Historiquement, les deux pays ont entretenu des relations délicates, armant à tour de rôle des rébellions l'un chez l'autre. À la fin des années 2000 néanmoins, Idriss Déby et Omar el-Béchir étaient parvenus à aplanir leurs différends, et les dirigeants tchadiens ont gardé contact à la fois avec les militaires et avec les forces de soutien rapides RSF.
Depuis le déclenchement de la crise au Soudan, Mahamat Idriss Déby a appelé à deux reprises les deux acteurs de la crise soudanaise. Selon le communiqué de la présidence, le chef de la transition tchadienne leur a demandé un « cessez-le-feu », et de « privilégier la voie du dialogue ».
Une solution politique est privilégiée par Ndjamena, où l'on sait qu'un conflit au Soudan peut déborder sur le Tchad, tant les communautés sont imbriquées entre les deux pays. Le risque serait d'autant plus fort en cas de défaite militaire d'Hemedti. La débandade de ses hommes en ferait des mercenaires difficilement contrôlables dans le Darfour, estime un spécialiste de la région.
Si fin janvier, Mahamat Idriss Déby avait reçu les deux hommes à tour de rôle, il pencherait plutôt en faveur du général al-Burhan selon plusieurs sources. En premier lieu, parce qu'il représente l'armée institutionnelle, mais aussi parce que selon le chercheur Roland Marchal, le pouvoir tchadien a conservé de bonnes relations avec plusieurs chefs communautaires ayant pris le parti du chef de l'armée.
Il estime également que la présence de Bichara Issa Djadallah, cousin de Hemedti, au poste de chef d'état-major particulier de Mahamat Idriss Déby, n'a pas le même poids et qu'il s'agit davantage d'une reconnaissance de sa loyauté plutôt que d'un rôle de premier plan, bien qu'il demeure une courroie de transmission avec le chef des RSF.
Ndjamena craint des risques de débordement sur son territoire
Le Soudan a toujours été surveillé comme lait sur le feu par les autorités en place à Ndjamena, rapporte notre correspondant sur place, Olivier Monodji. Dès les premières heures du conflit, les autorités tchadiennes ont appelé au dialogue tout en indiquant que beaucoup des dispositions sont prises pour empêcher tout débordement sur son territoire.
« Nous avons constitué un comité de crise pour les dispositions par rapport à cette situation et il est déplorable qu'une transition aboutisse à une guerre comme celle-ci dans la ville de Khartoum. Nous avons pris des dispositions de fermer nos frontières. Le dimanche, la force de sécurité intérieure soudanaise a pénétré chez nous et nous avons pris toutes les dispositions pour les désarmer et les cantonner, a déclaré Daoud Yaya Brahim, le ministre des Armées, des anciens combattants et des victimes de guerres. Nous avons plus de 400 000 réfugiés soudanais qui sont chez nous depuis 2003, si demain, nous devions en accueillir d'autres, nous devrions en subir les conséquences », a-t-il prévenu.
Pour Aziz Mahamat Saleh, ministre de la communication et porte du gouvernement, rien ne peut empêcher le Tchad à contribuer à la stabilité du Soudan. « La paix du Tchad dépend de la paix au Soudan et donc nous sommes intimement liés. C'est dans notre rôle de tout faire pour essayer de mettre les gens à la table des négociations », a-t-il insisté.