Ile Maurice: Ainsi sera le monde ?

billet

Le spectacle de notre Assemblée nationale est devenu, passez-moi le mot, tout simplement affligeant. Mais aurait-il pu être autrement au vu des personnages qui s'y trouvent, souvent enduit(e)s comme ils (elles) le sont, des huiles saintes du «mandat du peuple» qui cache pourtant à peine leur incompétence, leurs petitesses d'esprit, leurs grossièretés et leur veulerie intéressée ?

Ajoutez à cela, le fait que l'arbitre du Parlement se la joue arrogant et partisan ; que le gouvernement crée de plus en plus d'agences qui dépensent des montagnes d'argent public sans avoir à en répondre au Parlement (comme le National Social Living Development Ltd, incorporée comme une compagnie privée qui dépenserait, à terme, non plus Rs 12 milliards pour 12 000 logements, mais Rs 14,4 milliards pour... 33 % moins de maisonnettes), et alors que les tactiques deviennent de plus en plus excessives pour émasculer l'opposition et éviter des réponses aux interrogations gênantes.

Ainsi une interprétation tout à fait hasardeuse des standing orders a fait que le speaker et le PM ont pu demander de voter une nouvelle motion de suspension d'Arvin Boolell qui revenait tout juste au Parlement ; l'infraction (de méchantes paroles à l'encontre du speaker) étant cette fois commise HORS du Parlement ! Comme souligné par d'autres, cette extension du pouvoir du speaker hors du Parlement ferait, si acceptée par la Cour suprême, gardienne de la Constitution, qu'un parlementaire aurait moins de liberté d'expression qu'un citoyen - ce qui serait parfaitement stupéfiant ! Heureusement que cette suspension a été... suspendue vendredi. Reste à confirmer dans le main case.

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Ainsi, aussi les pirouettes de l'Attorney General (comme les pirouettes du PM et d'autres ministres avant lui) pour ne pas répondre aux questions le concernant sur le bail de Grand-Bassin en prétextant l'enquête de l'ICAC, même s'il dit savoir ce qui s'est passé ! Est-on arrivé au stade où toute question sulfureuse et/ou embarrassante pour le gouvernement et/ou ses officiers pourrait ne plus susciter de réponse au Parlement au motif qu'une agence gouvernementale (ICAC, FIU, police, FSC, IRSA...) est en train... d'enquêter ? Comme parade, ce serait un peu grossier, non ? D'autant que, comme nous le rappelait Martin Luther King Jr, «You cannot get rid of darkness with more darkness. Use light!» plutôt, conseillait-il rationnellement.

Mais nous n'avons, peut-être, que le gouvernement que l'on mérite ?

Une publicité KFC royalement bien faite par Circus ! et encensée, à juste raison, pour ses qualités tant techniques qu'artistiques, est cependant ponctuée de slogans supposés représenter «les références, les codes, les langages et les styles» des jeunes. En d'autres mots, leurs valeurs ? Mais lisez vous-même : il paraît que : «It's OK to be real», «arrive late», «pans zis pou twa», «cheat», «show off», «be impatient», «draw on walls», «déklar mari», «talk to strangers», «play with your food», «ignore people», «get jealous», «be somebody else», «be loud», «be a mess», «be lazy», «follow the crowd», «don't follow instructions», «be whatever», «BE REAL!» Outre les quelques contradictions qui confirment bien l'esprit adolescent dont je me souviens clairement avoir été un exemple, une invitation à faire de (beaux) graffitis sur de (sales) murs et une invitation d'ouverture sur ceux que l'on ne connaît pas (à vos risques et périls), l'apologie (l'invitation ?) à être retardataire, égoïste, tricheur, frimeur, narcissiste, jaloux, tapageur et bruyant, pas gêné d'être paumé et, pour tout couronner, paresseux et sans cervelle me paraît être une recette pour un pays pitoyable plutôt que pour la recherche du «finger-licking good» personnifié par le Colonel Sanders !(*)

Réaction d'un old fuddy-duddy ? Ainsi SERA le monde ?

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Si vous croyez que les cours de justice libres ne servent à rien, lisez ce qui suit. Une «cour» de justice de Dubaï a finalement décidé, dans le sillage d'une audience tenue il y a sept semaines de cela, à laquelle les représentants de l'Afrique du Sud ne furent d'ailleurs ni convoqués ni même notifiés, de refuser la demande d'extradition des Sud-africains pour les frères Gupta, Atul et Rajesh.

On se souviendra que, pendant le règne corrompu de Jacob Gedleyihlekisa Zuma, les frères Gupta avaient une telle emprise sur le gouvernement qu'ils avaient même le pouvoir d'influencer le choix des ministres qui leur conviendrait ! Sans surprise, des contrats divers, avec des prix souvent complaisants, furent signés en faveur des Gupta pour au moins 3,2 milliards de dollars à travers des connections politiques tellement viciées que l'on a évoqué une véritable situation de capture d'État (state capture).

Le ministre de la Justice sud-africain, Ronald Lamola, est furieux et accuse Dubaï de ne pas respecter un traité entre leurs deux pays, d'autant plus que les officiels sud-africains auraient pourchassé leurs contreparties dubaïotes pendant des mois, s'efforçant de s'assurer que leurs affidavits et leur documentation soient en ordre.

Les frères Gupta furent arrêtés à Dubaï en juin dernier et cette arrestation avait suscité grand espoir. Nés en Inde, détenteurs de passeports sud-africains, les services d'immigration dubaïotes révélaient alors que les frères Gupta étaient aussi citoyens du... Vanuatu ! Désormais libérés, les Gupta ne sont plus à Dubaï et sont pour le moment introuvables, sauf que l'on a noté leur présence en Suisse et leur intérêt à rechercher asile et à «faire des affaires» dans la République du Centre Afrique. Espérons qu'ils ne se pointeront pas au PMO, après Sobrinho...

La cour de Dubaï a estimé que l'offense de blanchiment pouvait être jugée à Dubaï même et a libéré les frères Gupta en affirmant qu'il n'y avait pas de mandat d'arrêt pour fraude et corruption, dûment attaché à la plainte. Les autorités sud-africaines dénoncent cette version, soulignant qu'ils avaient simplement remplacé un premier mandat d'arrêt...

Quoiqu'il en soit, les Gupta sont libres et les nombreux contrats scélérats dont on a pris connaissance devant la commission Zondo en 2021 ne paraîssent pas prêts d'être expiés ! Parmi d'autres, citons une unsolicited bid, datée du 26 avril 2016, faite à Eskom, compagnie en faillite chronique, tant monétairement qu'industriellement, pour la stupéfiante combinaison de data management and cleaning services, et qui produisait des paiements de 71 millions de rands sous les 17 jours...

Certains truands sont vraiment gâtés ! Et nos amis sud-africains ne sont pas à un problème légal près, puisqu'ils seront les hôtes du 15e sommet du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Sud Afrique) en août prochain et devront décider s'ils vont passer les menottes au président Poutine à son arrivée, maintenant qu'il a été décrété criminel de guerre et qu'un mandat d'arrêt international a été émis à son encontre par la Cour pénale internationale (CPI) !

On se souviendra qu'en 2015 déjà, l'Afrique du Sud de Zuma recevait les chefs d'État pour un sommet de l'Union africaine (UA). Parmi ceux-ci, se trouvait le président Omar al-Bashir (**) du Soudan, sous le coup de deux mandats d'arrêt de la CPI pour génocide et crimes contre l'humanité au Darfour. Dix jours avant le sommet, le gouvernement décidait, en conséquence, de fournir à tous ses visiteurs, par écrit, l'assurance de leur immunité diplomatique totale. Or, sollicité par une ONG, trois juges à Pretoria décidaient, le jour même de l'ouverture du sommet de l'UA, d'interdire le départ d'Al-Bashir, le temps de pouvoir délibérer ! Vingt-quatre heures plus tard, ces mêmes juges ordonnaient l'arrestation d'Al-Bashir, mais il était déjà à 20 000 pieds d'altitude en route pour le Soudan ! Ce qui lui permettait d'ailleurs d'affirmer qu'ayant été protégé, «Dieu est grand !». Il ne parlait pas de Zuma ? L'opinion des victimes du génocide ne fut pas sollicitée....

Le règne de 30 ans d'Al Bashir, qui commença par un coup d'État, prit aussi fin dans un coup d'État en avril 2019. Il a été, depuis, condamné dans son pays pour corruption et les responsables soudanais ont promis de le remettre à la CPI, aussitôt ses divers procès pour corruption et blanchiment terminés au Soudan. «Sa» fortune personnelle est colossale. Son règne, haut en couleurs, pour dire le moins, fut aussi ponctué par l'hébergement de Carlos le Chacal et d'Osama Ben Laden.

Si Al Bashir est le premier chef d'État condamné par la CPI et Poutine le dernier en date, de nombreux pays ont souligné que le tandem Bush/Blair mérite au moins un procès pour la guerre d'Irak(***) où il y eut 200 000 morts civils mais où on n'a retrouvé aucune des armes de destruction massive qui avaient pourtant servi de justification pour une invasion au départ.

Ainsi aurait pu être le monde...

(*) https://en.wikipedia.org/wiki/Colonel_Sanders

(**) https://en.wikipedia.org/wiki/Omar_al-Bashir

(***) https://www.aljazeera.com/opinions/2023/4/3/africans-should-help-bring-putin-to-the-icc

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