Sénégal: Centre Aminata Mbaye - L'espoir d'une vie meilleure pour enfants déficients intellectuels

Dakar — Le centre Aminata Mbaye, logé à la Scat Urbam, un quartier situé dans la commune d'arrondissement de Grand-Yoff, à Dakar, est le type de structure longtemps attendu pour un encadrement adapté des enfants déficients intellectuels, jusqu'à sa création en 2003.

Il a démarré ses activités avec huit enfants, à l'initiative de l'association sénégalaise pour la protection des enfants déficients mentaux (ASEDEME), qui a depuis ouvert une structure similaire à Saint-Louis, en 2008.

Le centre Aminata Mbaye compte désormais 164 pensionnaires, dont l'âge est compris entre 5 et 30 ans, contre une trentaine d'enfants pris en charge à Saint-Louis.

Il s'agit d'enfants autistes, mais aussi de pensionnaires atteints de trisomie, d'infirmités motrices cérébrales (IMC) ou d'autres pathologies associées.

A Dakar, ils sont répartis à travers deux groupes, le premier étant constitué d'enfants âgés de 5 à 15 ans, dont le niveau intellectuel correspond à une phase d'éveil.

Ce groupe appelé "Yéwu" - éveil en wolof - comprend des enfants trisomiques, autistes ou atteints d'infirmités motrices cérébrales (IMC). Des pensionnaires pour lesquels l'accent est mis sur des modules d'apprentissage portant sur la socialisation, l'autonomisation et la stabilisation des acquis.

La cohorte "Yakaar" correspond au groupe de jeunes-adultes pris en charge à partir de 15 ans, dans une optique d'orientation professionnelle. Ce qui justifie la création de sept ateliers pré-professionnalisant au sein de l'école (couture "débutant" et couture "production", sérigraphie, horticulture, poterie, production de jus et cuisine).

Un projet pédagogique individuel pour chaque pensionnaire

Avant leur intégration à ce groupe, l'évolution des plus petits pensionnaires passent par différentes étapes correspondant à des groupes-classes précis : "Abeilles", "Coccinelles", "Termites" et "Fourmis". Des références à des noms d'oiseaux pour mieux rendre compte de l'évolution des pensionnaires du centre, selon Marie Madeleine Amy Dione, directrice du centre Aminata Mbaye.

"Quand cela est nécessaire, on leur donnera les rudiments de base dont ils ont besoin pour pouvoir lire, compter et écrire, se référer dans le temps et dans l'espace", a-t-elle expliqué lors d'une visite guidée.

"Tout enfant inscrit au centre a un projet pédagogique individuel", sur lequel les éducateurs et les intervenants "travaillent pour pouvoir atteindre l'objectif fixé au début de l'année. Si c'est fait, l'enfant est amené à changer de groupe-classe", relève Mme Dione, coordonnatrice des deux centres de Dakar et Saint-Louis.

Si l'objectif assigné n'est pas atteint, ajoute-t-elle, "on le maintient dans le même groupe-classe jusqu'à ce qu'il acquiert les connaissances de base dont il a besoin pour pouvoir aller à un autre niveau".

Le but recherché par le centre, à terme, est de faciliter l'insertion professionnelle de ses pensionnaires ou leur permettre d'avoir des activités génératrices de revenus pour se prendre en charge et cesser d'être un poids pour les familles.

Selon sa directrice, en matière d'insertion professionnelle en particulier, le centre est en train de voir le bout du tunnel, avec le partenariat qu'il a noué avec l'hôtel Terrou-Bi, de Dakar.

22 pensionnaires bénéficient d'un CDD ou d'un CDI

En 2013, cet établissement avait décidé de prendre huit jeunes du centre pour un stage en buanderie, cuisine et en plonge. Un essai traduit par un premier contrat à durée déterminée (CDD), signé en faveur d'un des pensionnaires du centre une année plus tard, en 2014.

Au passage, cela a permis au Sénégal de devenir "le premier pays dans le continent africain à bénéficier d'une telle insertion", affirme Marie Madeleine Amy Dione.

Aussi, 22 jeunes bénéficient désormais de contrats à durée déterminée et même de contrats à durée indéterminée (CDI), certains parmi eux bénéficiant des dispositions de la convention Etat-employeur, aux termes desquelles leur salaire est pris en charge par l'Etat à hauteur de 60%, les 40% restants incombant à l'employeur, relève Mme Dione.

Du fait des besoins éducatifs spécifiques à satisfaire, "l'aspect temps n'existe pas chez nous. Cela prendra le temps qu'il faudra jusqu'à ce [que les pensionnaires du centre puissent atteindre les objectifs qui leur ont été assignés]. C'est à nous éducateurs de nous adapter à leur rythme", fait valoir la directrice du centre.

"Nous faisons de telle sorte que les apprentissages soient différenciés, et pour cela, l'éducatrice tient compte du niveau de chaque enfant", indique Mme Dione, selon qui les nouveaux arrivants dans le centre sont soumis au préalable à un test de niveau qui permet de les orienter suivant leurs aptitudes.

"C'est un processus. Ils commencent à apprendre tout ce qui est voyelle avant d'arriver à quelques consonnes. Juste après cela, ils vont passer à la formation des consonnes et des voyelles. Du coup, chaque enfant a un projet qui lui est propre", l'accent étant d'abord mis "sur les apprentissages scolaires afin qu'ils puissent compter lire, écrire, s'identifier dans le temps et l'espace", renseigne-t-elle.

Un système de tutorat pour aider les moins forts

Elle fait observer que la classe des "abeilles" est "la plus autonome de l'école", car correspondant au stade où les pensionnaires "ont acquis l'ensemble des règles sociales précisément : +taper à la porte, dire merci, au revoir et s'il vous plait+, lorsqu'ils ont une demande à formuler".

"Nous voulons faire plus d'apprentissage scolaire, car ils sont capables de lire, d'écrire, de faire des dictées de mots, de syllabes et faire des additions et soustractions jusqu'à trois inconnues avec leur éducatrice, sans pour autant qu'ils soient aidés", note-t-elle.

"Pour la plupart, ils n'ont pas besoin d'être secondés comme dans les autres classes où il est instauré un système de tutorat où les moins forts sont aidés", a poursuivi Mme Dione, avant de signaler que l'effectif de chaque classe ne dépasse pas dix élèves.

Il y a aussi que de nouvelles méthodes sont toujours recherchées, pour des enseignements toujours plus adaptés. Ce qui s'explique logiquement selon Mme Dione, qui fait valoir : "Ce n'est pas aux enfants de s'adapter mais à nous éducateurs de le faire par rapport à leurs besoins. C'est une perpétuelle recherche et un éternel recommencement".

Les enfants reçus au centre étant pour la plupart dotés de capacités psychomotrices, l'encadrement fait en sorte que tous passent par la classe de rééducation "pour travailler la latéralité et la coordination".

Ils ont ainsi l'occasion de travailler la motricité pendant 45 minutes par classe. "C'est un travail de chaîne, explique Ibrahima Sow, le professeur de psychomotricité du centre. Chaque enfant a un projet et nous travaillons en fonction de cela pour lui permettre de s'améliorer".

En plus des 11 salles de cours dont il dispose, le centre compte 7 ateliers de métier dans lesquels sont versés ceux qui ont déjà franchi les étapes d'apprentissage.

Et suivant leur niveau d'aptitude, ils sont amenés à suivre des cours de cuisine, de modelage, de couture, de sérigraphie ou de maraichage.

Un pensionnaire sélectionné pour un concours international

Dans l'atelier de modelage par exemple, les articles "sont faits exclusivement par les enfants du centre", assure Marie Madeleine Amy Dione, qui ajoute que lors de la fête des pères et mères, les pensionnaires offrent leurs créations à leurs parrains pour témoigner des progrès qu'ils ont réalisés.

Un des pensionnaires a même été sélectionné à un concours international qui s'est tenu à Metz (France) et où il a représenté le Sénégal, selon Mme Dione.

A l'atelier sérigraphie, les enfants sont initiés à l'art de l'impression basé sur des activités manuelles artistiques visuelles.

"Nous faisons des productions de tee-shirts, de sacs, d'articles avec des motifs crées à l'atelier même", fait savoir le formateur Maguette Touré, artiste plasticien de profession.

Les pensionnaires démarrent "avec une formation didactique fondée sur des machines monocouleur", dit-il, en faisant observer que les dessins à la confection utilisés à l'atelier de couture proviennent de la sérigraphie.

L'école ne dispose pour l'instant que de ce type de machine, mais avec le temps, les enfants pourraient être amenés à utiliser celles fonctionnant avec plusieurs couleurs, a laissé entendre le formateur.

Parallèlement, les pensionnaires affectés à cet atelier peuvent s'adonner à d'autres activités plastiques portant sur les volumes et les masques. "Nous essayons de faire un peu du tout, de la pratique et moins de théorie", a avancé Maguette Touré.

L'atelier de sérigraphie est "l'une des plus belles réussites de ce centre parce que les jeunes, pétris de talents, réalisent de choses merveilleuses à commercialisées au niveau national comme à l'étranger", commente la directrice du centre.

Un repas commun avec le personnel tous les mercredis

Les pensionnaires de la section couture, en ce qui les concerne, sont scindés en deux groupes, dont le premier est constitué de "débutants". Le deuxième, destiné à la production, regroupe une dizaine de filles autonomes à la pratique et capable de livrer parfois "des chefs-d'oeuvre" de produits de tissage prêts à la vente.

L'arrière-cour du centre est la partie réservée au maraîchage. Cet espace se remarque par ses plans meublés par diverses espèces culturales en floraison ou en semi floraison.

A la cuisine, les mets sont préparés par les enfants eux-mêmes avec l'assistance de leur mentor. Et tous les mercredis, le personnel prend ses repas en compagnie des pensionnaires du centre.

"Cela nous permet de rectifier certains comportements et de leur montrer les bonnes pratiques pour qu'ils puissent être acceptés en société", relève la directrice.

Au total, les services offerts par le centre Aminata Mbaye viennent combler un réel vide, alors que cette structure doit faire face à des défis financiers pour son fonctionnement.

Il ne reçoit pas de financement public proprement dit, même si le soutien de l'Etat se traduit par la prise en charge de 60 pour cent du salaire de ses 22 agents, les 40 pour cent restants étant à la charge du centre lui-même.

Ce qui fait "véritablement vivre" le centre, ce sont "les tournois de golf que nous organisons depuis 2003 pour collecter une masse financière qui fera fonctionner le centre". Il y a aussi "le parrainage, car le coût d'un enfant nous revient à 100 mille francs CFA le mois", indique sa directrice.

Aussi, ne pouvant demander la totalité de cette somme aux parents dont la contribution est arrêtée à 40 000 francs CFA, équivalant à 1/3 des frais mensuels de prise en charge de chaque pensionnaire, le centre a recours au fundraising.

Il organise aussi de nombreuses autres activités pour collecter des fonds destinés à son fonctionnement.

Quarante des 164 pensionnaires du centre "sont des cas sociaux qui ne peuvent pas payer les 40 000 francs CFA. Aucune famille ne paye les 120 mille. Ainsi, nous pouvons considérer que toute l'école constitue un cas social", soutient Marie Madeleine Amy Dione.

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