Au lendemain du survol, le 5 avril dernier, de la ville de Kidal par l'armée malienne, la communauté internationale a entrepris une médiation entre Bamako et Kidal à l'effet de relancer le processus de paix d'Alger. Composée de l'Algérie et des représentants des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, cette médiation a présenté au gouvernement malien et aux ex-rebelles du Nord regroupés au sein de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), « des propositions concrètes visant à relancer l'accord pour la paix ». L'information a été donnée par voie d'un communiqué émanant de ladite médiation. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette initiative est à saluer. Car, elle a l'avantage de maintenir le dialogue et la concertation entre des protagonistes qui donnaient l'impression de s'être résolument tourné le dos, depuis que les groupes armés du Nord signataires de l'accord d'Alger, ont suspendu leur participation audit accord. Invoquant une « absence persistante de volonté politique » des autorités de Bamako. Mais la question que l'on pourrait se poser est de savoir les chances de succès d'une telle initiative visant à raviver la flamme d'un accord qui semblait voué à une mort à petit feu sous les cendres, en raison des difficultés dans son opérationnalisation.
Les parties au conflit ne jouent pas franc jeu dans l'application d'un accord qui n'est pas aujourd'hui loin du jeu de dupes
En effet, pour un accord signé en 2015, il faut admettre qu'il commence véritablement à dater. Et l'on peut d'autant plus croire que les goulots d'étranglement ont eu le temps de s'encrasser davantage que les parties au conflit semblent engagées dans un jeu d'intérêts hautement préjudiciable à la mise en oeuvre des desdits accords. Autrement, comment comprendre que depuis huit ans qu'ils ont été signés, ces accords censés pourtant sortir le Mali de la crise, continuent de poser problème et de connaître autant de difficultés dans leur application ? C'est la preuve, si besoin en était encore, que les parties au conflit ne jouent pas franc jeu dans l'application d'un accord qui n'est pas aujourd'hui loin du jeu de dupes. Et tant qu'il en sera ainsi, tout porte à croire que l'accord d'Alger continuera de souffrir, pour longtemps encore, de la lenteur de ses principaux acteurs dans sa mise en oeuvre.
D'autant que la réalité d'hier n'étant pas celle d'aujourd'hui selon l'adage, celle de 2015, année de la signature desdits accords, semble loin de celle de 2023 où la communauté internationale est enfin sortie de sa torpeur pour proposer sa médiation à l'effet de rabibocher les protagonistes dans l'espoir de faire bouger les lignes dans le sens d'une conciliation. Mais on peut se demander si cette médiation ne vient pas sur le tard et si la communauté internationale ne joue pas au médecin après la mort ; tant les positions semblent aujourd'hui tranchées. Avec, d'un côté, Bamako qui semble avoir beaucoup à redire sur ces accords, à en juger par son peu d'empressement à aller à leur application, et, d'autre part, la CMA qui semble s'accrocher à l'esprit et à la lettre d'un accord qui lui semble a priori favorable et dont elle ne semble pas vouloir entendre parler d'une quelconque révision.
Les parties au conflit doivent savoir raison garder en oeuvrant à trouver une solution politique de cohabitation durable à leur différend
Et puis, pour autant qu'elle soit de bonne foi, l'on peut se demander pourquoi la communauté internationale n'a pas pesé de tout son poids, depuis tout ce temps, pour la mise en oeuvre de cet accord qui se présente pourtant depuis toujours, comme un facteur capital dans la stabilisation du Mali. Faut-il alors croire que moins que la résolution du conflit, cette sortie de la communauté internationale vise à se donner bonne conscience ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. Toujours est-il que l'on est curieux d'en savoir davantage sur la potion magique contenue dans ses propositions, au moment où les ingrédients d'une reprise des hostilités sur le terrain, sont en train d'être réunis entre les deux camps qui étaient récemment encore, au bord de l'affrontement.
En tout état de cause, une chose est d'offrir ses bons offices pour une cause, une autre est de faire en sorte que cette main tendue soit acceptée par les deux parties. C'est dire si dans cette offre de médiation, Bamako et la CMA ont aussi leur mot à dire. Car, tout porte à croire que de leur adhésion au projet, dépendra le succès de la médiation, pour autant que chaque partie fasse preuve de bonne foi et de sincérité dans son engagement. Au-delà, les parties au conflit doivent savoir raison garder en oeuvrant à trouver une solution politique de cohabitation durable à leur différend. Dussent-elles, pour cela, se résoudre à de nouvelles concessions, y compris si cela doit passer, pourquoi pas, par une relecture des fameux accords. C'est peut-être le prix à payer pour parvenir à cette paix qui a les allures d'un point de mirage et derrière laquelle court le Mali depuis bientôt une décennie. Autrement, tôt ou tard, les mêmes causes risquent de produire encore les mêmes effets.