Le terrain est maintenant aménagé pour être le théâtre d'un autre combat : le champ politique malgache reprend des allures de ring prêt à être foulé par les états-majors politiques dont les yeux et les esprits, entièrement tournés vers la conquête du pouvoir, sont plus que jamais éblouis par la dorure de ce trophée tant convoité.
Mais l'histoire nous a enseigné que, sournoisement tapi au-dessous de cet or aveuglant, se dissimule un poison qui corrompt jusqu'à la moelle épinière de la conscience morale. Et les plus faibles peuvent succomber, piétinés par les plus pervers des sentiments politiques. Et c'est ainsi que pourris par ce poison qui atteint sa maturité durant cette période qu'on traverse, les langues deviennent des instruments au service d'une pollution qui rend étouffante l'atmosphère politique. L'arène se mue en théâtre où la tragédie se mêle à la comédie.
Le sentiment tragique nous submerge quand on respire l'air de la précampagne, le prélude déjà tendu qui précède le climax redouté dont le dénouement, encore enseveli sous une insupportable zone d'ombre, porte déjà, dans notre perception entachée par le pessimisme, les marques de la fatalité. On semble déjà redouter, comme inévitables et inéluctables les futurs jours de troubles qui suivront le dernier acte. Car dans ces batailles où tous les coups sont permis, la guerre prend la forme d'une titanomachie, un affrontement entre les titans qui dominent le paysage politique, et qu'on imagine mal le rideau se fermer sur un décor épargné par les blessures. Mais la tragédie est aussi viciée par un ton comique dont l'apparente légèreté est pourtant d'une pesante gravité.
Comme les échanges hostiles que s'échangeaient Hector et Achille lors de la guerre de Troie avant que n'eut lieu le duel décisif, les offensives verbales que s'envoient les antagonistes du microcosme politique à travers les médias et les réseaux sociaux sont trop souvent ternies par une puérilité, un niveau indigne de la dimension des enjeux qui sont pourtant plus que sérieux. Et nous, pauvres mortels, assistons tous, en étant aux premières loges, à cette pathétique représentation qui pourrait nous convaincre de rejoindre le club d'Alceste, le personnage principal du Misanthrope de Molière.
Mais comme cette pièce politique, qui revient avec des variantes tous les cinq ans, est l'unique spectacle qu'on impose aux citoyens que nous sommes, on ne peut ne pas être sensible à l'appel du devoir qui émane d'elle et on peut alors être séduit par l'un des antagonistes et lui manifester notre confiance en lui donnant notre voix. Mais pour beaucoup, le choix sera difficile : soit on n'y assiste pas, soit à défaut d'applaudir, on consacre ce qu'on pense être le moins pire des acteurs. On a encore quelques mois pour décider.