Ile Maurice: Parlement - Maneesh Gobin sauvé par l'ICAC

Encore une fois, c'est la commission anti-corruption qui a fait barrage, si l'on peut dire, aux questions embarrassantes de l'opposition. Si c'est l'«Attorney General» lui-même qui a lancé cet argument et l'a invoqué à chaque fois, c'est en fait Sooroojdev Phokeer qui est intervenu de son propre chef pour empêcher Xavier-Luc Duval de parler pour raison d'enquête en cours.

Avant de donner sa réponse au leader de l'opposition, à la Private Notice Question d'hier, Maneesh Gobin ne s'est pas fait prier pour faire un long exposé sur les terrains de chasse à Maurice, histoire de gagner du temps. Ce qui a provoqué l'impatience de Xavier-Luc Duval, qui a demandé à Gobin d'en venir au State Land Dayot & Mangin et de ne pas l'emmener faire le tour de l'île. Sooroojdev Phokeer est alors intervenu pour dire à Gobin de continuer. Et ce dernier de continuer sa réponse à côté. Une seule information importante est sortie de la bouche du ministre de l'Agro-industrie : la demande de bail a été faite le 5 novembre 2020. Les autres dates, on les connaissait.

C'est lorsqu'il a fallu répondre à la troisième partie de la question, à propos de la soirée du 12 septembre 2020, que le ministre Gobin a refusé de dire qui l'y avait invité, pour quelle raison et qui était présent à cette «Stag Party». L'Attorney General a déclaré qu'il n'était pas correct d'y répondre puisqu'une enquête est en cours par nulle autre que l'ICAC et que, d'ailleurs, cette institution a déjà saisi tous les documents. Embêtant !

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«Enter» et «bye-bye» Vicky Giovanni Juliette

Xavier-Luc Duval a su quand même aborder un aspect de l'affaire qui ne concerne pas la «Stag Party», mais tout aussi embarrassant. «Savez-vous que Vicky Giovanni Juliette, le signataire du bail pour le compte d'Eco Deer Park Association, a été condamné à deux ans de prison pour trafic d'héroïne ? Comment vous êtes-vous permis personnellement de lui octroyer 251 hectares de terrain de l'État pour faciliter son business de drogue ?» Et de rappeler à Maneesh Gobin que ce même Vicky, qui s'est enfui à l'étranger, était le partenaire d'affaires de Franklin dans la boutique Société Centrale à La Gaulette.

Le ministre de l'Agro-industrie, qui se montre normalement très sûr de lui, a perdu tous ses moyens et a essayé d'expliquer que quand le contrat avait été approuvé, le 27 juillet 2021, il n'y avait pas de Vicky, tout en reconnaissant qu'il serait bon de savoir comment Vicky s'est retrouvé comme partie dans l'affaire. Et que l'enquête le déterminera. L'occasion pour lui alors de prendre pour prétexte l'enquête en cours pour ne pas en parler plus.

L'Attorney General enquêteur... lui aussi

Le ministre de la Justice a même dit qu'il sait ce qui s'était passé mais, vu que beaucoup de suspects et de témoins n'ont pas encore déposé ou complété leur déposition, il n'en dira pas plus. À noter que l'on attend toujours que l'ICAC convoque Rajesh Ramnarain, Principal Inspector of Associations et président du Sugar Investment Trust. Ce qu'elle n'a pas encore décidé de faire.

Xavier-Luc Duval lui a alors rappelé que c'est précisément le partenaire de Vicky, Franklin, qui a vu son dossier dormir dans un tiroir au bureau de l'Attorney General pendant trois ans. À quoi Gobin lui a répondu que son bureau avait agi avec diligence et l'a référé à la réponse du Premier ministre du mardi 4 avril... Le leader de l'opposition a alors demandé comment, en tant que ministre de la Justice, Gobin n'était pas au courant que Vicky, à qui il a accordé un bail (comme ministre de l'Agro-industrie), était un trafiquant de drogue. Il a aussi voulu savoir combien d'autres trafiquants de drogue avaient eu des terrains de l'État pour, a-t-il ajouté à la conférence de presse, «cultiver du gandia, organiser des rave parties et cacher leur business». À la première question, Maneesh Gobin a répondu qu'il n'a pas accès au fichier de condamnations, et à la deuxième, qu'il se sentait offusqué de «ces allégations sérieuses».

Le leader de l'opposition n'a pas voulu entendre parler de l'enquête en cours de l'ICAC : «Ici, au Parlement, vous devez prendre la responsabilité de ce qui s'est passé.» L'Attorney General-enquêteur a réitéré qu'il sait ce qui s'est passé. Lorsque Xavier-Luc Duval a insisté pour que le ministre prenne sa responsabilité, le speaker l'a interrompu et lui a demandé comment. Il a dû amèrement regretter cette question car Duval lui a alors cité la section 3 de la Shooting and Fishing Act qui stipule clairement que c'est le ministre - même pas le ministère - qui approuve le bail. Embarrassé, Sooroojdev Phokeer a quand même déclaré : «Je ne peux autoriser cette question.» Xavier-Luc Duval a alors pris un autre angle d'attaque.

«Comment se fait-il que le premier bail qui a été annulé en raison de soupçons de culture de gandia sera renouvelé aux mêmes personnes mais représentées par des neveux, nièces, etc. ?» Gobin a balbutié qu'il ne peut pas savoir qui est parenté à qui. Et de rappeler que le premier bail a été accordé en 2008, qu'il y a eu après une affaire de drogue (NdlR, il veut parler probablement de 2016, où il n'y avait pas eu de poursuites) et aussi en 2022, se référant possiblement à la rave party qui n'a jamais été sanctionnée, non plus.

Calme de Duval

Gobin n'a pas non plus répondu aux interrogations de Duval qui voulait savoir pourquoi le procès au civil contre le ministère de l'Agro-industrie a été retiré par le précédent bénéficiaire du bail (mais avec les mêmes Etwaroo), en juin 2021, et comment se fait-il que l'Eco Deer Park Association ait été fondée en novembre 2020, tout cela juste après la «Stag Party» de septembre 2020. Phokeer est intervenu avec la guillotine : «Time's over.» Pourtant, la PNQ n'a commencé qu'à 11 h 40 et il était 12 h 09. Tout juste 29 minutes.

Le leader de l'opposition a fait preuve de son calme habituel en ne cédant pas aux provocations. Pour lui, il était important de poser la PNQ et de recevoir un maximum d'informations.

Le dîner où tout a commencé

À la conférence de presse de l'opposition, Xavier-Luc Duval a souligné que, contrairement à ce qu'a déclaré Maneesh Gobin, ce n'est pas seulement l'ICAC qui détient les informations mais aussi les différents témoins dans l'affaire. Il a également fait remarquer, tout comme Reza Uteem après lui, que le silence de Gobin est en soi un aveu de culpabilité. «Pourquoi le ministre n'a-t-il pas tout simplement affirmé qu'il n'était pas présent à la Stag Party s'il n'y était pas ?» Reza Uteem a souligné l'importance de ce dîner «où tout a commencé». Pour sa part, Arvin Boolell a comparé cette affaire à ce qui s'est passé en Angleterre. «Boris Johnson a dû démissionner parce qu'il avait participé à une fête durant le confinement. Ici, il y a eu une fête avec la mafia de la drogue plus paiement de 'bribe'.»

Pour lui, Pravind Jugnauth protège Gobin car celui-ci sait trop de choses. «En tant qu'Attorney General, il possède des dossiers, notamment sur Angus Road.» Nando Bodha a rejoint Xavier-Luc Duval pour féliciter la presse pour son «travail formidable dans cette affaire». Concernant la suspension d'Arvin Boolell, Reza Uteem est d'avis que Phokeer vient de s'inventer un nouveau pouvoir. Il promet d'avoir recours à la justice. Pour rappel, comme le craignait Paul Bérenger, Phokeer a utilisé un «Standing Order» pour sanctionner Boolell sur ce qu'il a dit non pas au Parlement, mais sur une radio privée. Ses pouvoirs s'étendront jusqu'où ?

Dhaliah cherche une grosse pointure

Selon une source, Rajanah Dhaliah a déjà contacté un ténor du barreau pour le défendre dans l'affaire de bail de Grand-Bassin. Les menaces à peine voilées contenues, hier, dans les propos de Maneesh Gobin, à l'effet qu'il sait ce qui s'est passé, étaient-elles destinées à son collègue PPS ? On ne le sait. Toutefois, Dhaliah semble prendre ses précautions. Pour sa part, Rajesh Ramnarain, qui ne sort plus de chez lui, cherche désespérément un bon homme de loi. Mais ceux qu'il a tenté de contacter jusqu'ici sont aux abonnés absents. «Je ne veux pas être entre le marteau et l'enclume», nous a dit l'un d'eux.

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