Maroc: La révision des ALE n'aura pas lieu

Ryad Mezzour se veut catégorique

«Il n'y aura pas de révision des accords de libre-échange (ALE)», c'est ce qui ressort de l'entretien accordé dernièrement par Ryad Mezzour, ministre de l'Industrie et du Commerce, au journaliste du site Lebrif.ma.

Selon lui, «ces accords ont insufflé du dynamisme à notre économie» et «ont contribué à accélérer le rythme des exportations», permettant ainsi, au Maroc de passer de «0,12% dans le marché mondial des exportations de marchandises en 2006, à 0,17% en 2021, soit une amélioration estimée à 41%».

Le ministre estime que cette question suscite une attention particulière du fait des avantages compétitifs qu'elle peut procurer au secteur national de l'industrie.

Mesures

Et qu'en est-il de l'aggravation du défit commercial, de la compétitivité des entreprises nationales et de l'accès des marchandises marocaines aux marchés étrangers? Si les importations ont progressé beaucoup plus vite que les exportations après la signature des ALE, le déficit commercial du Maroc s'est creusé avec tous les partenaires.

Pour le ministre, il existe «des instruments de défense commerciale» visant à «corriger les distorsions de marché que peuvent subir les différents secteurs tels que l'acier, le textile, l'industrie plastique ou encore l'industrie du bois». Et quelles sont ces mesures? Ryad Mezzour avance comme exemple la fusion prévue d'une liste négative de plus de 1.200 produits dans l'annexe à l'accord de libre-échange entre le Maroc et la Turquie ou celui des consultations bilatérales réalisées avec la partie égyptienne permettant aux voitures Renault produites dans la région de Tanger d'accéder à ce marché avec une exonération totale des droits de douane. Ou la mise en place d'un nouvel d'accord entre le Maroc et le Royaume-Uni post-Brexit.

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Amnésie

Pourtant, le ministre oublie ou semble oublier que le Maroc a signé près d'une soixantaine d'accords de libre-échange depuis 1996 avec 56 pays. Il l'a notamment fait avec les pays membres de l'Union européenne dans le cadre du Partenariat euro-méditerranéen; avec la Suisse, la Norvège et l'Islande dans le cadre de l'Association européenne de libre-échange (en 2000), avec la Turquie et les Etats-Unis (en 2006), avec 18 pays de la Ligue arabe dans le cadre de l'Accord de la grande zone arabe de libre-échange (en 1998), avec la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie, d'abord séparément puis ensemble dans le cadre de l'Accord d'Agadir (en 2007) et avec les Emirats arabes unis (en 2003). Des accords qui ont certes permis au Maroc de s'équiper et d'exporter davantage, mais ses importations ont crû beaucoup plus vite que ses exportations.

Ainsi, les exportations avec l'UE, principal partenaire du Maroc, sont passées de 59,4 milliards de DH en 2001 à 182,5 milliards de DH en 2018. Soit une hausse de 123 milliards. Mais en face, les importations sont passées de 70,6 milliards de DH à 260,7 milliards. Soit une hausse de 190 milliards.

Le déficit commercial avec l'UE a donc été multiplié par sept, passant de 11 milliards de DH à 78 milliards. Le même constat est valable pour les Etats-Unis (déficit commercial de 25 milliards de DH en 2018), la Turquie (16 milliards de DH) et les pays de l'Accord d'Agadir (plus de 5 milliards de DH).

Inefficacité

Le ministre a semblé ignorer également que lesdites mesures prises n'ont pas eu un effet décisif comme en atteste celle de l'accord de libre-échange avec la Turquie. Concrètement, si les deux parties ont accepté d'intégrer à l'accord initial une liste négative de plus de 1.200 produits locaux subissant l'impact des importations turques et une éventuelle évaluation annuelle de ladite liste, Ankara a su développer tout un savoir-faire qui lui permet de détourner les mesures prises à son encontre.

Dans une édition précédente, Hicham Attouch, économiste, nous a affirmé que les résultats de cette révision étaient mitigés puisque le Maroc n'a rien gagné et n'a rien perdu non plus. « Si le Maroc est gagnant au niveau de l'emploi, il est perdant au niveau des exportations. En effet, une fermeture de la chaîne de magasins turcs Bim aura des conséquences fâcheuses sur le plan de l'emploi», a-t-il souligné.

Report

Notre interlocuteur nous a affirmé qu'il n'y a pas une vraie volonté de réviser de fond en comble les ALE. Selon lui, il y aura certes des retouches pour combler des insuffisances ou apporter des compléments. Mais, il ne s'agit en aucun cas d'une révision en profondeur. Et pour cause ? «Le contexte international et la nature des relations avec ces pays ne permettent pas une telle révision», a-t-il précisé.

En effet, des logiques politiques orientent la position du Maroc concernant ces accords de libre-échange et Rabat a toujours opté pour la logique d'entente et non pas celle de rupture. Notamment dans le contexte actuel où la situation est confuse au niveau du commerce international. Et de conclure : «D'autant plus que cette question ne figure pas parmi les priorités de l'actuel Exécutif qui accorde aujourd'hui toute son attention à deux dossiers, à savoir celui des entreprises et établissements publics et celui de la couverture sociale. En effet, ni le programme du gouvernement ni la loi de Finances n'évoquent un quelconque changement dans ce sens».

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