Ile Maurice: «Erreur judiciaire» crie le frère de Michaela Harte

Le «suicide» de Raj Theekoy, le 3 octobre 2021 - cela après que l'enquête sur le meurtre de Michaela Harte McAreavey, le 10 janvier 2011, au «Legends», allait être réouverte - a sans doute motivé les journalistes irlandais de la BBC de faire leur propre enquête. En interrogeant notamment Me Ravi Rutnah.

Ce qui est surprenant pour les journalistes Darragh MacIntyre et Allison Morris dans l'affaire Michaela Harte, c'est que les avocats de la défense ont parlé et parlent toujours de confessions obtenues par contrainte et de brutalités policières. Ils ont réalisé une série de trois épisodes, Murder in Paradise, diffusée à partir du 10 avril. Le témoignage clé est bien sûr celui d'Avinash Treebhoowoon, lorsque celui-ci a une première fois avoué aux enquêteurs que l'Irlandaise avait bien été assassinée par Sandip Mooneea et lui-même, cela juste après que Raj Theekoy l'ait impliqué dans ce meurtre. Cette confession de deux heures a été faite à la police en présence de son avocat, Me Ravi Rutnah. Pourtant, ce dernier a affirmé en cour que son client avait fait cet aveu sous contraintes.

«Quel genre de contraintes puisque vous étiez à ses côtés ?» lui demande Darragh MacIntyre. Sa réponse : «Les policiers avaient déjà dit à mon client à l'avance ce qu'il fallait dire.» Ainsi, si l'on prête foi à Rutnah, Treebhoowoon a une mémoire d'éléphant puisqu'il a retenu et répété, pendant deux heures, tout ce que les policiers lui ont appris à dire. Et y avait-il contrainte pendant la confession ? Réponse de Rutnah : «Oui. Si mon client disait quelque chose qu'il ne fallait pas, le policier arrêterait d'écrire pour permettre à mon client de revenir sur ce qu'il avait dit.» C'est cela la pression, selon Rutnah.

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Arnold Schwarzenegger, le retour

La présence de Ravi Rutnah, qui s'est autoqualifié d'Arnold Schwarzenegger, n'a-t-elle pas dissuadé les enquêteurs dans leurs intimidations ? «J'ai aussi été intimidé et menacé. Il y avait sept ou huit policiers autour de moi.» Comment les policiers l'intimidaient ou le menaçaient-ils ? «En soulevant une chaise et en me forçant à m'asseoir !» Acte de politesse ou acte d'intimidation ?

Pourquoi, lui demandent encore les journalistes, n'a-t-il rien dit après la «confession» ? «Je n'étais pas au courant de ces tricks of the trade.» En d'autres mots, il n'a pas réalisé que les policiers usaient d'intimidations et de menaces durant la confession de son client. Pourtant, lorsque Darragh MacIntyre lui demande si c'est vrai qu'il a pris un bol de riz frit avec ces mêmes policiers, la veille de la confession de son client, ce qui voudrait dire que les policiers n'étaient pas si méchants que cela envers lui mais plutôt amicaux, Ravi Rutnah nie : «Comment aurais-je pu dîner avec ces agresseurs !» Darragh MacIntyre lui rappelle alors qu'il avait, trois jours après la confession de Treebhoowoon, accordé une interview à un titre local, dans laquelle il semblait reconnaître la culpabilité de son client. Il y affirmait que son client «n'avait pas l'intention de tuer, que c'[était] un incident qui a[vait] mal tourné». Que répond l'avocat ? «Si je savais que mon client avait fait des aveux sous la contrainte, je n'aurais pas fait cette déclaration à la presse.» Or, le même Rutnah venait tout juste de dire que, la veille de la confession, il n'avait pas dîné avec les enquêteurs qu'il traitait déjà d'agresseurs. Which is which?

Ce n'est pas tout. Quand le journaliste irlandais lui demande comment peut-il dire que, lors de l'interview avec la presse, il ne savait pas que son client avait été torturé par la police alors qu'il avait lui-même, dès le début de l'enquête, déclaré à la cour de district que son client avait été victime de brutalités policières, Ravi Rutnah se perd et reconnaît l'avoir fait. «Que de contradictions que Rutnah ne veut pas assumer!» conclut le journaliste.

Ce serait à cause de cette allégation d'avoir partagé un bol de riz frit avec des policiers que Ravi Rutnah s'est retiré comme avocat de Treebhoowoon et a annoncé au sortir de la cour que, tel Arnold Schwarzenegger, il fera son retour, mais comme témoin. Témoin de quoi ? Des actes d'intimidation des policiers ou de l'absence d'actes d'intimidation? Pour le frère de Michaela, Mark Harte, le retrait de Ravi Rutnah comme avocat de Treebhoowoon est une tactique de la défense pour que l'absence d'actes d'intimidation de la part de la police ne puisse être utilisée en cour.

Et Rama Valayden d'avouer à la BBC que c'était bien la stratégie de toute l'équipe de la défense : on met en retrait Rutnah en annonçant qu'il reviendra comme témoin de la défense, pour l'empêcher d'être appelé à témoigner par la poursuite et, à la fin, la défense n'appellera pas Rutnah comme témoin. Est-ce régulier ? On ne le sait. En tout cas, cette tactique, ou ce mensonge, aura permis de faire basculer l'affaire. Au lieu d'être un accusé, Treebhoowoon sera une victime... de violences policières.

Les allégations de brutalités policières étaient devenues si centrales, disent les journalistes irlandais, que le juge Feknah a demandé au jury de ne pas condamner les deux accusés si le jury pensait qu'il y avait eu obtention de confession sous la contrainte. Il n'y a pas eu de procédure de «voir dire». Et le jury a acquitté les deux accusés. On ignore pourquoi le Directeur des poursuites publiques n'a pas, quand même, convoqué Rutnah comme témoin. Ni pourquoi il n'a pas fait appel contre ce jugement. «It is a miscarriage of justice», crie le frère de Michaela.

Le témoin clé qui se pend

Seul témoin oculaire, Raj Theekoy, avait confessé dès le départ, et contrairement à ce qu'avancent les avocats de la défense et Sandip Mooneea, ce n'était pas pour être libéré des 77 jours de détention préventive. Theekoy ne s'était jamais plaint de contrainte ou de brutalité policière, affirme son avocat, Navin Ramchurn, encore une fois, contrairement à ce qu'avance la défense, qu'il aurait été contraint de témoigner contre ses deux collègues.

Et le «bell-boy»...

Pourquoi ne pas avoir convoqué le bell-boy, un certain Rajiv, dont le témoignage aurait pu contredire celui de Theekoy et, donc, servir la défense ? Mais la défense ne l'a pas fait. Ravi Rutnah avance qu'il était introuvable... Pourtant, les journalistes ont pu le retrouver, même s'il n'a pas voulu trop leur parler.

La «master card» et Dassen Narayanen

Ranjeet Jokhoo, qui était responsable de l'enquête en 2011, a parlé de l'affaire de carte d'accès magnétique que seul le locataire possède. Il existe aussi une «master card» qui permet l'accès aux chambres mais que quand c'est nécessaire. Or, selon lui, cette carte maîtresse était remise par Dassen Narayanen à des employés, sans aucun contrôle. Et de brandir un rapport qui montre que la chambre 1025, qu'occupait le couple McAreavey, a été ouverte à l'aide de cette carte maîtresse qui «n'aurait pas pu être obtenue par le mari». C'est pourquoi l'avocat de la famille McAreavey, Me Dick NgSui Wa, est d'avis que Dassen Narayanen est un suspect car il aurait participé à l'affaire de vol en bande organisée et, par la suite, aurait couvert ses amis pour le meurtre. «Pourquoi Narayanen n'a-t-il pas été convoqué au moins comme témoin aux Assises ?», se demande Allison Morris. Sandip Mooneea, de son côté, reconnaît qu'il y a eu des voleurs dans le passé et qu'ils n'ont pas été référés à la police, mais ont tout simplement été licenciés. Pour protéger la réputation de l'établissement et de Maurice ?

Theekoy ébranlé à cause d'un mensonge ?

L'express se demandait, le 12 octobre 2021, si, en devenant le témoin de la poursuite, Raj Theekoy a «négocié» pour que la poursuite enlève l'accusation de complot pour vol contre lui. Si cela a été le cas, est-ce une erreur capitale de la part de la poursuite ? Car en voulant cacher sa participation au projet de cambriolage, Raj Theekoy s'est retrouvé en difficulté en cour, surtout lorsqu'il a été contre-interrogé par Me Rama Valayden, l'avocat de Sandip Mooneea. Il n'a pu expliquer pour quelles raisons il se trouvait à l'hôtel alors qu'il était censé être rentré chez lui. Contacté en octobre 2021, Rama Valayden a défendu, cette fois-là, Theekoy, en affirmant que les employés de l'hôtel ont l'habitude de demeurer sur place, même après les heures de travail. Pour voler ? Il ne nous l'a pas dit.

Le portefeuille sans trace

w Le médecin légiste Satish Boolell intervient également dans l'enquête de la BBC d'Irlande du Nord. Pour lui, le fait que la police ait rendu le portefeuille à John McAreavey, moins de 24 heures après le meurtre, sans qu'aucun prélèvement d'ADN ou d'empreinte digitale ne soit effectué, est de l'incompétence ou de la corruption. «Comment a-t-on pu omettre cela alors qu'il y avait la suspicion que le mobile du crime ait été le vol ?» Tout en rappelant que le jury ne condamne pas sans preuves scientifiques. Ce qui est arrivé.

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