340 cas d'hémophilie sont diagnostiqués au Sénégal, alors que les prévisions tournent autour de 1700 cas. Selon le professeur Saliou Diop, directeur du Centre national de transfusion sanguine (Cnts), «cela veut dire qu'il y a beaucoup de cas qui sont traités pour autres choses, qui ne sont pas diagnostiqués et qui décèdent avant d'être connus». Il s'exprimait lors de la journée de l'hémophilie célébrée hier, lundi 17 avril 2023, à Dakar. A cette occasion, l'association des malades a fait le plaidoyer pour l'accès aux médicaments qui sont très couteux.
Aujourd'hui, selon les estimations, au Sénégal, on devrait s'attendre à 1700 cas d'hémophilie, suivant les prévisions du ministère de la Santé et de l'Action sociale. Malheureusement, renseigne le professeur Saliou Diop, directeur du Centre national de transfusion sanguine (Cnts), «quand on regarde les registres, il n'y a que 340 cas qui sont diagnostiqués. Cela veut dire qu'il y a beaucoup de cas qui sont traités pour autres choses, qui ne sont pas diagnostiqués et qui décèdent avant d'être connus».
Dans le même registre, Abdoulaye Loum, président de l'Association Sénégalaise des hémophiles, a révélé que la maladie n'est pas trop connue et ceux qui en souffrent ne sont pas intégralement répertoriés. «Si l'on se réfère à la prévalence qui est de 1/10.000 par rapport à la population actuellement, le dernier recensement tourne autour de 340 cas», a-t-il fait comprendre.
Une situation qui a amené le professeur Saliou Diop du Cnts à dire : «il y a donc des efforts à faire pour que le corps médical soit mieux sensibilisé sur l'existence de cette maladie mais aussi pour les populations, pour que tout enfant qui saigne de façon anormale, qu'on pense rapidement à voir un médecin pour que les analyses de laboratoire qui permettent de confirmer la maladie se fassent».
LA DISPONIBILITE ET LE COUT ELEVE DES MEDICAMENTS, LE PRINCIPAL PROBLEME
Pour cette Journée de l'hémophilie, célébrée hier lundi, à Dakar, l'association des malades souffrant de cette pathologie a fait le plaidoyer pour l'accès et la disponibilité des médicaments. Selon son président, Abdoulaye Loum, la disponibilité est le principal problème.
«Ces médicaments sont pris pour arrêter le saignement et sont disponibles sous forme de don de la Fédération mondiale de l'hémophilie. Le souci est que, le jour où ces dons s'arrêteront, ce sera la catastrophe. Il faut que ces médicaments soient disponibles dans tout le pays», a-t-il avancé.
Et d'ajouter : «Le coût est très cher, les injections peuvent coûter jusqu'à 340.000 F CFA et on peut en prendre deux à trois fois par semaine. L'arrêt du saignement n'est pas garanti. Il y a aussi un problème de décentralisation des médicaments dans les régions, avec les Cellules régionales. Il faut que les médicaments qui sont reçus, sous forme de don et stockés, puissent être acheminés vers les régions, à travers un circuit».
LE MINISTERE DE LA SANTE SUR L'ACCES AU TRAITEMENT
Pour le Dr Malick Hann, chef de la Division des Maladies non transmissibles (Mnt), quand on parle des Mnt, il y a cinq sections majeures. Il s'agit des maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète, les maladies respiratoires chroniques. Mais, le ministère a décidé de rajouter à cette liste l'hémophilie, avec un bureau qui s'occupe de la maladie.
«Depuis deux ans, le ministère travaille à identifier un schéma de distribution pour les malades et le médicament est inscrit sur la liste des médicaments essentiels», a-t-il fait savoir.
Et de souligner : «ce qui reste c'est le schéma pour parler de subvention ou de gratuité. Sous peu le médicament sera disponible à tous les niveaux ».
Sur la couverture géographique, le Dr Hann a soutenu que des efforts sont consentis par le Centre national de transfusion sanguine et l'association des hémophiles. «Des formations ont été faites dans les régions et nous poursuivons le partenariat avec l'association pour que les médecins qui sont au niveau des districts sanitaires puissent recevoir ces médicaments et faciliter la prise en charge des malades qui sont dans les régions.
Le Cnts bénéficie de dotation pour la prise en charge. Et, pour le ministère, les médicaments sont disponibles à la Pharmacie nationale d'approvisionnement (Pna)», a-t-il évoqué.
Sur la prise en charge de cette maladie, professeur Saliou Diop a aussi fait comprendre que «nous avons une carte des lieux d'habitation de tous nos patients. C'est beaucoup plus facile pour ceux qui vivent dans nos grande ville et beaucoup plus difficile pour ceux qui vivent en zone rurale. Des efforts de décentralisation se font. Nous formons. Les médecins mettent à disposition le produit. Mais c'est difficile pour la zone rurale».
LES MANIFESTATIONS DE LA MALADIE
L'hémophilie est une maladie hémorragique. Pour le professeur Moussa Seck, médecin au niveau du Cnts, au Service Dermatologie clinique qui abrite le Centre national de traitement de l'hémophilie, la maladie est caractérisée par des saignements. «Quand on manque un des facteurs 8 ou 9 on peut saigner sans arrêt.
C'est une maladie héréditaire et le gène est porté par le chromosome X. Tout enfant de sexe masculin qui a le gène de la maladie va tomber malade. Chez les filles, il y a la présence de deux chromosomes X, si l'un est malade l'autre peut faire le travail de compensation», a-t-il renseigné.
Les signes de cette maladie sont des saignements. Et, chez les bébés, ils apparaissent pendant l'apprentissage de la marche et vont se former en taches bleu ou rouge, caractérisant un saignement sous-cutané, qui doivent alerter les parents. «Dès que le genou se gonfle, l'enfant pleure, ces signes sont alertes.
Dans sa forme sévère la maladie se manifeste par des saignements qui se localisent au niveau des muscles et articulations. Tout gonflement qui apparait au niveau d'un muscle ou d'une articulation doit alerter les parents. Il faut donc l'amener en consultation», a alerté le professeur Seck.
D'autres moments de vie peuvent aussi aider à la détection de la maladie. Ainsi dès la circoncision, qui est le premier acte chirurgical chez le jeune garçon, s'il y a des saignements sans arrêt, il faut se rendre à l'hôpital, pour les gens qui s'adonnent à ces pratiques dans les maisons et autres lieux en dehors des structures sanitaires.
A en croire le président de l'association des malades souffrant d'hémophilie, Abdoulaye Loum, «malheureusement, les premiers réflexes des parents, c'est des plantes, des guérisseurs traditionnels ; alors que c'est un saignement qu'il faut arrêter en injectant des protéines qui sont fabriquées et disponibles. C'est une maladie connue qui a frappé la famille de la reine d'Angleterre. Il faut simplement la diagnostiquer et la soigner».
TRAITEMENT DE LA MALADIE
De l'avis du professeur Seck, pour le traitement, il faut substituer le facteur qui manque. Il s'agit de donner des concentrés de facteur 8 et 9. «Le traitement existe sur deux volets, la prévention qui consiste à donner ces facteurs régulièrement deux fois par semaine. Ces doses injectées permettent d'augmenter le taux de facteurs pour empêcher les saignements.
Le deuxième volet est un traitement symptomatique. On attend les saignements pour injecter les concentrés de facteurs. Malheureusement la disponibilité fait défaut. Cela n'existe pas dans nos pharmacies. Ils sont reçus sous forme de dons» s'est-il désolé.