Jusque-là épargné par les violences directes imputées aux insurgés, à l'inverse du Togo, du Bénin, de la Côte d'Ivoire et du Burkina Faso qui n'arrive pas à contenir une insurrection djihadiste cherchant à en découdre avec Ouagadougou, Accra prend d'ores et déjà des mesures pour contrer les islamistes. Il a envoyé des renforts près de sa frontière Nord après une attaque ; ses autorités craignent une poussée terroriste venant du Sahel.
Les dirigeants ghanéens viennent notamment de dépêcher 1 000 soldats à Bawku, après qu'un officier de l'immigration a été tué et deux autres blessés dans une attaque près de la frontière avec le Burkina Faso. Même si le service d'immigration ghanéen n'a pas précisé les motivations de la récente agression, tout porte à croire que les djihadistes ont profité du conflit de chefferies communautaires qui fragilise cette région pour mener des assauts contre des Ghanéens.
Selon un porte-parole du gouvernement ghanéen, Palgrave Boakye-Danquah, c'est au vu de l'intensification des menaces autour de la frontière entre le Ghana et le Burkina Faso qu'Accra a pris la résolution d'y dépêcher les soldats. « Nous continuons à surveiller la situation pour adapter notre stratégie si nécessaire », a-t-il indiqué. Redoutant si l'attaque dénoncée avait une ramification djihadiste, Palgrave Boakye-Danquah a dit craindre que « la violence des extrémistes » de ce type ne vienne se mêler au conflit de chefferies en cours à Bawku.
L'insécurité qui y prévaut fait que les villageois craignent l'avenir : avec un accès facile au Burkina, au Togo, au Bénin et au Niger à proximité, leur frontière est exposée. Or, Bawku est une zone vitale pour le commerce transfrontalier, notamment pour les produits agricoles et le bétail. Mais les violences ont déjà réduit les échanges, à cause non seulement des attaques côté Burkina, mais aussi de celle qui a coûté la vie à un officier de l'immigration.
Les autorités et riverains du Nord du Ghana évoquent le danger croissant des groupes djihadistes opérant à quelques kilomètres. Cette propagation de la violence vers les pays côtiers du golfe de Guinée était attendue, les opérations militaires ayant incité les groupes djihadistes sahéliens à se diriger vers le Sud, a rappelé le ministre ghanéen de la Sécurité nationale, Albert Kan Dapaah, ajoutant : « Le paysage de la menace change constamment ». « La menace est réelle, on est vraiment proche de la frontière », a déclaré, de son côté, Stephen Yakubu, ministre ghanéen de la région Nord-Est.
Les Ghanéens craignent pour leur vie
Face à cette situation, le gouvernement a choisi de renforcer la présence militaire dans la zone septentrionale. Il relève l'urgence d'agir parce que, selon les experts, le Ghana partage avec ses voisins des caractéristiques propices à l'infiltration, au financement et même au recrutement de djihadistes parmi ses départements. Et cela pour plusieurs raisons dont la porosité de ses frontières, une présence faible de l'Etat dans le Nord, des réseaux de contrebande et des tensions intercommunautaires. Pour prévenir toute violence, les autorités encouragent, entre autres, l'initiative d'Accra, qui vise à renforcer la coopération en matière de sécurité et le partage de renseignements entre les pays voisins du golfe de Guinée et les Etats du Sahel.
Ce qui n'empêche pas les Ghanéens de craindre pour leur vie en dépit de l'annonce, en mars dernier par Kamala Harris, la vice-présidente américaine, d'une nouvelle enveloppe d'aide de 100 millions de dollars pour renforcer la sécurité des côtes d'Afrique de l'Ouest. Un montant qui permettra d'aider le Ghana, le Bénin, la Côte d'Ivoire et le Togo à lutter contre la menace djihadiste. Ce qui revient à dire que les Occidentaux, avec les Etats-Unis en tête, ont décidé d'aider les pays du golfe de Guinée contre les violences djihadistes après le retrait des troupes françaises du Mali, face à l'hostilité croissante et aux différends avec la junte au pouvoir.
Malgré cela, les insurgés semblent minimiser le soutien des pays riches aux nations de la région. La fondation Konrad Adenauer et Promediation ont estimé l'année dernière qu'environ 200 Ghanéens ont été recrutés par des djihadistes côté Burkina, sans que l'on sache exactement combien d'entre eux étaient revenus. Depuis lors, Accra redoute que les djihadistes exploitent le vaste secteur informel de l'extraction de l'or dans le pays.