité ou tout autre document attestant les motifs du trajet. Selon les procédures au port, les bateaux de plaisance locaux doivent se présenter aux étapes de débarquement des douanes pour les formalités d'immigration, demander un certificat d'autorisation de départ à la Mauritius Revenue Authority, et passer par la vérification de documents spécifiques.

Une fois l'autorisation obtenue, le bateau doit demander l'aval du capitaine du port via la radio du port de Port-Louis et l'informer de sa destination. Le skipper doit aussi informer la MauritiusTourism Authority au moins 48 heures au préalable afin que cette dernière puisse confirmer que l'embarcation sera sous la charge opérationnelle du skipper en question. Or, vu que Nono n'est pas passé par ces étapes de contrôle au niveau du port, démontrant que ces déplacements se faisaient non du port mais de son lieu d'opération à Rivière-Noire, où vraisemblablement il ne se pliait pas aux procédures. Étant un skipper ayant une vingtaine d'années d'expérience, Nono savait certes quelles routes prendre et les moyens de déjouer le contrôle portuaire.

Bien que Nono ait pu échapper au contrôle portuaire, il importe de souligner que la NCG est l'autorité responsable de la supervision et du contrôle des activités en mer. Son rôle est également de veiller à toute activité qui pourrait être illégale. Le déplacement des bateaux et leur vérification en font partie. De Maurice, il faut au moins une grosse journée de navigation pour se rendre à La Réunion. Or, Nono l'a fait à quatre reprises sans que la NCG, qui est censée avoir un oeil sur tout ce qui se passe en mer, n'en soit alertée.

Toujours selon les procédures, la NCG effectue des contrôles quotidiens aux points d'amarrage et d'embarquement, et peut embarquer à tout moment sur un bateau de plaisance pour s'assurer du respect des législations en vigueur, ou en cas de suspicion raisonnable que l'embarcation de plaisance se livre à des activités illégales. Les skippers doivent, eux, informer le poste de la garde-côte nationale le plus proche avant de prendre la mer et donner des détails de leur plan de voyage. Sollicité, aucun officier de la NCG n'a répondu à nos questions. «Pa pou kapav dir nanién lor la», disent-ils.

Nono a-t-il vraiment pu échapper au contrôle des autorités ou a-t-il obtenu la protection de certains pour pouvoir se rendre à La Réunion quatre fois en catimini ? Toute cette affaire soulève une fois de plus de nombreuses interrogations sur le rôle de la NCG et son efficacité à surveiller nos côtes. L'on se souviendra que lors des travaux de la cour d'investigation pour faire la lumière sur le naufrage du vraquier Wakashio, les assesseurs avaient grandement critiqué la façon d'opérer de la NCG, soulevant plusieurs zones d'ombre. Le fait que Nono ait pu quatre fois jeter l'ancre au port de Ste-Rose sans aucun document officiel attestant les motifs de ses déplacements intrigue aussi. Les maints déplacements de Nono à La Réunion hors fiche relèvent-ils de l'incompétence des autorités ou y a-t-il bien plus qui se trame ?

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