Ile Maurice: FMI «World Economic Outlook» - Des solutions face à la dette publique

Si l'inflation domine l'actualité mondiale, l'impact de divers indicateurs macroéconomiques sur le niveau de la dette publique des États à travers le monde est inquiétant. À Maurice, cette réflexion est tout aussi pertinente, surtout considérant nos efforts pour ralentir les pressions inflationnistes, impactant «de facto» la croissance.

Le rapport World Economic Outlook, April 2023 du Fonds monétaire international (FMI) prévient que la croissance de la région de l'Afrique subsaharienne devrait ralentir, passant de 3,9 % l'année dernière à 2,6 % cette année, surtout que la région, comme d'autres, subit les effets du resserrement de la politique monétaire, de l'augmentation du coût de la vie et du renforcement du dollar, qui s'est apprécié par rapport à de nombreuses autres monnaies.

Selon le FMI, l'assainissement des finances publiques, la gestion des risques fiscaux et une gestion proactive de la dette, entre autres, devraient être des priorités. En effet, Kristalina Georgieva, directrice du FMI, fait ressortir que les ratios élevés de la dette publique, ainsi que son coût, sont une préoccupation importante pour les décideurs politiques.

Venons-en au contexte local. Selon les chiffres de la Banque centrale, en décembre 2022, le niveau de la dette publique à Maurice était estimé à 84,4 % du Produit intérieur brut (PIB), incluant 19,9 % de dette extérieure. Lors de son discours à l'Assemblée générale annuelle du Groupe des superviseurs bancaires francophones, en mars, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a indiqué que le niveau de la dette publique devrait baisser à 76,3 % du PIB en juin 2023.

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Or, si nous devrions en savoir plus sur les causes et actions ayant mené à cette baisse de la dette publique lors du prochain discours budgétaire, nous pouvons d'ores et déjà tirer quelques conclusions.

«Renganaden Padayachy a indiqué que le niveau de la dette publique devrait baisser à 76,3 % du PIB en juin 2023.»

Pour commencer, le dernier rapport National Accounts de Statistics Mauritius indique que le PIB est de l'ordre de Rs 569,9 milliards en 2022 contre Rs 480,7 milliards en 2021, Rs 448,6 milliards en 2020 et Rs 512,1 milliards en 2019. Les prévisions pour 2023 montrent d'ailleurs que le PIB devrait atteindre Rs 616,4 milliards.

Or, en contraste, il est bon de noter que selon le rapport MCB Focus 89, le PIB par habitant est prévu d'atteindre USD 9 687 en 2022 et USD 10 303 en 2023, contre USD 11 361 en 2019. Il est donc bon de mettre en perspective l'impact de l'inflation sur le niveau en baisse de la dette. On vous explique !

En période inflationniste, les dépenses à la consommation sont plus élevées. À titre d'exemple, elles s'élevaient à 86,2 % du PIB en 2022, selon le rapport National Accounts. Des produits plus chers impliquent plus de revenus grâce à l'imposition des taxes, ce qui entraîne une valeur du PIB en roupies plus élevée.

On peut donc conclure que le PIB nominal pour 2022 inclut l'impact de cette inflation. Évidemment, une valeur nominale plus élevée du PIB conduit à une réduction du ratio de la dette.

«Selon le FMI, une consolidation fiscale bien planifiée a une forte probabilité de réduire durablement les ratios d'endettement.»

Il y a cependant un bémol sur le moyen terme : qui dit renforcement de la politique monétaire pour contrer l'inflation, dit aussi baisse de la croissance et donc de la valeur du PIB, ce qui pourrait ralentir cette baisse du ratio dette/PIB.

Un autre élément important est l'impact de l'augmentation des taux d'intérêt sur le servicing de la dette publique. La dette domestique est tout autant sujette au taux d'intérêt élevé à Maurice, de même que la dette extérieure est sujette à l'augmentation des taux d'intérêt à l'étranger.

Donc, plus de 40 % de la dette extérieure étant en dollars et la Fed Reserve continuant sa politique de l'augmentation des taux, nous devons rester prudents, sans oublier l'impact de la dépréciation de la roupie.

Face à ce défi mondial, c'est-à-dire le niveau de la dette, le FMI a, dans son dernier World Economic Outlook, passé en revue les solutions possibles. On y retrouve la consolidation fiscale, une idée émise aussi par de nombreux économistes et analystes financiers à Maurice. Selon le FMI, une consolidation fiscale bien planifiée a une forte probabilité de réduire durablement les ratios d'endettement.

Sauf que le type de stratégie est tout aussi important, et qu'il faut aussi les bonnes conditions et d'autres mesures qui vont de pair. La reprise économique est justement le bon moment d'entreprendre ce type de réforme.

D'un autre côté, le FMI prévient que, parmi les conditions pouvant affecter ce désendettement en termes réels, on retrouve les fluctuations du taux de change, un ralentissement de la croissance du PIB et les transferts de l'État à des entreprises publiques qui peuvent neutraliser les efforts déployés pour réduire l'endettement.

Comment assurer la bonne marche d'une telle action ? L'exemple pourrait venir de la Jamaïque où le Sénat a approuvé, en 2021, la mise sur pied d'une commission fiscale indépendante. Le mandat de cette commission est de fournir au public une opinion informée et indépendante sur le bien-fondé et la viabilité des politiques fiscales de la Jamaïque.

Admettons que nous ayons ici aussi une telle commission avec des financiers de calibre et la participation de la société civile, en fonctionnant de pair avec une politique monétaire renforcée, elle pourrait venir à bout de l'inflation en gardant la dette sous contrôle. En tout cas, cela pourrait renforcer la crédibilité des autorités dans leurs actions contre l'inflation et encourager des dépenses responsables. Verrons-nous une telle mesure dans le prochain Budget ? Attendons voir !

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