Tunisie: Rationalisation de l'eau - Les tenants et les aboutissants

11 Avril 2023

Les dernières mesures restrictives relatives aux coupures de l'eau, suivant un nouveau système des quotas, ne sont pas, certes, passées inaperçues. Leur application, depuis plus d'une semaine, avait suscité un certain cafouillage dû à une situation de confusion. Retour sur la question

Au fur et à mesure, l'équivoque fut dissipée et les adhérents de la Sonede ont fini par saisir la teneur de la décision qui s'inscrit dans un système de rationalisation conjoncturelle, afin de faire face à la pénurie hydrique dans le pays. Bien qu'ils en soient convaincus, des experts et certains acteurs de la société civile voient les choses autrement.

Un record historique à la baisse

Dans un récent communiqué commun, l'Observatoire tunisien des eaux (OTE) et l'association Nomad 08 ont tenu à partager la même idée et s'aligner sur sa finalité. Ils allaient même avancer qu'une telle décision aurait dû être prise depuis longtemps. Mais mieux vaut tard que jamais, dirait-on. «Aujourd'hui, nous sommes dans un état de stress hydrique sans précédent, tandis que la baisse des quantités de pluies a battu un record historique, affectant notre potentiel hydraulique ainsi que les réserves de nos barrages », lit-on dans le même communiqué. Indicateurs d'ailleurs confirmés par des experts et hydrologues tunisiens : le taux de remplissage atteint environ 30% à l'échelle nationale. Il n'a même pas dépassé 17% au niveau du barrage Sidi Salem (Testour-Béjà), reconnu pour être le plus grand barrage du pays et dont les réserves n'ont jamais autant baissé depuis son entrée en exploitation au cours des années 80 », rappelle l'expert en développement et gestion des ressources, Hassine Rehili.

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Et par conséquent, ces ouvrages ne sont plus en mesure de couvrir nos besoins en eau potable et dont l'accès demeure de plus en plus difficile. C'est que, depuis des années, le pays s'enlise dans une crise d'eau hors du commun et que nul n'a été épargné. L'OTE et Nomad 08, deux ONG plaideuses pour l'eau à tous, ont imputé la crise à l'échec cuisant des politiques de gestion, outre les retombées des changements climatiques. D'autant plus que la stratégie nationale de mobilisation hydrique a toujours fait défaut. Pourtant, combien de ministres de l'Agriculture d'aujourd'hui et de l'époque révolue ont osé en parler, sans rien voir venir, jusque-là. Parallèlement, la consommation d'eau atteint son summum, sans modération aucune. Mme Raoudha Gafrej, experte de renom et spécialiste en eau et en adaptation aux changements climatiques, avait aussi remis en cause les choix politiques qui y sont liés.

Réserves et recommandations

Cette mauvaise gestion d'eau semble la résultante de nos politiques hydriques adoptées au fil du temps. Les deux ONG ont estimé que ces mesures portant sur l'adoption du système de rationalisation de l'eau ont été prises assez tard et qu'elles devraient être accompagnées de procédures d'appoint. Et là, l'OTE et Nomad 08 n'ont pas manqué d'émettre certaines réserves sur la manière de leur mise en oeuvre. L'objectif étant d'assurer la bonne gestion de l'offre et de la demande.

En fait, les deux ONG ont lancé une série de recommandations, en vertu desquelles l'on doit décréter l'état d'alerte hydrique et engager tous les moyens financiers nécessaires à l'aide des sinistrés dont les petits agriculteurs en particulier. Tout d'abord, il est question d'apporter les éclaircissements qu'il faut sur le système des quotas et la fréquence des coupures d'eau conjoncturelles. L'adoption d'une carte d'eau propre à chaque région, tout en agissant en urgence, afin de lutter contre les forages anarchiques et le raccordement illicite au réseau de la Sonede. Les industries alimentaires et les firmes du textile et du cuir et chaussures sont appelées à effectuer des études d'efficacité hydraulique, révélant leurs sources d'eau et la nécessité de s'orienter vers d'autres ressources non conventionnelles. Il est aussi recommandé d'ouvrir un dialogue sociétal sur le secteur de l'eau, les défis et les enjeux d'avenir, en impliquant les agriculteurs, hôteliers et société civile.

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