Tchad: Deux ans après, les zones d'ombres persistent sur la mort du président Idriss Déby

Idriss Déby Itno

Il y a deux ans, le président tchadien Idriss Déby était tué lors de combats avec les rebelles du Fact dans la région du Kanem, à 300km au nord-ouest de Ndjamena. Plusieurs zones d'ombre subsistent sur les circonstances exactes de sa mort et sur l'enquête qui a suivi.

L'enquête promise à l'époque sur la mort d'Idriss Déby n'a jamais donné lieu à des conclusions officielles et publiques, bien que 455 combattants du Fact ont été condamnés à perpétuité le 21 mars dernier pour notamment « terrorisme » et « atteinte à la vie du chef de l'État ». Parmi eux, 380 ont été graciés par le président de transition et libérés le 5 avril dernier. 55 autres condamnés par contumace, dont le chef du groupe, Mahamat Mahdi Ali, n'en ont pas bénéficié.

Que s'est-il dit exactement au cours du procès des prisonniers du Fact, qui s'est tenu en plein désert dans ce que les Tchadiens appellent le bagne de Koro Toro ? Les magistrats ont-ils évoqué les circonstances dans lesquelles est mort Idriss Déby lors de l'offensive du groupe rebelle ? Difficile de le savoir : les avocats de la défense et les médias indépendants n'ont pas pu suivre les audiences.

Des éléments d'enquête tenus secrets

Selon nos informations, les juges étaient en possession des conclusions de l'enquête, mais ils n'ont « pas voulu mettre ces éléments sur la place publique lors du procès, pour préserver la dignité du président défunt », défend une source gouvernementale bien informée.

Car l'enquête a « bien eu lieu » assure notre interlocuteur. « Toutes les personnes qui se trouvaient autour du maréchal lorsqu'il est décédé, ses collaborateurs, son médecin, la famille, les soldats, etc ...ont été entendues par les juges et leurs témoignages ont été couchés dans des procès-verbaux, explique-t-il. Le médecin a également fait un PV des causes de son décès, qui relève les blessures qu'il a subies ».

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Des éléments tenus secrets donc, ce qui alimente les interrogations d'une partie de la population, des acteurs politiques et de la société civile, qui continuent de demander « une enquête indépendante », et de nourrir les théories alternatives qui circulent, mais n'ont jamais été attestées.

Deux ans après, où en est le Fact? Le président du Fact, Mahamat Mahdi Ali, est catégorique, « ça fait plus d'une année que notre force de frappe a été totalement reconstituée ! », et « si la guerre nous est imposée, dit-il, nous sommes prêts à y faire face ».

Mais pour le chercheur indépendant Alexander Bish, on n'en est pas encore là. « Le Fact dispose aujourd'hui de quelque 900 combattants en armes ». Il peut compter également sur des centaines de combattants intermittents, occupés à l'orpaillage ou d'autres trafics, et qui sont mobilisables à tout moment, explique-t-il.

Une nouvelle collaboration avec les forces du général libyen Khalifa Haftar leur a permis de se rééquiper en véhicules 4x4 équipés de mitrailleuses lourdes et autres missiles anti-tanks Kornet. Mais « le Fact n'a pas encore retrouvé toute sa capacité de nuisance d'avant l'offensive d'avril 2021 », explique ce spécialiste du sud libyen.

En attendant, le principal groupe politico-militaire tchadien s'est engagé comme tous les autres dans les négociations de Doha, qui ont abouti en août 2022 à un accord de paix entre le gouvernement de transition et une partie de ces mouvements rebelles, sans les principaux, dont le Fact.

Il y a un peu plus d'un mois, les Fact et 17 autres groupes ont tendu la main au gouvernement de transition à travers la communauté catholique de San't Egidio. Le gouvernement s'est dit prêt à faire la paix, mais « si la junte en face refuse d'y souscrire, nous n'allons pas rester éternellement », a prévenu le leader du Fact.

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