Soudan: Affrontements au Soudan - «Il y a beaucoup de colère de devoir quitter sa maison et planifier sa fuite»

De violents combats opposent depuis la mi-avril les forces armées soudanaises du général al-Burhan à celles paramilitaires du général Hemedti. À Khartoum, des civils tentent désespérément de fuir ces affrontements qui ont déjà fait plus de 400 morts. Une habitante raconte son départ de la capitale et ces derniers jours.

Depuis le 19 avril, des milliers de civils tentent de quitter le centre de Khartoum à pied ou en voiture pour se mettre à l'abri des combats dans des quartiers plus calme ou en dehors de la capitale. Pour y parvenir, ils ont dû subir les questions ou les fouilles des hommes postés aux check-points des Forces de soutien rapide (FSR), les paramilitaires du général Hemedti, et de l'armée du général Abdel Fattah al-Burhan. Et, dans certains cas, ils ont dû progresser au milieu de blindés et de pick-up calcinés et parfois même des cadavres qui jonchent les bords de route. Voici le témoignage de Dallia Abdelmoniem, qui habite un quartier jouxtant l'aéroport de Khartoum, et qui est parti ce 20 avril.

Pouvez-vous nous raconter votre départ de Khartoum ?

On avait prévu de quitter la maison la veille, mais les combats étaient tellement intenses que c'était impossible. Quand finalement on a pu sortir, on a retrouvé notre voiture complétement détruite. Heureusement, ma famille a pu payer quelqu'un qui est venu nous chercher. Nous avons pris des petites rues, discrètes. On conduisait très lentement, sans bruit. Nos téléphones étaient éteints, pour qu'ils ne sonnent pas. Nous avons fait très attention. Nous avons eu beaucoup de chance, nous n'avons pas rencontré de barrages ou des militaires qui nous auraient arrêtés, demandés nos papiers, et nous auraient demandés où on allait. Je connais des gens qui sont partis la veille, et ils ont été arrêtés six fois.

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Comment était la ville ?

Vide ! Il n'y avait rien. C'était comme une ville fantôme. Pas de chien, pas d'animaux, pas d'humains... Rien ! C'était vraiment effrayant de voir la ville complètement vide, c'était surréaliste. Habituellement notre quartier est très animé, il y a des bars, des restaurants. Et là, tout était fermé. Nous n'avons pas vu une seule personne ! Pas une seule.

Avez-vu des signes de combats ?

Honnêtement, je ne regardais pas. J'avais deux enfants dans la voiture, ainsi que ma mère qui est un peu âgée. Et donc, je ne faisais que penser au chemin et à la prochaine étape. Mais ceux qui sont venus nous chercher, nous ont dit qu'ils avaient vu des corps dans la rue. Un ami qui est également parti, m'a dit qu'il avait vu beaucoup de corps, partout. Il m'a dit de faire attention, que les enfants ne regardent pas par la fenêtre. Il ne s'avait pas s'il s'agissait de soldats ou de civils. Mais on s'en est sorti !

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Comment avez-vous vécu ces derniers jours ?

Nous avons pleuré... J'ai beaucoup pleuré, parce que ç'a été très dur ces derniers jours. Et, en même temps, je devais rester forte, rester calme et logique pour les enfants. Donc, oui, je suis soulagée que nous ayons pu partir et que nous soyons dans un lieu sûr, en tout cas pour l'instant. Mais il faut aussi que je pense à la suite. Que va-t-il se passer ? Allons-nous pouvoir rentrer à la maison ? Aurons-nous encore une maison ? Je ne sais pas ! C'est ce qui m'inquiète le plus : je ne sais pas ce qui va arriver !

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J'ai discuté avec des amis, tout le monde est en train de quitter la ville, de partir pour se mettre en sécurité. Pour certains, c'est dur, c'est leur vie ici, surtout les vieilles personnes ou les jeunes... Comment expliquez-vous à un enfant de cinq ans, qu'il faut partir parce que des gens essayent de vous tuer. Ou plutôt que cela leur est égal si vous mourrez. Parce que les bombes, les rockets, qui tombent sur les maisons, ces maisons ne sont pas des cibles. C'est juste que ces militaires tirent n'importent où et ça leur est égal où ça tombe.

Donc, il y a beaucoup de colère d'avoir à quitter sa maison, d'avoir à planifier sa fuite, à faire sa valise. Quand j'ai fait ma valise, je ne savais pas quoi mettre dedans. Je n'ai jamais fait ça ! Qu'est-ce qu'on emporte et qu'est-ce qu'on laisse derrière ! C'est ma maison, j'ai grandi ici. Donc, oui je suis en colère, je suis vraiment en colère.

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