Ile Maurice: «Standing Orders» - Les mauvaises interprétations de Phokeer

Arvin Boolell a fait des déclarations qui ont déplu à Sooroojdev Phokeer. Ce dernier s'est donc appuyé sur deux sections des Standing Orders pour suspendre le député travailliste à nouveau. Mais ses interprétations ne tiennent pas la route, ni sur le fond ni sur la forme.

«La section 49, sur laquelle le speaker s'est appuyé, doit être lue en conjonction avec la section 48», avance Rajen Narsinghen, expert en affaires constitutionnelles. Ces deux sections mentionnent explicitement des comportements qui entravent «the business of the Assembly». Même la sous-section 8 de la section 49, qui dit que l'Assemblée nationale peut sévir contre un membre pour «breach of order not specified herein». Mais cela reste toujours dans le cadre des travaux parlementaires.

Ce qu'un élu dit à la radio ne tombe pas sous les provisions de cette section des Standing Orders et, de ce fait, ne peut pas être utilisé. Le speaker a aussi évoqué la section 77 des Standing Orders, qui donne au speaker le pouvoir de réguler les travaux de l'Assemblée selon son jugement pour tout ce qui ne tombe pas sous les Standing Orders. «Cela parle toujours de ce qui se passe au sein de l'Hémicycle et pas en dehors», soutient Rajen Narsinghen.

Suspendre un député pour ce qu'il a dit hors de l'Assemblée ne peut pas se faire, selon les Standing Orders. Il faut se tourner vers la National Assembly (Privileges, Immunities and Powers) Act. Que se passe-t-il en cas de violation de cette loi ? C'est la section 74 des Standing Orders qui en parle. Lorsqu'un membre estime qu'il a été lésé par le comportement d'un autre élu, il doit prévenir le speaker en écrit. Ce dernier peut donner un ruling le même jour, si l'affaire est urgente, ou remettre sa décision à une date ultérieure si cela peut attendre, ou encore référer l'affaire au Directeur des poursuites publiques (DPP), si c'est grave.

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Cependant, cela pose deux problèmes. Tout d'abord, cette section parle des élus, et Sooroojdev Phokeer n'en est pas un ; il n'est donc pas concerné. «Puis, nous parlons là d'un cas où un membre prévient le speaker. Si le speaker lui-même se sent lésé, il ne peut pas être juge et partie. Il ne peut pas s'auto-informer», ajoute Rajen Narsinghen. Dans ce cas, l'affaire aurait dû être référée au DPP.

Liberté d'expression bafouée

Il y a aussi la grande question de la liberté d'expression. Un élu ne peut pas avoir moins de liberté d'expression qu'un citoyen. Il a le droit de s'exprimer. Sauf, bien sûr, s'il traite des professionnels d'incompétents sans se justifier. Là, cela peut s'apparenter à de la diffamation. On peut donc pas considérer que les droits constitutionnels d'un élu ont été bafoués. D'ailleurs, il faut rappeler que siéger à l'Assemblée fait partie de ces droits. Quel recours dans ce cas ? Rajen Narsinghen avance que l'affaire d'Arvin Boolell contre le speaker en cour est une demande de révision judiciaire.

«Le député doit maintenant demander une constitutional review et une injonction contre le speaker», avance le constitutionnaliste. Certes, il est très rare que la Cour suprême se prononce sur les affaires de l'Assemblée ; c'est le seul corps à Maurice autorisé à interpréter la Constitution et à garantir la protection des droits qu'elle confère, surtout lorsqu'il y a un viol «gross et blatant» des droits. Ce qui fait dire à Rajen Narsinghen que l'injonction sera très probablement accordée, ce qui aidera à mettre un peu d'ordre dans les travaux parlementaires.

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