Au Gabon, les avocats sont traversés par une profonde fracture. Une crise est apparue, le 6 janvier, lorsque Me Raymond Obame Sima a été élu nouveau bâtonnier à l'issue de l'assemblée générale de l'ordre. Certains se sont opposés à son élection, estimant qu'il n'avait pas suffisamment d'ancienneté. Un recours a été déposé au Conseil d'État pour annuler la procédure.
En attendant la décision du Conseil d'État, la presse a révélé des échanges sur un projet de scission au sein du barreau. Un avocat a été sanctionné et les tensions au sein du barreau gabonais commencent même à faire des vagues à l'étranger.
Vu comme l'un des meneurs de la fronde, Maître Justin Taty a été condamné à six mois de suspension par le conseil de l'ordre. Son projet de scission a suscité la colère de la Conférence internationale des Barreaux (CIB) qui regroupe 47 organisations dans le monde.
Selon Maître Bernard Vatier, secrétaire général de la CIB, toute division est inenvisageable et serait néfaste : « La fonction du barreau est une fonction d'autorégulation. Le barreau énonce des règles déontologiques. Lorsque vous avez une scission du barreau, vous avez un deuxième barreau qui, lui, va imposer des règles différentes. Si les avocats peuvent faire n'importe quoi en étant protégés par leur barreau, on porte directement atteinte à la justice. Ce sont des tentatives d'avocats qui ne peuvent pas supporter les règles. C'est pour ça qu'on est très fermes. »
Maître Taty a fait appel et continue d'exercer, en attendant un jugement. L'avocat estime que la scission était un scénario parmi d'autres, évoqué avec des confrères. Il conteste donc sa sanction : « Elle est injuste et inappropriée. Les avocats avaient mis en exergue un certain nombre de violations des règles déontologiques et il y a eu plusieurs propositions qui ont été faites. Si le Conseil d'État reprend une décision qui nous soit favorable, je crois que ce serait bien que nous envisagions une scission. Mais il n'y a pas eu d'acte de scission de ma part. Ce n'étaient que de simples échanges et je leur ai dit qu'ils ne pouvaient pas juger des intentions. »
« Ce projet aurait détruit le barreau. Cette mutinerie porte atteinte à la profession, à notre image et notre stabilité », déclare, de son côté, le bâtonnier, Maître Raymond Obame Sima.
On attend désormais que le Conseil d'État tranche. Après une audience de plaidoirie, mercredi 12 avril, l'affaire a été renvoyée au 21 avril.
Le Conseil national français des barreaux a, lui aussi, apporté son soutien au nouveau bâtonnier gabonais, estimant qu'une scission pouvait remettre en cause l'autorégulation, l'unité de la déontologie et l'indépendance des avocats.