Afrique: Lettre ouverte à Stephan Toussaint au nom de notre jeunesse

Monsieur le ministre de l'Autonomisation de la jeunesse, des Sports et des Loisirs,

J'espère que vous allez bien et que vous vous êtes remis de ce que je qualifierai de camouflet que vous a infligé la Fifa récemment. Il faut dire que vous l'avez cherché. N'allez pas croire que je sois du côté de la MFA. Non, le fonctionnement de celle-ci et le tort que cela cause à notre football me dégoûte. Mais, je crois plutôt que vous vous y êtes très mal pris dans ce dossier. Vous devriez, peut-être, songer à vous entourer de meilleurs conseillers...

L'objet de ma lettre, rassurez-vous, n'est cependant pas votre rétractation. Je vous écris au nom de la jeunesse mauricienne, dont vous avez le devoir et la responsabilité d'assurer le bien-être, au même titre que le dossier sport. Figurez-vous que celle-ci s'interroge par rapport à votre position sur certains sujets d'actualité brûlants. Elle aimerait, pour commencer, savoir ce que vous pensez de «l'affaire Franklin». Dans la mesure où les activités, dit-on, de ce dernier touchent une bonne partie de nos jeunes. Elles leur sont nuisibles. Elles les tuent carrément.

Que pensez-vous de la manière dont les autorités ont réagi face à toute cette affaire ? Ou, disons plutôt, comment elles ont failli, dans un premier temps, à le faire ? N'était-ce les révélations faites par la presse indépendante, auraient elles bougé ? On se le demande.

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Il est pourtant question ici d'un trafiquant de drogue, condamné par la justice réunionnaise. La demande de celle-ci pour une coopération de la part de nos institutions est longtemps restée ignorée. Entre-temps, Franklin, a eu une vie paisible. Il a circulé en toute liberté, effectuant même quelques voyages à l'étranger. Il a continué à s'occuper, sans le moindre souci, de ses «commerces», à financer les allées et venues de son «clown » Mimi, et à l'emmener dans des postes de police pour que certains officiers puissent se faire prendre en photo avec lui. Dites-nous quel est votre ressenti par rapport à cela...

Vous serez aimable de nous partager également votre avis concernant l'implication présumée de votre collègue, l'Attorney General et ministre de l'Agro-industrie, Maneesh Gobin, dans cet imbroglio ? Sa présence alléguée dans un ranch, à proximité du lac sacré de Grand-Bassin, pour une fête où l'on mange et l'on boit à gogo ? Et, Dieu seul sait ce qui a été fait encore. On dit aussi de Maneesh Gobin et du PPS Raj Dahliah, qu'ils auraient bénéficié de pots-de-vin d'un montant d'environ Rs 3,5 millions. Cela, pour faciliter le renouvellement du bail du terrain sur lequel s'était justement tenu la fête à laquelle le ministre Gobin aurait assisté. J'espère, en passant, que vous ne participez pas à ce genre de fêtes...

Ne croyez-vous pas que votre gourou, Pravind Jugnauth, aurait dû s'exprimer sur toute cette histoire, au lieu de se murer dans le silence ? En tant que Premier ministre, n'était-il pas de son devoir de s'adresser au peuple, pour le rassurer ? Mais le rassurer vraiment, je veux dire, en stipulant que ce dossier sera traité avec tout le sérieux voulu, donnant également la garantie qu'il n'y aura pas de cover-up.

Loin des discours creux où il s'agit de «kass lerin trafikan ladrog», alors que des traitements VIP sont offerts à Franklin et peut-être d'autres encore. Pour être honnête, on en a marre ! Les «patrons», on le voit bien, pullulent à chaque coin de rue, plongeant notre jeunesse de plus en plus dans l'abîme.

Pravind Jugnauth, selon vous, n'aurait-il pas déjà, dans un souci de transparence et pour se conformer aux règles d'une démocratie qui se respecte, invité Maneesh Gobin et Raj Dhaliah à «step down» ? Et, dans le cas d'un refus de ces derniers à le faire, les révoquer ?

Venons-en au discours du Cardinal Piat, prononcé lors de la messe du dimanche des rameaux, quels sentiments vous ont assailli quand vous avez pris connaissance de son contenu ? Partagez-vous ses inquiétudes ? Voyez-vous les nombreuses familles décimées par la drogue, la souffrance énorme dans laquelle elles vivent ? Voyez-vous nos jeunes «zombies», vous sentez-vous concerné par leur triste sort ? Ou le confort du pouvoir vous a rendu indifférent ?

Que pensez-vous de notre police maintenant ? Egratignée, par deux fois, par la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath. Une fois dans le rapport de l'enquête judiciaire sur la mort de Kistnen. Et, plus récemment, suivant la radiation des charges de trafic de drogue de l'avocat Akil Bissessur. Une police qui procède à des arrestations de manière arbitraire. Une police qui n'inspire plus ni confiance ni respect.

Pouvez-vous nous dire comment vous interprétez les attaques dont a été la cible une magistrate ? Des attaques provenant ni plus ni moins que du Premier ministre Pravind Jugnauth lui-même, et qui s'est, en même temps, permis de critiquer le Directeur des poursuites publiques (DPP). Qu'est-ce que tout cela vous inspire ? Comme le pense le Cardinal Piat, est-ce le signe d'un déclin de notre démocratie, comme l'a déjà souligné, d'ailleurs, à plus d'une reprise, le rapport V-dem ?

La liste des sujets sur lesquels je voudrais vous interpeller est longue. Très longue. Vous conviendrez que les scandales sont nombreux. Presque chaque semaine, on en entend un nouveau. Il y a, maintenant, le dernier rapport de l'Audit, révélant les gaspillages dont votre ministère est également coupable, le 2022 country report on human right practices publié par le United States Department of State mettant en lumière les nombreux manquements de l'île Maurice en la matière et dénonçant la culture d'impunité en vue d'assurer la protection de ceux proches du pouvoir. Et le speaker qui bafoue semaine après semaine la démocratie parlementaire. La jeunesse mauricienne note votre silence face à son attitude inique et qui vous rend complice.

J'espère que vous avez la verve épistolaire et que vous répondrez ainsi à ma lettre.

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