Le président rwandais Paul Kagame a achevé une tournée en Afrique de l'Ouest durant laquelle il a notamment annoncé, avec son homologue béninois Patrice Talon, un renforcement de la coopération militaire entre les deux pays. L'armée rwandaise est déjà présente sur plusieurs théâtres extérieurs d'opérations. Quel bénéfice le Rwanda en tire-t-il ? Éléments de réponse avec Paul-Simon Handy, directeur Afrique de l'Est de l'Institut d'études de sécurité à Addis-Abeba.
RFI : Dans quels cadres ces accords bilatéraux de coopération militaire ont-ils été signés par le Rwanda avec d'autres pays ?
Paul-Simon Handy : Il faut dire qu'ils sont souvent nés d'une crise. La République centrafricaine est particulièrement intéressante parce que le Rwanda y est présent autant dans le cadre de la mission de maintien de la paix de l'ONU qu'en bilatéral, sur la base d'une demande faite par le gouvernement centrafricain qui faisait face à une rébellion armée.
La République centrafricaine, le gouvernement du président Faustin-Archange Touadéra, avait besoin d'une aide que lui ont apportée les Russes d'un côté et l'armée rwandaise. Et, maintenant, le gouvernement du Bénin fait face à une montée inexorable de mouvements extrémistes violents et a visiblement quelques soucis à faire face à cette montée de l'insécurité.
Qu'est-ce que le Rwanda tire, lui, de ses déploiements militaires ? Est-ce uniquement financier ?
Déjà, c'est financier ou alors un retour sur investissement de quelque nature que ce soit. Mais je ne pense pas que ce soit juste ça. Je pense que le Rwanda en tire aussi un gain diplomatique en termes de reconnaissance. Le Rwanda, c'est quand même un petit pays qui a su développer une vraie réputation d'efficacité et de professionnalisme.
Il faut dire que les déploiements bilatéraux du Rwanda sont souvent couronnés de succès. Ça a été le cas en Centrafrique. Ça a été le cas au Mozambique. On verra bien ce que l'expérience béninoise donnera. Il y a donc certes un gain financier. Mais il y a un gain dans ce qu'on peut considérer comme le « soft power », le prestige, qui, lui, prépare peut-être les accords bilatéraux de demain.
Avec cette diplomatie militaire, ce que vous appelez « soft power », quel est l'objectif du Rwanda ? De s'être rendu tellement indispensable que le pays a une image qu'on ne peut pas attaquer ou qui est plus compliquée à bousculer sur la scène diplomatique ?
Très probablement, parce que Rwanda, c'est aussi ce pays dont la conduite de la diplomatie est contestée dans son entourage immédiat, dans les Grands Lacs, notamment au Congo. Et, apporter cette diplomatie militaire, rapporte des points. Mais les relations se sont tendues avec des alliés comme les États-Unis. Donc, il y a certainement le mode de financement du modèle rwandais à changer. Et je pense que cette diplomatie militaire est aussi pour le Rwanda un moyen de diversifier ses sources de revenus, qui permet d'explorer de nouvelles avenues, diplomatiques et militaires.
Une armée rwandaise déployée dans plusieurs pays étrangers malgré des effectifs estimés à 35 000 militaires Le Rwanda n'a pas une armée pléthorique. Selon les chercheurs, son effectif tourne autour de 35 000 militaires. Elle est l'héritière de la rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame qui, par étape, a intégré des éléments de l'ancienne armée nationale.
Elle a ensuite connu une réforme efficace, selon un spécialiste de la région, financée en partie par les États-Unis et la Grande-Bretagne. Ce qui lui a permis de s'ouvrir et de se « spécialiser » dans les missions de maintien de la paix. « L'armée rwandaise a exporté son expertise dans les missions de l'ONU, mais aussi de l'Union africaine. Et elle a acquis une solide réputation », pour le chercheur Paul-Simon Handy.
On estime actuellement à plus de 5 000 hommes, le nombre de soldats rwandais déployés dans ce type de missions. Actuellement ou par le passé, des contingents rwandais ont été déployés en Centrafrique, au Mali, au Darfour, mais aussi en Somalie.
Dernièrement, c'est un nouveau champ que le Rwanda a investi militairement ; celui des déploiements dans le cadre d'accords bilatéraux : en Centrafrique, au Mozambique et donc bientôt au Bénin, où la coopération serait, dans un premier temps, plutôt axée sur la formation et l'encadrement.