Du 14 au 16 avril 2023, le président rwandais, Paul Kagame, a effectué une visite à Cotonou, au Bénin. Un séjour frappé du sceau de la sécurité, depuis quelque temps l'ancien Dahomey étant le théâtre d'incursions répétées de groupes terroristes venus du Sahel.
Face au risque de sanctuarisation des djihadistes dans le Nord de son pays, Patrice Talon joue donc à fond la carte de l'anticipation.
Ainsi par exemple de sa rencontre à Ouagadougou le 16 février dernier avec le chef de l'Etat burkinabè, le capitaine Ibrahim Traoré, dont le pays, à l'instar des voisins malien et nigérien, est en proie depuis des années à des attaques terroristes.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce récent voyage de Paul Kagame aura été pour le Bénin sinon bénéfique, du moins plein de promesses, sur le plan sécuritaire.
En effet, dans le cadre de la coopération militaire et logistique, les deux chefs d'Etat entendent faire de l'«encadrement, du coaching, de la formation» et du «déploiement conjoint» le fer de lance contre la progression djihadiste.
C'est donc dire que l'expertise militaire rwandaise continue de séduire bien des dirigeants du continent confrontés au terrorisme ou à une rébellion interne.
« Nous avons nos forces militaires qui fonctionnent et qui travaillent en RCA, au Soudan du Sud, des forces au Mozambique, ainsi de suite. Donc c'est dans ce contexte que nous sommes prêts à travailler avec le Bénin pour, bien entendu, nous prévenir par rapport à tout ce qui peut se produire autour des frontières dans la zone, y compris la situation sécuritaire prévalant dans la région », s'est en effet enorgueilli l'homme mince de Kigali.
C'est donc un bel exemple de coopération Sud-Sud que les deux présidents viennent de poser. Beaucoup de gouvernements africains gagneraient à s'en inspirer, au lieu de toujours tendre la sébile vers d'autres cieux dans l'espoir d'une hypothétique aide.
Si donc la solution est souvent à notre portée et à nos portes, hélas les problèmes le sont parfois tout autant.
C'est ce que révèle cette déclaration polémique de Kagame au Bénin et ressentie en RDC comme une provocation.
« En ce qui concerne le M23 et toutes les personnes liées au M23, les Congolais qui ont bénéficié de l'héritage rwandais, les frontières qui ont été construites durant la période coloniale ont affecté et divisé nos peuples. Une partie du Rwanda qui a été donnée au Congo, le sud à l'Ouganda, etc. Nous avons une coopération qui existe déjà dans ces zones. Il y a déjà des liens qui existent entre les peuples. C'est évident. Vous pouvez remonter dans l'histoire », a en effet déclaré l'hôte béninois au cours d'une conférence de presse.
Un propos qui vaut son pesant d'agressivité et semble être le discours officiel de Kigali tant il rappelle celui de Jean Damascène Bizimana, ministre rwandais de l'Unité nationale et de l'Engagement civique, qui, au Sénégal, à l'occasion de la Journée nationale des héros du Rwanda, dénonçait : « Le Rwanda a été diminué. Les problèmes que nous subissons actuellement avec des accusations infondées contre le Rwanda tirent leurs sources du dérapage de la conférence de Berlin ».
C'est donc ça, le problème ? Nous y sommes alors.
Depuis longtemps, la géante RDC a toujours accusé le petit Rwanda de marauder sur ses terres au son de la canonnière.
Depuis longtemps, les organisations sous-régionales et internationales pointent du doigt Kigali comme étant le parrain des groupes rebelles comme le RCD, le CNDP et le M23 qui déstabilisent l'est de la RDC.
Depuis longtemps, le pays des « Mille Collines » a toujours réfuté de telles accusations.
Enfin, Kagame est allé à confesse. Et il s'en explique : c'est une guerre d'extension, une guerre impérialiste qu'il mène depuis longtemps en RDC.
Faute donc de pouvoir s'attaquer à l'Ouganda, lui aussi redevable au Rwanda, Paul Kagame s'en prend au géant aux pieds d'argile.
On savait bien que, ramené à l'histoire postcoloniale, une partie du Rwanda a été rattachée au Congo-belge. Mais il n'y a pas que le pays de Grégoire Kayibanda qui ait été victime d'une telle amputation territoriale. C'est le propre de tous les Etats africains.
Si chacun d'eux devrait se prévaloir de ses frontières originelles ou supposées comme telles, on referait et on ne cesserait de remodeler le continent. Avec tout ce que cela comporte comme germes conflictualité généralisée. Car ce serait comme libérer des forces telluriques en faisant bouger des plaques tectoniques.
C'est pourquoi l'OUA, actuelle UA, a fait du principe de l'intangibilité des frontières, soient-elles artificielles, sa règle d'airain.
Faut-il croire que le petit Rwanda, 26 798 Km2 pour 13 millions d'habitants, serait à la recherche d'un quelconque espace vital ?
Dans l'histoire récente de l'humanité, on a vu jusqu'où un tel rêve a pu conduire le monde.