Madagascar: Économie régionale - Les investissements au centre des enjeux

La tenue dernièrement, à Toamasina, du Business Forum Régionaux, initiative de l'Economic Development Board of Madagascar (EDBM) mettant en avant les potentialités économiques et d'affaires de l'Atsinanana, de l'Alaotra Mangoro et de l'Analanjirofo, a démontré une fois de plus la nécessité de mieux capter les investisseurs pour booster l'économie régionale.

Développement des Zones d'Émergence Industrielles, accompagnement du secteur privé local, promotion des filières porteuses comme l'économie bleue et l'énergie renouvelable, amélioration de l'offre touristique ou encore modernisation des infrastructures, de nombreuses thématiques ont fait l'objet d'échanges, parfois passionnés, lors du Business Forum Régionaux qui s'est déroulé les 6 et 7 avril derniers au Port Academy Center Toamasina. Des discussions et des partages qui ont permis notamment d'identifier les actions permettant de mobiliser plus de ressources afin que les différentes régions du pays puissent émerger économiquement. L'occasion a aussi été marquée par l'intention bien affirmée des régions de la partie orientale du pays de miser fortement sur le grand port de Toamasina, qui bénéficie actuellement de travaux d'extension, pour accélérer leur développement.

Pour les Partenaires Techniques et Financiers (PTF), les investissements au profit des régions doivent en priorité améliorer la compétitivité de la chaîne de valeur agricole et agro-industrielle. « Il est important d'intensifier les investissements dans la connectivité rurale, d'étendre les superficies agricoles et de renforcer la sécurité foncière », constate la Banque Mondiale. L'institution qui recommande également la libération des ressources pour les investissements dans les infrastructures régionales.

Elle estime en outre que les mesures comme la levée de l'interdiction d'exportation des variétés de riz haut de gamme, ainsi que de la vanille conditionnée sous vide, des récoltes précoces de litchis, de l'ylang-ylang ou du bétail pourraient permettre d'augmenter les revenus des producteurs et encourager les investissements dans l'agroalimentaire.

À noter que les discussions sur les moyens d'accroitre les investissements dans les régions se tiennent dans un contexte où les autorités s'activent dans l'élaboration du Plan national de décentralisation émergente (PNDE). Pour le ministère de l'Intérieur et de la Décentralisation, la décentralisation économique n'est pas un choix mais une obligation, que le pays ambitionne de rendre effective en 2030 pour asseoir un développement économique inclusif et équilibré.

Du côté du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), qui sponsorise les consultations menées dans ce cadre, on indique qu'une stratégie d'identification des actions à mettre en oeuvre dans le cadre du PNDE a été mise en oeuvre. Les informations collectées ont été confrontées aux réalités territoriales. La démarche vise, a-t-on soutenu, à mieux intégrer les réformes de la décentralisation engagées. Mais c'est aussi l'occasion de mieux cerner les forces et faiblesses des différentes régions dans la perspective d'accompagner efficacement le développement des économies locales.

Améliorer le climat des affaires

Quant aux investisseurs privés, ils rappellent souvent que le climat des affaires constitue le premier paramètre à prendre en compte dans leur processus de décision. C'est donc favorablement qu'ils ont accueilli l'initiative étatique d'élaborer une nouvelle loi sur les investissements qui permettra à Madagascar de s'aligner sur les standards internationaux en la matière.

Notons, en outre, qu'en concert avec le secteur privé, cinq secteurs économiques prioritaires ont été retenus pour développer le tissu productif régional. Il s'agit de l'agro-business, du textile, de la transformations minières, de l'exploitation des huiles essentielles et des énergies renouvelables. Pour démontrer la pertinence de ces choix, Christian Rasoamanana, conseiller auprès du Ministère de l'Industrialisation, du Commerce et de la Consommation (MICC), a indiqué que pour l'agro-business, nous importons encore trop y compris les produits de première nécessité. Quant au textile, la filière génère des recettes d'exportation de 500 millions de dollars mais on peut faire quatre ou cinq fois plus, le pays étant confronté à des contraintes de l'offre mais non pas de la demande. Pour les huiles essentielles, le chiffre d'affaires des opérateurs tourne actuellement autour de 100 millions de dollars mais la marge de croissance est encore très large. Et ce ne sont là que quelques exemples des filières sur lesquelles les investisseurs peuvent miser.

Mais il ne faut pas non plus oublier que la concurrence ne cesse de s'intensifier entre les pays pour attirer les investissements directs étrangers (IDE). Certes, la Grande Ile possède des atouts certains pour capter l'intérêt des détenteurs de capitaux, mais elle doit aussi montrer à une large échelle que ses régions constituent des destinations des investissements plus attrayantes que celles des autres pays. Selon les chiffres disponibles, la région Afrique de l'Est et océan Indien compte pour 19,9 % des flux d'IDE dirigés vers l'Afrique. Et en 2019, pour la première fois depuis 2013, les flux d'IDE entrant dans cette zone géographique ont diminué de 10,8 % pour s'établir à 9 milliards USD. Cette baisse s'explique en grande partie celles observées en Éthiopie (-24 %), au Kenya (-18,1 %) et à Madagascar (-35,5 %). C'est dire que le challenge est de taille pour remonter la pente.

D'après la publication des services économiques de la région Afrique de l'Est et océan Indien du ministère français des Affaires étrangères, le principal détenteur d'IDE à Madagascar est la France, devant Maurice, la Corée du Sud et la Chine. Le stock est estimé à environ 3 milliards USD. Il est cependant utile de préciser que ce montant peut être sous-estimé dans la mesure où

certaines données ne sont pas encore connues. On sait en revanche que les principaux investissements des dernières années se concentrent sur le secteur minier. Le rapport note aussi que le gouvernement malgache promeut son attractivité par rapport aux investisseurs étrangers dans le cadre du projet de Plan Emergence de Madagascar (PEM), donnant la priorité au partenariat public-privé, et a engagé une réforme visant l'harmonisation du cadre juridique des investissements.

Investir dans l'industrie locale

Pour le gouvernement, avec davantage d'investissements, les régions, les districts et les communes seront en mesure de devenir plus autonomes et inclusives dans la planification de leurs plans d'actions, la mobilisation de leurs propres ressources, l'amélioration de services aux contribuables, et sont plus aptes à coordonner les initiatives d'intercommunalité. Mais Madagascar

ambitionne aussi de redimensionner son tissu industriel en misant sur une approche locale. En d'autres termes, il s'agit de matérialiser la vision de la décentralisation émergente dans le secteur productif. Les programmes ODOF (One District One Factory ou une usine pour chaque district) et Zones pépinières industrielles (Taninketsa indostrialy) vont dans ce sens puisque l'objectif principal est de multiplier les activités de production à partir des matières premières locales dans les districts et les communes répartis à travers le pays.

Il s'agit de produire localement les besoins en consommation des populations. Selon les responsables, auparavant, cette vision était concrétisée mais n'avait pas pu être pérenne, notamment à cause du manque de coordination entre le secteur public et les opérateurs économiques. D'où le renforcement des partenariats allant dans ce sens. Ainsi, les actions de mise en place d'unités de production figurent parmi l'appui technique du gouvernement dans la promotion de l'industrialisation à Madagascar, la production locale des besoins des ménages et l'octroi d'un emploi décent pour tous. De plus, le ministère de l'Industrialisation, du Commerce et de la Consommation collabore étroitement avec les autorités locales au niveau de chaque région et district dans la localisation des entreprises à appuyer sur le plan technique et financier pour le développement économique local, a-t-on expliqué.

Le pays s'attèle ainsi à promouvoir un système offrant la possibilité de mettre sur le marché des produits locaux répondant aux normes et à la qualité afin de stimuler l'industrie, le commerce et la consommation locale. Une vision des autorités publiques qui s'accorde avec le concept « Malagasy ny antsika » du Syndicat des Industries (SIM) dont l'objectif est de prouver le savoir-faire et le professionnalisme des entrepreneurs nationaux et de faire adhérer les consommateurs aux produits pays. Notons d'ailleurs que le thème du dernier Business Forum Régionaux a été « Emergence économique régionale : faciliter les investissements face aux défis d'industrialisation de Madagascar ».

Investisseurs nationaux

Des acteurs plus dynamiques

Si, d'habitude, les investisseurs directs étrangers sont les plus courtisés dans le cadre de la mobilisation des ressources pour financer le développement économique, tant national que régional, les discours sont en train d'évoluer. Ainsi, les promoteurs des investissements, au premier rang desquels l'EDBM, s'active pour motiver davantage les investisseurs locaux et propose une collaboration dans « un esprit de co-construction ». La présidente du conseil d'administration de l'EDBM, Lantosoa Rakotomalala, a déclaré qu'un changement de paradigme est en cours et que la mise en avant des régions permettra d'identifier les synergies, les intégrations commerciales et productives qui leur permettraient, à terme, d'accélérer leur développement en tirant partie de leurs forces et atouts respectifs. Et que les investissements directs nationaux sont au coeur des préoccupations de la structure qu'elle préside, qui se présente désormais comme une véritable agence de développement économique. Pour sa part, le Directeur de Cabinet du Président de la République, Romy Voos Andranarisoa, a souligné que l'heure est à la réalisation des actions concrètes pour atteindre le plus rapidement possible les objectifs de l'émergence régionale. D'où les projets annoncés lors du Business Forum Régionaux de Toamasina dont le protocole d'accord conclu entre le Dr Marcellin Randriamanantena, Gouverneur de la Région Analanjirofo et Tahina Razanamahefa, Directrice de la Communication et des Relations Publiques du Groupe STOI, pour un programme public-privé d'agrégation agricole dans la filière maïs. À constater, en effet, que les investisseurs nationaux sont de plus en plus actifs ces derniers temps. Qu'ils soient regroupés dans des plateformes comme le Malagasy Investment Club ou actifs dans des structures comme Miarakap (capital-investissement), ces acteurs sont en train de faire bouger les lignes. Selon une projection réalisée par le cabinet BEN-MG, les investissements des nationaux devraient représenter plus de 20% du Produit Intérieur Brut de Madagascar (PIB) dans les 5 prochaines années, soit plus de 3 milliards USD. L'apport de la diaspora est inclus dans cette estimation.

VERBATIM

Romy Voos Andrianarisoa,

Directeur de Cabinet du Président de la République

« L'événement organisé à Toamasina sera indubitablement suivi par des business forums dans les autres régions de Madagascar, et avec la nécessité d'engagement de chacune des régions, conformément à la volonté du président de la République. Le secteur public réaffirme qu'il est d'un soutien sans faille dans la facilitation et la sécurisation des investissements du secteur privé ainsi que les différentes mesures qui sont déployées pour permettre une croissance portée à la fois par le secteur public et le secteur privé ».

Tiana Rasamimanana,

Président du Syndicat des Industries de Madagascar (SIM).

« L'agro-business et l'exploitation des autres ressources sont le carburant ou l'énergie qui vont faire tourner le moteur de l'émergence économique régionale. Néanmoins, nous ne devons pas rester dans la théorie. À l'Etat de garantir la mise en place des infrastructures et la sécurité des biens et des personnes. Mais aussi mettre en place les cadres réglementaires adaptés. Le rôle des investisseurs privés est de transformer, d'innover, de distribuer ou d'exporter, assurer une bonne gestion et payer les taxes. Mais nous voudrions aussi une taxation intelligente ».

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