Afrique: Exposition «Pens'art» de Nadia Maya Mandine - Á l'examen des comportements durant la Covid-19

18 Avril 2023

Du 12 au 30 avril, l'Hôtel de Ville de de Dakar reçoit l'exposition « Pens'Art » signée l'artiste-plasticienne Nadia Maya Mandine. C'est une série de plusieurs séries d'oeuvres avec différentes techniques, qui expose la problématique de l'interaction entre le corps humain et son environnement durant la pandémie de Covid-19. Le vernissage a eu lieu vendredi dernier avec un colloque sur lequel nous reviendrons.

Pendant que le commun des citoyens s'angoissait comme dans un couloir bouché durant la pandémie, les artistes scrutaient les comportements dans cette obscurité et envisageaient les lumières au-delà du tunnel. Nadia Maya Mandine a été une de ces artistes.

À travers son exposition « Pens'Art » dont le vernissage s'est tenu vendredi dernier à l'Hôtel de Ville de Dakar, la jeune plasticienne contribue à la guérison de l'homme et de son humanité face à cette pandémie récente et celles des décennies et siècles passés.

Nadia s'y emploie en présentant des séries d'oeuvres. Une sélection de créations qui invitent, comme le soutient son commissaire d'exposition, Pr Maguèye Kassé, à « des réflexions articulées à l'art pour proposer des perspectives de gestion » et le rétablissement de l'humanisme.

L'exposition, logée au dernier étage de l'Hôtel de Ville jusqu'au 30 avril, est une somme d'expériences que Nadia M. Mandine a essayé de représenter par des images qui, selon elles, « conservent surtout la mémoire ».

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Par-là, elle souhaite inciter à anticiper sur les questions de gestion de quelques sortes de pandémies « qui entraînent toujours de grandes crises, des bouleversements conséquents dans le quotidien et l'attitude de l'homme ». Elle cite la distanciation sociale qui a dérangé des communautés, et le confinement qui a été une réclusion et aussi un fort moment de réflexion et de production.

Les oeuvres s'articulent en séries, d'A à G. La Série A, « Central », expose le corps dans sa matière interne, et son environnement qui est la matière externe. Ici, l'homme est présenté comme la malheureuse vedette qui se trouve au centre d'un monde happé par une globalisation débridée qui ébranle autant son être que son identité.

Un être et une identité, d'après Pr Kassé, en proie « à des interactions non productives de sens nouveau, entraînant la perte de repère et qui mettent en évidence la fragilité du corps ». La Série B est titrée « Action/Réaction ». La fragilité de l'homme est ici plus évidente, avec sa vulnérabilité quand il réagit aux effets de la nature. Mais son action débilitante est aussi évoquée quant au rapport de destruction à son environnement. Il s'autodétruit, en réalité.

On trouve dans l'oeuvre « Foetus », qui traduit l'homme en tant qu'être en devenir, vulnérable et perfectible, qui ne finit pas de se développer et de se découvrir. « Source » permet à côté d'interroger la main de l'homme dans l'origine de ses malheurs qui lui viennent des corps végétal et animal.

Dans la Série C, le déluge caresse le sacré et la spiritualité, en confrontation avec nos raisons scientifiques. Nadia Mandine soutient que les pandémies pourraient être quelquefois considérées comme une sorte de punition divine afin d'expier nos fautes. La jeune plasticienne qui insiste sur le sens de la croyance dans ces périodes troubles évoque une humanité à sauver pour perpétuer l'espèce.

Ainsi voit-on dans l'oeuvre « Noyade » un vieil homme perdu dans les flots et qui espère une bouée de sauvetage. Nadia sert l'image d'une sagesse qui se perd, une génération en détresse mentale, une autorité qui flanche et, partant, une mémoire et une paix menacées. Par ailleurs, Pr Maguèye Kassé y lit un « appel implicite pour arrêter les facteurs de désordre et de peur ».

Hymne à la fraternité

Le commissaire d'exposition observe que la Série D « Inside You » décrit la relation émotionnelle, l'homicide, la peur, partage un hymne à la fraternité, des voeux et marque l'optimisme. « Cri » renvoie une expulsion d'émotions pour expurger tout le mal et le désarroi contenus en nous. Avec « Demain », Nadia dessine un bébé pour dire que les enfants doivent être mieux préparés et outillés pour l'anticipation que leurs parents ont loupée.

« On ne s'en rend pas bien compte, mais de 1981 à maintenant, nous avons connu trois épidémies à grande échelle. Or, auparavant, on connaissait des décalages d'un à trois siècles. Rien qu'entre l'épidémie du virus Ebola et la pandémie du coronavirus, il n'y a eu que cinq ans. Allons-nous encore connaître une autre calamité sous peu ? », s'interroge Nadia Mandine.

La Série E, intitulée « Cicatrices invisibles à l'humanité », formule les conséquences de la distanciation, dit la peur et l'agressivité de l'homme face à cette obscure oppression, et paradoxalement sa capacité à résister aux furies de la nature et du temps. « La Mémoire d'un condamné » (Série F) est symbolique en soi. L'artiste utilise comme toile des « aaluwa » (tablettes des élèves de l'école coranique), ces ardoises en bois typiques qu'on utilise pour acquérir des connaissances sensées acquises pour l'éternité.

Nadia cherche ainsi à graver dans les mémoires des différentes pandémies qui ont traversé l'histoire en les expliquant, afin que nul n'ignore la menace et le danger, et que tous s'approprient la culture et la prévention. Enfin, avec la Série G, une statue promet l'espoir après toutes ces agitations. Cependant, pas un espoir inouï, mais fondé sur une politique d'anticipation et de gestion intelligente et pertinente qui puisse sauver la noblesse et la sacralité de l'humanité.

Nadia Maya Mandine est une juriste de formation qui a été très tôt curieuse, au collège déjà, sur les questions de santé. De 2014 à 2022, elle a été assistante de direction à la Clinique Croix Bleue ; milieu médical d'où elle tire la thématique de son exposition après s'y être baignée durant la période pandémique. Depuis 2020, Nadia suit des cours en Arts visuels à l'École nationale des Arts et des Métiers de la culture de Dakar.

Elle émarge au Collectif des artistes plasticiennes du Sénégal (Cps) et a déjà signé dans des expos collectives. Jeune femme dégourdie, Nadia Maya Mandine a débuté ses véritables amours artistiques par le cinéma. C'est au travers de la formation en écriture et pratique audiovisuelle à Ciné-Ucad, pilotée par le défunt Abdel Aziz Boye. Nadia fait partie de la 4ème promotion qui a réalisé le court-métrage « En attendant la dernière liste ».

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