Maroc: Décès de Pierre Lacotte. L'archéologue du ballet

Il était un "archéologue du ballet": Pierre Lacotte, danseur et chorégraphe français, décédé à l'âge de 91 ans, a consacré son existence à reconstruire des ballets du 19e siècle auxquels il redonnait vie sur les plus grandes scènes du monde.

Il disait devoir cette passion à l'une de ses professeures de danse, la Russe Lioubov Egorova (1880-1972), qui fut prima ballerina du Mariinski de Saint-Pétersbourg et qui avait travaillé avec Marius Petipa, créateur des plus célèbres ballets académiques.

Elle "m'a dit un jour: +Je vais quitter ce monde. Jure-moi que tu ne laisseras pas cet héritage tomber dans l'oubli+", racontait Pierre Lacotte en 2014 au quotidien La Croix.

Il nait le 4 avril 1932 à Chatou dans les Yvelines (ouest de Paris). Enfant chétif, il se réfugie dans la musique. Quand ses parents l'amènent voir des ballets à l'Opéra de Paris, c'est le coup de foudre.

Il intègre l'Ecole de l'Opéra en 1942 et malgré sa santé fragile, entre dans le corps de ballet puis devient premier danseur en 1951. Il a 17 ans lorsque Serge Lifar le choisit pour interpréter sa création, "Septuor", avec Claude Bessy, la future directrice de l'Ecole de danse.

Pierre Lacotte s'intéresse très tôt à la chorégraphie et ses premières créations s'ancrent dans son époque: "Exode" (1953) se déroule pendant la Deuxième guerre mondiale, "La nuit est une sorcière" (1954) s'appuie sur une musique spécialement composée par le clarinettiste de jazz Sidney Bechet.

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Il démissionne de l'Opéra l'année suivante, fonde la compagnie des Ballets de la Tour Eiffel puis mène à partir de 1959 une carrière de danseur et de chorégraphe indépendant.

Au début des années 60, Pierre Lacotte fut l'un des protagonistes de la retentissante défection de Rudolf Noureev qui s'enfuit à l'Ouest.

Lors d'une tournée du Kirov (nom du Mariinski au temps de l'URSS), le jeune prodige découvre Paris, avec Pierre Lacotte et d'autres danseurs.

Le 16 juin 1961, à l'aéroport du Bourget, juste avant qu'un Noureev en panique ne monte dans l'avion qui doit le ramener en Russie, Lacotte a l'idée de contacter Clara Saint, ex-fiancée d'un fils d'André Malraux, alors ministre de la Culture.

Une fois sur place, elle demande l'aide des policiers français et le danseur fera son grand saut très médiatisé à l'Ouest.

En 1968, une blessure à la cheville oblige Lacotte à ralentir. Il se rend à la bibliothèque de l'Opéra de Paris et se plonge dans les archives. Il découvre, là et dans des collections privées, quantité de documents sur le premier ballet sur pointes de l'histoire, "La Sylphide", créé en 1832 pour l'Opéra de Paris par Philippe Taglioni (1777-1871) pour sa fille, Marie, la "sensation" de l'époque.

Et pourquoi ne pas recréer ce ballet? Commence un travail minutieux de reconstitution, trois années qui le mènent dans plusieurs pays et jusque dans les caves du Louvre à la recherche de documents pour retrouver les pas de danse, les images de costumes et de décors.

"Quand je recrée un ballet, je suis en quête du parfum de l'époque", disait-il.

"La Sylphide" fait l'objet d'une captation pour la télévision, en 1972. Puis il est monté à l'Opéra de Paris, avec Ghislaine Thesmar --épouse de Pierre Lacotte depuis 1968-- nommée ensuite étoile.

Le chorégraphe devient le spécialiste des ballets oubliés de la période romantique, qui le fascinent par leur "indéniable pureté de style".

"J'adore fouiller dans les archives de la bibliothèque-musée de l'Opéra, je me sens comme un enfant qui découvre les lettres de ses grands-parents au grenier", confiait-il à La Croix.

Il ressuscite "Coppélia" (1870), "Le Pas de six de La Vivandière" (1844), "La fille du Pharaon" (1862), "Paquita" (1846) pour les plus grandes scènes du monde.

Pierre Lacotte a occupé plusieurs fonctions au sein de maisons de danse, dont le Ballet de Nancy et de Lorraine (où il succède à Patrick Dupond).

En 2021, à près de 90 ans, il créait pour l'Opéra son dernier ballet, "Le Rouge et le Noir", adapté de Stendhal.

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