Madagascar: Le spectre haïtien

Alors que le gouvernement n'a pas encore arrêté de façon définitive la date de la présidentielle, alors qu'on n'est pas encore en période de campagne, alors qu'aucun prétendant n'a annoncé sa candidature de manière officielle, on craint déjà le pire.

La tension se fait sentir à travers les propos tenus par certains candidats virtuels qui se mettent déjà dans la peau du vainqueur. On a beau prôner l'apaisement, les verbes et les mots prennent de la hauteur et frisent la provocation et le mépris. À Sambava on s'est rappelé le fameux discours de Vohemar des années 90. L'histoire est un perpétuel recommencement. La déclaration d'une députée mettant en cause la sacro-sainte unité nationale a été accueillie par une salve de tollé d'un bout à l'autre du pays.

Bien qu'on est en encore loin de l'échéance électorale, on se trouve dans un terrain glissant où un mot plus haut qu'un autre pourrait être le déclencheur d'une spirale de violence verbale voire physique. À en juger les discours dans un camp comme dans l'autre, tout le monde est d'accord pour l'organisation de la présidentielle mais tout le monde se voit vainqueur. La HCC et la CENI sont accusées de préjugés avant de faire ses preuves. Quels que soient les résultats, ils seront contestés par l'un ou l'autre camp.

Chaque partie conditionne ses partisans à cette éventualité. On se rappelle que la crise de 2002 était née d'un litige électoral et le pays n'était pas loin de la guerre civile avec des milices dans un camp, des zana-dambo de l'autre. Beaucoup d'infrastructures ont été détruites, beaucoup de personnalités ont été emprisonnées, des domiciles de politiciens ont été saccagés, une station radio a été incendiée...Il y a eu un vainqueur et le perdant avait pris le chemin de l'exil. Le même scénario risque de se répéter à l'allure où les échanges de piques vont. On peut même s'attendre au pire étant donné qu'il faut être bête pour refaire l'erreur du perdant à l'époque. Les violences risquent de redoubler d'intensité à en juger les propos agressifs ici et là.

Le spectre haïtien risque de planer au dessus de nous si on ne fait pas preuve de retenue et de modération. En Haiti, après l'assassinat du président Jovenel Moise, successeur de l'artiste Michel Martelly , tué par des hommes armés chez lui le 7 juillet 2021, l'État a complètement disparu. Le Premier ministre Ariel Henry n'a aucune autorité. Ce sont des gangs armés qui font la loi. Il n'y ni gouvernement, ni parlement, ni justice.

La situation dérive justement d'une contestation des résultats de la présidentielle. Jovenel Moise avait recueilli 55,67% contre 19,5% Jude Célestin, 11,04% pour Jean Charles Moise et seulement 8,99 % pour son concurrent direct Narcisse Maryse. Les contestations ont fini par l'assassinat de Moise Jovenel. Depuis deux ans c'est le chaos total dans ce pays très pauvre victime d'un terrible tremblement de terre en 2011. Le destin est parfois cruel. À bon entendeur.

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