Ile Maurice: Le soldat Lalit militant est mort

Il y a quelques années de cela, l'express s'élevait contre les viles manoeuvres au sein du MMM pour évincer Steven Obeegadoo. On se demandait alors comment le parti, autoqualifié comme étant «le plus démocratique du monde», pouvait-il faire voter une motion de blâme contre un des siens pour avoir simplement donné une interview et livré le fond de sa pensée politique (à notre confrère Jean-Claude Antoine de Week-End) ? Laquelle interview, titrée «Il faut sauver le MMM», n'était rien d'autre qu'un appel sincère pour un débat de fond sur les causes des défaites électorales consécutives et grandissantes du MMM, dont l'électorat, qui frôlait jadis les 50 %, avait atteint un record bas de 14 % en décembre 2017 (de surcroît dans la ville de QuatreBornes, qui a vu, ironiquement, la naissance du MMM).

Faire expulser Steven Obeegadoo du MMM, sur une question de liberté d'expression et d'opinion, était ressenti comme un coup dur dans le coeur des militants déjà désabusés. Ce n'est pas tant Obeegadoo comme personne, soit quelqu'un d'entêté, qui tenait souvent tête à Paul Bérenger au bureau politique, mais c'était pour ce qu'il incarnait JADIS comme pensée critique et opinion contradictoire. En 2018, avant qu'il ne soit acheté au comptant par le Sun Trust, le discours d'Obeegadoo faisait écho à une base désabusée, et abasourdie, par la série ininterrompue de neuf défaites électorales, sans que rien ou presque ne change à la direction vieillissante et zigzagante du parti mauve.

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Pour le clan Bérenger, il fallait tuer le dauphin potentiel (devenu le propre des partis traditionnels) pour mieux imposer sa succession. Sacrifier un fils du parti pour un bien sans doute plus grand. Obeegadoo travaillait pourtant avec une mission inculquée par le MMM. Il ne déviait pas. Du moins pas encore !

Le BP mauve était coupé en deux. D'un côté Paul Bérenger, flanqué de celui qui était le rival de Jeeha : Ajay Gunness, et de l'autre, Pradeep Jeeha lui-même, et quelques jeunes, perçus comme étant des insolents, et qui ne se retrouvaient plus dans les choix du leader.

Si le MMM a été, dans les années 70 et 80, une «success story», aujourd'hui, il faut reconnaître qu'il s'agit surtout d'une «losing story». La voix des progressistes n'arrive toujours pas à se faire plus forte que celle des conservateurs déphasés.

Mais au lieu d'écouter la voix critique d'Obeegadoo, Bérenger n'en avait fait qu'à sa tête et n'a ainsi pas pu, et n'y arrive toujours pas, à bloquer l'hémorragie continuelle au sein de son parti. Ce que Bérenger ne réalise pas, parce que ses béni-oui-oui ne le lui diront jamais que le MMM, face aux partis dynastiques, a une mission historique : celle d'être le parti du progrès social, reprenant en cela le combat du PTr d'antan, celui du Dr Maurice Curé, d'Emmanuel Anquetil et de Guy Rozemont. Mais Bérenger a choisi la voie de la facilité et a laissé, sous le soleil du MSM, le MMM se réduire comme une peau de chagrin. Un Sooroojdev Phokeer n'aurait jamais pu traiter le Bérenger d'hier comme il se plaît à le faire ces temps-ci, avec une haine et un mépris manifestes.

Aujourd'hui presque tout est perdu... La moralité publique a foutu le camp. Notre Parlement est aussi dérisoire que certains des dirigeants. Obeegadoo, sans gêne aucune, est le vice-Premier ministre de Pravind Jugnauth et il applaudit tout ce que le MSM fait, quitte à aller se confesser auprès du cardinal à la nuit tombée, tel un pécheur qui ne peut arrêter de pêcher. Il trouve normal qu'on aille manger du curry cerf à Grand-Bassin chez l'ami Franklin, il ne trouve pas anormal que son patron critique une magistrate et le DPP dans des réunions politiques. Il est lui-même contre la transparence par rapport aux logements sociaux en contournant la NHDC et le Parlement... Obeegadoo (davantage que Ganoo) est devenu le symbole de la déchéance du militant d'antan, lui qui aime tant patauger dans le bassin sale de la «Money Politics». Et Paul Bérenger a sa part de responsabilité dans la mort du soldat Steve - que plus personne ne pourra sauver.

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