Ile Maurice: Pollution numérique - ça chauffe pour l'environnement

Clics, «likes» et «posts», entre autres pratiques virtuelles... Autant d'impacts néfastes sur la planète. Les agences Footprint et 1000heads ont mesuré la pollution numérique d'un utilisateur-type. Résultat : un influenceur de 3 millions d'abonnés émet autant de CO2 que 481 vols Paris-New-York par an. Quelle est l'ampleur du phénomène à Maurice ? Comment limiter les dégâts écologiques ?

Clara a trois millions d'abonnés sur YouTube, Instagram et TikTok. Si l'on comptabilise ses 15 heures de contenus publiés et ses 345 millions de vues, cette influenceuse, au profil fictif, émet 1 072 tonnes de CO2, soit l'équivalent annuel de 481 allers-retours Paris-NewYork. La conclusion de cette recherche menée par les agences Footprint et 1000heads - peu élogieuse envers l'invasion des clics - provoque le déclic sur la nocivité des pratiques virtuelles sur l'environnement, relatives ainsi à la pollution numérique. En fait, ce terme symbolise les diverses formes de pollution engendrées par l'informatique dont les émissions de gaz à effet de serre, l'érosion de la biodiversité, la production de déchets électroniques, etc.

Qu'en est-il au juste d'un tel impact sur Maurice ? Selon Joseph Antolino Salomon, concepteur du Climate change and global warming management system, l'étendue de la pollution numérique est en quelque sorte très élevée, compte tenu du nombre d'utilisateurs d'Internet et d'autres moyens numériques à Maurice. «Aujourd'hui, nous ne parlons pas juste des technologies. Il faut s'attarder sur l'électricité y relative. C'est étonnant que Maurice ne prenne pas avantage de l'énergie solaire. Deuxièmement, l'Internet aura encore plus d'impact. On voit d'ailleurs des écrans numériques placés un peu partout. Malheureusement, nous devons évoluer avec cette nouvelle ère technologique. Ce sera très difficile de la contourner», explique-t-il.

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Alors qu'auparavant les jeunes consultaient des livres pour obtenir des informations en bibliothèque, désormais, les pratiques régulières oscillent davantage autour du numérique, avec une prééminence touchant littéralement chaque foyer, dit-il. «Bien sûr, le réseau est pollué et saturé d'informations diffusées par plein d'internautes, d'influenceurs, etc. Quoique certains usagers consultent le web pour des besoins pédagogiques. La limite est très fine entre les deux», observe-t-il.

De son côté, Ranoo Patil Hunma, président de la Mauritius Information Technology Industry Association, estime que la génération de contenus sur la Toile est un phénomène global qui n'est pas près de s'atténuer. «Les prévisions de croissance de la capacité de stockage des données sur Internet varient entre 18 % et 26 % par an pour les cinq prochaines années, selon les analyses. Celles-ci incluent des informations pertinentes que le citoyen lambda utilise pour comprendre ce qui se passe ici et ailleurs, pour préparer sa prochaine destination de vacances, pour essayer une nouvelle recette culinaire ou pour jardiner. Évidemment, on trouve aussi sur Internet des données erronées ou inutiles», affirme-t-il.

La facilité avec laquelle n'importe qui peut créer du contenu sur Internet en fait sa force mais aussi sa faiblesse, poursuit Ranoo Patil Hunma. Le résultat est, effectivement, un surplus d'informations surla Toile. «Ceci dit, il y a maintenant des outils qui permettent de filtrer les contenus avec l'aide de l'intelligence artificielle. ChatGPT en est le dernier exemple.» De même, le digital marketing - dont une des facettes est l'apparition d'influenceurs qui font la promotion d'un produit auprès de leurs followers - pèse aussi dans la balance. Ceci a pour but d'augmenter la consommation dudit produit, comme c'est le cas avec la publicité classique.

Bien que nous n'ayons pas de données spécifiques pour la situation locale, indique Khalil Elahee, professeur en ingénierie à l'université de Maurice, notre réseau est à plus de 80 % alimenté par les énergies fossiles, donc les émissions de gaz à effet de serre (GES), ce qui est significatif. À ce jour, la part des énergies renouvelables dans la Total Final Energy Consumption est d'environ 2 % seulement à Maurice. «Cela reflète la pollution numérique au niveau des utilisateurs, entre autres, de l'Internet. Il n'y a pas de 'smart grid' jusqu'ici, soit un réseau intelligent et interactif où la génération, la consommation et le stockage d'énergie sont optimisés, préférablement localement et de manière décentralisée. Nos 'smart cities' ne sont qu'un slogan», déclare-t-il.

Surconsommation

À quel point les influenceurs, entre autres diffuseurs virtuels, polluent-ils numériquement ? Notre empreinte carbone est négligeable comparée aux émissions de GES des pays industrialisés et émergents, avance Khalil Elahee. «Je ne pense pas qu'il y ait des influenceurs mauriciens avec des millions de followers. Toutefois, une grande partie de la pollution numérique serait provoquée ailleurs. Localement, il faut se méfier de l'empreinte carbone additionnelle créée quand le Mauricien se laisse berner par des influences commerciales trompeuses poussant à la surconsommation. Il n'y a qu'à voir les abus en termes de packaging lorsque nous commandons des choses par Internet. Et il y a une consommation énergétique additionnelle avec le fret», avance-t-il.

Quelles solutions s'imposent ? Joseph Antolino Salomon plaide pour une recherche spécifique sur les pratiques associées aux usages technologiques et d'information ainsi que des changements pour un meilleur impact climatique. D'abord, l'État doit soutenir les citoyens dans le recours à l'énergie solaire. «Le gouvernement doit être proactif dans la gestion du réchauffement climatique. Il convient de faciliter le processus pour que les propriétés résidentielles et commerciales rectifient leur système pour intégrer le solaire», souligne-t-il. Parallèlement, il mentionne le climate change and global warming system, conçu au bout de dix ans de recherche. Celui-ci permet de gérer efficacement les inondations, la sécheresse, les vagues de chaleur, le changement climatique et le réchauffement de la planète, entre autres.

Faut-il également limiter l'immersion numérique orchestrée par les influenceurs ? Il faut plutôt revoir comment l'usager doit faire preuve de jugement et de discernement avant de consommer, répond Ranoo Patil Hunma. «Toute activité consomme des ressources et, donc, impacte sur l'environnement. Encore faut-il que l'activité soit utile pour une situation gagnante», ajoute-t-il.

Khalil Elahee rebondit sur cet aspect, indiquant que le consommateur doit prioritairement être sensibilisé pour ne pas finir comme un esclave de tout influenceur peu soucieux de l'impact écologique de ses recommandations. «Mais si les autorités agissent promptement, il y aura un effet multiplicateur qui dépasse ce qu'individuellement chacun peut faire. Par exemple, il n'y a pas de tri sélectif des déchets si les autorités ne s'y engagent pas. Or, les collectivités locales à Maurice ne ramassent pas les déchets de différentes natures séparément. Dans le passé, il y avait des projets de data centres à Maurice qui auraient utilisé de l'énergie propre. Cela aurait aussi fait de notre pays, au niveau global, un acteur important de la lutte contre la pollution numérique.»

Il est vrai que le numérique peut causer des dégâts écologiques ; mais si nous avons une autre vision fondée sur l'urgence d'une vraie «sustainability», nous pourrions tirer profit des bénéfices des divers outils digitaux, poursuit notre interlocuteur. Rendre plus vert le réseau, et le décentraliser davantage, demeure une stratégie incontournable, particulièrement face à l'urgence d'une transition énergétique radicale, conclut Khalil Elahee.

Comment réduire la pollution numérique ?

Si on ne peut pas se passer de la technologie, on peut tout de même réduire l'impact sur l'environnement. À commencer par rallonger la durée de vie des équipements informatiques, suggère le site de Greenpeace. Ceci, en privilégiant la réparation en cas de dysfonctionnement, l'achat d'appareils remis à neuf, ou encore une consommation énergétique plus faible. Pour les vidéos, limitez la très haute définition. Car cette fonctionnalité suscite des écrans plus grands et polluants puisqu'elle exige plus d'énergie. Adaptez également la résolution de l'image, à l'exemple de 240p sur un portable pour regarder un clip, et de 720p pour l'ordinateur. Désactivez aussi la lecture automatique des vidéos sur les réseaux sociaux. Et, en cas de non-utilisation d'Internet la nuit, éteignez votre boîtier pour économiser de l'énergie.

Le streaming, champion des polluants

wÀ lui seul, le streaming vidéo représente 60 % des flux de données sur Internet. Et ce, en fonction du poids des fichiers vidéo. Globalement, indiquent les sites Greenpeace et Grizzlead, la consommation de streaming vidéo émet 300 millions de tonnes de CO2 dans le monde chaque année. Visionner une heure de vidéo consomme autant d'électricité qu'un réfrigérateur annuellement. En visionnant des vidéos sur YouTube, un utilisateur émet chaque année environ 117 tonnes de CO2. Pourtant, en stoppant la lecture automatique, il pourrait réduire sa consommation annuelle de 323 000 tonnes de CO2. Parallèlement, les objets connectés génèrent 39 % des émissions de gaz à effet de serre et contribuent également à 76 % à l'épuisement des ressources naturelles non renouvelables du monde. D'ici 2025, la planète comptera 48 milliards d'objets connectés avec une empreinte environnementale trois fois plus importante qu'en 2010.

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