Congo-Kinshasa: Un gaz mortel sème la peur dans la région de Goma

13 Avril 2023

BUKAVUY — Dans la ville de Goma, à l'est de la République démocratique du Congo (RDC), de nombreuses personnes meurent chaque année par asphyxie suite à l'inhalation d'un gaz toxique localement appelé le « mazuku ».

Selon les scientifiques, le « mazuku » est un phénomène naturel qui émane des fissures de la croûte terrestre causées par des tremblements de terre ou des éruptions volcaniques.

« Ce gaz s'appelle normalement dioxyde de carbone. On le retrouve dans le lac Kivu et dans des endroits à basse pression dans cette région volcanique. Ce sont des gaz mortels à 10% de concentration. L'origine est à la fois volcanique et magmatique », explique Kasereka Mayinda, directeur scientifique de l'observatoire volcanologique de Goma (OVG).

Pour Georges Alungo, chercheur au sein de l'unité de recherche en hydrobiologie appliquée de l'Institut supérieur pédagogique de Bukavu, ce phénomène est comme une masse d'air qui manque l'oxygène. Il précise que dans les endroits où il y a le « mazuku », le gaz dominant c'est le dioxyde de carbone (CO2).

« Le CO2, par son mode d'action, séquestre tout l'oxygène dissout dont l'homme et les autres animaux ont besoin. Il n'y en a pas partout mais à des endroits bien spécifiques où il y a des fissures à cause de plusieurs phénomènes tectoniques », explique Georges Alungo.

Ce dernier poursuit en disant que « ces phénomènes ouvrent la couche terrestre par où ce gaz s'échappe. La plupart des gaz sont produits par des phénomènes volcaniques »

Le chercheur souligne au passage que la présence du volcan Nyiragongo qui est actif dans la région explique la présence de ce gaz toxique.

Selon les chercheurs, le phénomène de « mazuku » date de l'époque coloniale où des chercheurs l'avaient identifié sur les flancs du Nyiragongo.

« Aujourd'hui, ce phénomène a pris de l'ampleur parce qu'on a compté beaucoup de mouvements tectoniques dans la région. Les endroits par où passe le gaz ne font qu'augmenter. Dans ces zones, les êtres vivants sont susceptibles d'être attaqués par ce gaz » ajoute Georges Alungo.

Avec cette situation, les habitants de la ville de Goma vivent avec la peur au ventre car ils ne savent pas à quel endroit exactement se trouve ce gaz.

« On ne sait pas identifier avec précision tous ces endroits dangereux. Ce qui fait que ce gaz ne cesse de causer des pertes énormes en vies humaines. L'autre souci est que certaines personnes sachant bien le danger que représente ce gaz construisent abusivement dans des sites à risque », déplore un habitant de cette ville.

Prévention

« La population doit écouter les conseils des scientifiques » suggère Georges Alungo tout en demandant au gouvernement d'identifier les endroits à risques et d'y afficher les panneaux de signalisation.

« Que le gouvernement prenne ses responsabilités pour que ces endroits soient plus visibles à travers des pancartes placées à des lieux d'où s'échappent ces gaz. Beaucoup de gens en sont victimes par ignorance ».

Pour sa part, Kasereka Mayinda prévient les habitants du danger qu'ils courent en s'accroupissant ou en marchant dans la forêt.

« Ces gaz ne dépassent pas la hauteur d'un mètre. Mais quand vous vous accroupissez, il devient dangereux pour vous. Il est également dangereux aussi pour les enfants et pour les animaux » prévient le chercheur.

Les scientifiques expliquent que bien que le dioxyde de carbone soit un gaz incolore et inodore, quelques observations de terrain permettent de manière générale de détecter la présence du « mazuku ». Il s'agit notamment d'une végétation particulière, la sensation de chaleur, des animaux morts, l'altération de la roche...

Les scientifiques invitent par ailleurs la population à apprendre à vivre avec ce gaz, car il existe de façon naturelle dans la région.Du coté des autorités, la mairie a demandé l'implication de la police pour renforcer la sécurité dans les zones à risques.

« En dehors de cette sécurité, nous avons demandé à l'OVG de localiser les différents puits à gaz et les isoler pour ne pas enregistrer des drames avec des pertes en vies humaines », précise le commissaire supérieur principal Faustin Kamande, maire adjoint de la ville de Goma.

Les zones à forte concentration en CO2 s'étendent de la ville de Gisenyi en République rwandaise jusque dans la cité de Sake située à environ 27 km de la ville de Goma.

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