S'il y a un pays où les bruits de bottes ne tardent pas à se faire sentir, c'est bel et bien le Soudan. Depuis son accession à l'indépendance en 1956, cet Etat d'Afrique du Nord-Est a connu 17 coups d'Etat, dont 6 ont réussi. Le dernier putsch contre le gouvernement de Transition, consécutif à la chute du président Omar El-Béchir, remonte au 25 octobre 2021. Malheureusement, la tendance ne semble pas prête à s'inverser, avec les derniers événements à Khartoum. Les Forces paramilitaires de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo dit « Hemedti » et les troupes de l'armée régulière, dirigées par le général Abdel Fattah al-Burhane, s'affrontent depuis le samedi 15 avril 2023. Les deux camps, qui se regardaient en chiens de faïence, ont fini par croiser le fer. Qui a été premier à déclencher les hostilités ?
Il n'est pas aisé de le savoir, tant la confusion est totale en ce moment au Soudan. Les soldats loyalistes et les paramilitaires s'accusent mutuellement d'avoir ouvert le feu. L'armée reproche aux FSR d'avoir engagé le conflit en s'attaquant à ses bases. Les paramilitaires affirment que les hommes du général Burhane ont assiégé, par surprise, leur camp de Soba dans le sud de Khartoum. Ce jeu de ping-pong ne fait pas rigoler, puisque des sources médicales indiquent que les combats ont déjà fait au moins 56 morts et 600 blessés. Les FSR annoncent avoir pris le contrôle de certains points stratégiques tels l'aéroport et le palais présidentiel, sous fond de démentis du camp d'en face. Il est difficile d'imaginer, que les deux généraux, Hemedti et Burhane, qui avaient fait alliance lors du putsch d'octobre 2021, allaient se détester au point de s'affronter à mort. Les intérêts égoïstes ont évidemment pris le dessus. Alors que l'armée et les formations politiques avaient signé un accord qui prévoit une période de transition de deux ans en décembre 2022, des divergences ont éclaté entre les deux hauts gradés.
Le général Hemedti milite pour l'intégration de ses éléments, les FSR, dont la plupart sont des ex-miliciens formés au combat au Darfour, au sein des troupes régulières. Le général Burhane ne s'y oppose pas, mais veut imposer des conditions d'admission et limiter l'incorporation des FSR dans le temps. Le patron des FSR, qui réclame en plus une place au sein de l'état-major, ne voit pas d'un bon oeil cette proposition. Ce malentendu entrave la mise en oeuvre de la transition, à telle enseigne que des négociations politiques avaient été entamées, sous l'égide de certains diplomates, pour ramener la sérénité et lever le blocage. Tout était mis en oeuvre pour donner une chance à la nouvelle transition pour permettre au pays de poursuivre sa difficile marche, quand les armes ont retenti à nouveau. Alors que sans l'opérationnalisation de la transition, le Soudan, qui figure parmi les pays les plus pauvres de la planète, ne peut pas bénéficier de l'aide de la communauté internationale. Les vivres ont été coupés à ce pays, connu pour faire la Une de l'actualité avec des mauvaises nouvelles.
Il faut craindre, dans ces circonstances, que le Soudan, qui ne tenait pas bon, ne sombre totalement. Des voix se sont élevées pour appeler les deux camps à mettre un terme aux affrontements. Les Nations unies, la Ligue arabe et l'Union africaine souhaitent l'arrêt des crépitements des armes, mais seront-elles entendues. Rien n'est sûr. Les FSR semblent être dur d'oreille, à voir le discours musclé de leur maitre à penser, le général Hemedti. « Nous ne nous arrêterons pas avant d'avoir pris le contrôle de l'ensemble des bases militaires », a-t-il déclaré, ces jours-ci. Le Soudan n'en a pas fini avec les vieux démons, ce qui a de quoi faire perdre le sourire. Vivement que ce pays sorte de l'éternelle instabilité...