Ile Maurice: Pire speaker

opinion

Pour sortir de la voie de l'autocratisation, il nous faut des institutions pouvant fonctionner librement. Au Parlement, l'acharnement du speaker et du Premier ministre (avec le soutien inconditionnel du VPM Obeegadoo) contre l'opposition en général, et l'élu travailliste Arvin Boolell (à nouveau suspendu pour trois séances pour des propos tenus... hors du Parlement !) en particulier, semble bien être un cas d'abus des Standing Orders - qui sont imposés arbitrairement par un agent politique non-élu.

L'injonction déposée hier par Boolell permettra, espérons-le, d'avoir l'arbitrage de la Cour suprême face à l'excès de zèle d'un speaker qui fait tout pour casser l'opposition et protéger le gouvernement à chaque séance. Si on n'arrête pas Sooroojdev Phokeer, et si la Cour suprême refuse de s'ingérer non pas dans le fonctionnement du Parlement mais dans le recadrage d'un speaker partial, alors la démocratie parlementaire n'existera plus. Et la séparation des pouvoirs aura trahi la démocratie.

Maurice n'a pas besoin de personnes fortes ou puissantes. Sans un véritable leadership (terme qui a une définition à géométrie variable), les institutions de notre pays vont de plus en plus péricliter. Le Parlement en est l'illustration la plus criarde, voire révoltante. Hier, sous la précédente législature MSM, on avait Maya Hanoomanjee, candidate non-élue promue speaker, et on ne croyait pas - à tort manifestement - qu'on pourrait avoir pire speaker qu'elle. Hanoomanjee avaitelle des motivations personnelles ? En avril 2013, dans une interview accordée à l'express, celle qui avait précédé Phokeer ne cachait pas ses intentions : «Un jour sonnera l'heure de la revanche.» Le DPP venait alors de statuer que les preuves réunies contre Hanoomanjee n'étaient pas suffisantes pour justifier des poursuites pour corruption.

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Heureuse et soulagée, Hanoomanjee n'hésitait pas à confier qu'elle était «rancunière» et qu'elle n'arrivait pas à pardonner à l'ICAC - dirigée alors par Anil Kumar Ujoodha - de l'avoir placée dans l'histoire comme étant la première ministre mauricienne arrêtée dans l'exercice de ses fonctions (elle aurait même pu passer la nuit en cellule si elle ne s'était pas réfugiée dans la chambre 602 à Apollo Bramwell). Hanoomanjee nous l'avait confié, du reste : «L'ICAC m'a fait vivre un calvaire. Pas seulement à moi, à mon mari et à mes enfants aussi. Ma fille aînée a ressenti un tel dégoût qu'elle a préféré quitter le pays (NdlR, rentrée depuis pour devenir CEO de la SPDC, devenue depuis Landscope). J'ai passé trente-trois ans dans la fonction publique sans la moindre tache et du jour au lendemain, je suis traitée comme une vulgaire criminelle.» Elle a, elle aussi, été victime du système inique de Provisional Charge. Et sur l'affaire MedPoint, elle partageait ceci avec les lecteurs de l'express : «J'ai tellement de secrets sur l'affaire MedPoint... Un jour, j'écrirai peut-être un livre...»

En mars 2016, dans une interview à l'express, généreusement présentée sur une pleine page, sous la plume de Raj Meetarbhan, Hanoomanjee se répand sur les «qualités requises pour être un bon speaker» ! Précisément, elle dit ceci : «L'impartialité et l'autorité. Ce sont là les qualités essentielles requises du speaker. Celui-ci a pour mission d'être un médiateur entre le législatif et l'exécutif. En cette capacité, il doit être neutre dans ses prises de décision.»

Phokeer a intérêt à discuter avec Hanoomanjee. Cela lui permettra de mettre de l'eau dans son vin. Certes, il a déjà pris sa place comme pire speaker mais il peut encore se ressaisir, s'il ne veut pas finir dans la poubelle de l'histoire, au service d'une dynastie qui n'aura alors plus besoin de lui.

Anne ma soeur Anne. Le PM a promis mardi qu'un projet de loi relatif au financement politique sera présenté - sans en dire plus. Il voulait surtout scorer des points contre Ramgoolam et Bérenger au lieu de faire une annonce solennelle pour respecter un engagement longtemps pris. Jusqu'ici, malgré différents changements de gouvernement, personne n'a pu mettre en place un mode de financement des partis politiques tant par le privé que par le secteur public (ce qui semble plus compliqué à mettre en place). Donc la pratique, bien connue, se perpétue : de grosses boîtes du secteur privé et des businessmen arrosent TOUS les partis. Et c'est sur ce terreau que pousse le clientélisme politique. Le GM, lui, abuse de l'appareil d'État impunément. Et les observateurs étrangers n'y voient que du feu, bien installés qu'ils sont dans leur 5-étoiles...

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