L'ouverture des voies de communication vers les provinces et régions, au début du XXe siècle, transforme complètement le rôle commercial d'Antananarivo, jusque-là assez limité. En 1950, la capitale prend sa véritable place en tant que principal centre des affaires de la Grande ile.
Le Pr Charles Robequain, dans son ouvrage sur « Tananarive, une capitale montagnarde en pays tropical » (1949), remarque : « On peut s'étonner de cette primauté en considérant l'éloignement de la mer et d'une grande voie navigable, les difficultés d'accès causées par le relief. Mais Tananarive commande la région la plus peuplée de l'ile. » Poursuivant sa description, il précise que c'est une ville de deux cent mille âmes, dans une province qui en compte neuf cent mille.
Bien plus, par son association avec Toamasina et le développement des systèmes ferroviaire et routier, c'est elle qui règle le trafic de la plus grande partie des Hautes-Terres, d'une superficie comptant environ le tiers de la population, de surcroit, « le tiers le plus doué, le plus évolué, le plus laborieux ». Antananarivo, au milieu de cette masse de producteurs et de consommateurs, est alors « bien placée pour concentrer et pour distribuer ». L'économiste Henri Fournier (« Le Zoma d'aujourd'hui ») de son côté, souligne qu'au fur et à mesure de sa croissance, la ville doit faire appel à des régions de plus en plus éloignées pour assurer son ravitaillement.
« Le temps est loin où nobles et propriétaires vivaient des redevances qu'on leur apportait. » Il faut maintenant échanger et, pour ce dont elle a besoin, la ville doit proposer à ses fournisseurs des marchandises contre lesquelles ils consentent à livrer leurs produits. De là est né un double mouvement d'échanges : de l'extérieur vers la ville, ce qui est nécessaire à la vie quotidienne de la population et à l'activité de ses industries (denrées alimentaires et matières premières) ; de la ville vers l'extérieur, les produits qu'elle fabrique ou importe, et les services qu'elle offre aux ruraux.
A ce mouvement de marchandises correspond un mouvement de personnes qui viennent régler leurs affaires dans la capitale. Le ravitaillement en denrées alimentaires est le plus important, aussi bien en quantité qu'en valeur, et les commerçants du secteur sont les plus importants : 40% de la totalité soit deux mille sept cents personnes. Hormis un marché quotidien sur l'esplanade d'Analakely, celui du vendredi, le Zoma, attire chaque semaine plusieurs milliers de marchands « forains » et souvent « plusieurs dizaines de milliers de chalands ». Tous les produits y sont exposés, depuis les fleurs et les légumes jusqu'à l'ameublement et la confection. Aussi le nombre des commerçants d'Antananarivo est-il en progression continue. Il est passé de moins de trois cents en 1900 à six mille trois cent quarante-huit en 1951.
Le riz, nourriture fondamentale des Malgaches et matière première pour l'industrie, tient le premier rang parmi les produits commercialisés. On évalue alors à vingt-cinq mille tonnes la quantité de paddy traitée par les rizeries de la capitale. Cela représente à peine les deux-tiers de la consommation totale. Le reste provient du riz pilonné par les habitants et des rizeries qui fonctionnent dans les autres villes de la province comme Antsirabe, ainsi que des régions côtières qui envoient quelques milliers de tonnes.
Une partie est réexpédiée vers d'autres contrées, notamment à Mahajanga d'où arrive, en retour, le poisson de mer. Antananarivo est aussi un grand marché de produits d'élevage, surtout de bovidés, pratiqué sur le mode extensif. Les exploitants sont surtout les sociétés européennes et de gros propriétaires malgaches. Mais dans la périphérie de la ville, on se livre aussi à l'engraissement des boeufs « en fosse » pour la boucherie. « La consommation porte sur près de trente mille boeufs, vingt-cinq mille porcs et quinze mille moutons» en 1950. Deux abattoirs municipaux fonctionnent, dont celui d'Ambohimanarina qui est spécialisé dans le traitement des porcs, et celui d'Androrovy qui sacrifie sans aucune distinction, tous les animaux de boucherie.