Au Sénégal, ils sont rois au sein de la République : les souverains d'Oussouye, en Casamance, et du Sine, en pays sérère, ont annoncé, mardi 11 avril, le lancement d'une « caravane pour la paix » le mois prochain. Dans un contexte préélectoral tendu, ces chefs coutumiers prônent la cohésion sociale par-delà les communautés.
Quand un Sérère croise un Diola, ou vice-versa, ils peuvent se chamailler avec le sourire. C'est le fameux « cousinage à plaisanterie ». Une pratique toujours d'actualité pour désamorcer les conflits, explique Niokhobaye Diouf Fatou Diène, roi du Sine. « Ces deux populations sont issues de deux soeurs qui voyageaient ensemble dans une barque. La barque s'est cassée. L'une d'entre elles, c'est elle qui a donné naissance aux Sérères, et l'autre, aux Diolas. Quand je rencontre le Diola chez lui, il dit "Vous êtes venu ici, vous êtes le roi, je vous cède la place". C'est pareil, quand le Diola se déplace dans le Sine, il a la place du roi. Cela veut dire que moi, je suis le roi, vous, vous êtes mon esclave. Et cela règle beaucoup de problèmes », explique-t-il.
« La culture au service de la paix »
C'est avec cet héritage que les chefs coutumiers ont initié leur « caravane culturelle pour la paix », après des récentes déclarations politiques parfois violentes.
Sibulumbaï Diédhiou, roi d'Oussouye, dans le sud de la Casamance, ne quitte jamais son territoire. « Tout le monde est angoissé présentement, au vu du contexte dans lequel nous sommes ici au Sénégal », raconte l'un de ses représentants, Lamine Diedhiou. « Les autorités traditionnelles vont toujours agir dans le sens de la paix. Le roi Sibulumbaï d'Oussouye, cela fait partie de ces missions de régulation, de prévention, et de gestion des conflits. La culture au service de la paix », ajoute-t-il.
La caravane pour la paix organisée par les deux rois est prévue du 12 au 16 mai, de Fatick à Oussouye, en passant par la Gambie. La communauté haal pulaar sera invitée d'honneur.
Dans un pays, où les jeunes représentent 75% de la population, la transmission des messages des chefs coutumiers reste essentielle, estime le professeur Pape Massène Sène, coordonnateur du comité de pilotage de cette caravane pour la paix. Pour lui, ils font partie des « mécanismes » du dialogue et du vivre-ensemble sénégalais.
Nous avons décidé de mettre sur la table les mots qui pacifient.
Professeur Pape Massène Sène, coordonnateur du comité de pilotage de la caravane pour la paix