Secoué par différents chocs (Covid-19, inflation mondiale, changement climatique...), le secteur agricole malgache veut remonter la pente. Il s'agit, selon les responsables, de renforcer les initiatives visant à redynamiser le secteur et à soutenir les producteurs.
Accélération du programme de distribution de titres verts, d'engrais et de semences agricoles, appui aux jeunes agri-preneurs ou encore renforcement de la lutte antiacridienne. Plusieurs projets sont en cours pour booster l'écosystème agricole du pays. Selon le ministère de l'Agriculture et de l'élevage (Minae), il s'agit de promouvoir un secteur économique qui pèse plus de 29% du Produit intérieur brut du pays, mais aussi pour atteindre l'objectif d'autosuffisance alimentaire.
Il y a quelques semaines, le Minae a réuni son staff afin, justement, de se mettre au diapason des instructions du président de la République, Andry Rajoelina, sur les priorités à respecter dans le domaine agricole. Plusieurs partenaires ont aussi assisté à la rencontre à l'instar de la Banque africaine de développement (BAD), l'Union Européenne, la KFW allemande, l'Agence japonaise de coopération internationale (JICA) et la Banque Mondiale (BM). La réunion a permis de savoir que quatre grands programmes sont actuellement mis en oeuvre en matière de redynamisation agricole. Le premier consiste à développer les périmètres irrigués, le second vise à atteindre les vingt-trois régions pour la distribution des titres verts, le troisième concerne la distribution d'intrants agricoles et, enfin, le quatrième programme promeut la production des denrées autres que le riz, comme le manioc, le maïs, le sorgho ou encore le mil à barbe ou bajiry.
Rappelons qu'en février 2021, lors de la 45e session de l'Assemblée du Fonds international pour le développement agricole (Fida), le président Andry Rajoelina a appelé ses pairs africains et les partenaires du développement à se mobiliser pour élaborer ensemble un plan continental d'émergence agricole. Un plan applicable et adaptable pour chaque pays, déclinable dans chaque région. Pour le chef de l'État, la redynamisation du secteur agricole et la résilience climatique constituent des conditions incontournables pour gagner le pari de l'autosuffisance alimentaire.
Du côté du Minae, on souligne que les initiatives menées pour dynamiser et sécuriser le secteur agricole sont conformes aux aspirations présidentielles qui sont aussi partagées par les partenaires techniques et financiers. Ces derniers sont, d'ailleurs, très actifs en matière de financement et d'accompagnement technique au profit du monde rural. De l'appui aux chaînes de valeur de l'agriculture à la distribution de semences en passant par la promotion de l'entrepreneuriat rural et l'amélioration des infrastructures agricoles, les projets sont nombreux.
Dans la région Vakinankaratra, par exemple, plusieurs agriculteurs bénéficient de l'initiative du Plan multisectoriel d'urgence (PMDU) du Projet des jeunes entreprises rurales du Moyen- Ouest (Projermo), menée dans le cadre de la relance agricole post-Covid. Le programme appuyé par la BAD a permis notamment l'entretien de plusieurs réseaux hydroagricoles à travers un système Haute intensité de main-d'oeuvre (HIMO). Dans les régions du Sud, pour soutenir la relance agricole et renforcer la résilience de plusieurs dizaines de milliers de ménages, le gouvernement et la FAO ont lancé les distributions de semences. L'initiative bénéficie de l'appui du projet « Mionjo », soutien aux moyens de subsistance résilients dans le Sud du pays, financé par la BM.
Booster l'agro-industrie
La partie australe de la Grande ile a été touchée pendant deux années consécutives par des périodes de sécheresse. Toutefois, depuis l'année 2022, les perspectives se sont améliorées. Ainsi, la FAO et ses partenaires ont prépositionné des semences plus de 300 tonnes de semences de qualité de sorgho, de niébé et d'arachide, 250 000 mètres de bouture de manioc et 160 000 kits de semences maraîchères. Quarante tonnes supplémentaires de semences de sorgho ont été aussi distribuées suivant l'échelonnement des mises en terre et des récoltes. D'autres intrants et matériels agricoles ont été également remis aux ménages ruraux afin de renforcer leurs capacités productives et faciliter la préparation des sols, l'irrigation, l'entretien et la récolte.
Au plan national, le projet Casef (Croissance agricole et sécurisation foncière), financé par la Banque Mondiale, multiplie les programmes visant à renforcer la productivité des agriculteurs par l'amélioration de l'accès aux marchés des ménages agricoles ruraux, le transfert de connaissances et de technologies, ou la maintenance des infrastructures de stockage et de commercialisation des produits agricoles. La BAD, dont la représentation à Madagascar est actuellement dirigée par Adam Amoumoun, souligne, pour sa part, que la Grande île dispose de réels atouts pour impulser la transformation des chaînes de valeurs agricoles. Mais le potentiel considérable du secteur agricole doit aussi désormais contribuer davantage à l'industrialisation du pays.
En effet, la part de l'agro-industrie ne représente jusqu' ici que 0,7% du PIB, en raison notamment de la faiblesse des investissements. C'est sur ce constat que le ministère en charge de l'Industrialisation s'attèle à implanter des zones pépinières industrielles au niveau des districts. L'objectif est de booster la production agricole et d'assurer sa transformation sur place. Plusieurs partenaires, à l'instar du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), soutiennent le programme.
Du côté de la BM, on rappelle souvent que le secteur agricole reste « l'épine dorsale » de l'économie malgache. Cette institution vient d'annoncer une nouvelle enveloppe pour financer l'amélioration de la productivité et renforcer la résilience du secteur. Ce financement se compose d'un crédit de 200 millions USD de la BM et d'un prêt de 25 millions d'euros (27 millions USD) de l'Agence française de développement (AFD) qui sera approuvé par son conseil d'administration en juillet 2023. « Représentant 70 % de l'emploi total avec une part de 29 % du PIB, le secteur agricole demeure le socle de l'économie du pays. Raison pour laquelle les partenaires ont décidé d'accorder à la Grande Ile un financement pour renforcer la production et la résilience agricoles en zone rurale », indique l'AFD dans un communiqué.
Nouveaux équipements japonais
Il a aussi été expliqué que l'appui devrait contribuer significativement à atteindre l'objectif d'autosuffisance alimentaire. Ce projet concerne notamment les régions Alaotra-Mangoro et Sofia, deux zones essentielles à la production alimentaire nationale. En restaurant les bassins versants ainsi qu'en réhabilitant et améliorant la gestion des infrastructures et des services d'irrigation, le financement vise également à intensifier durablement la production agricole et à renforcer les chaines de valeur agroalimentaires prioritaires. « Ce projet arrive à point nommé, car il améliorera considérablement la production alimentaire, l'accès aux intrants productifs et la gestion durable des ressources naturelles dont dépendent les agriculteurs et les moyens de subsistance ruraux », déclare Harifidy Ramilison, ministre de l'Agriculture et de l'élevage.En somme, 165 000 agriculteurs bénéficieront du déploiement de bons d'achat pour des semences améliorées et de formations sur l'agriculture intelligente face au climat et les pratiques agroécologiques. Soixante mille hectares de périmètres irrigués et de bassins versants ainsi que 150 kilomètres de routes rurales seront réhabilités pour améliorer l'accès aux marchés. « Le secteur agricole reste la plus grande source d'emplois pour la majorité des Malgaches. Pour augmenter les revenus ruraux, il est impératif non seulement d'améliorer la productivité, mais aussi l'accès aux marchés essentiels des intrants et des produits », indique pour sa part Marie-Chantal Uwanyiligira, responsable pays de la BM.De son côté, le Japon est très actif dans le domaine de la coopération agricole. Dernièrement, a eu lieu la signature d'échange de notes portant sur l'acquisition d'engins et de matériels agricoles entre l'ambassadeur du Japon à Madagascar, Abe Koji, et Yvette Sylla, ministre des Affaires étrangères, en présence du ministre de l'Agriculture et de l'élevage. « Tout au long des soixante années de coopération, les deux pays ont échangé des expériences et du savoir-faire, et collaboré dans le partage et l'entraide, notamment sur le plan agricole à travers les différents projets tels Papriz, Fy Vary et PC 23 », rappelle-t-on à l'occasion de la cérémonie de signature de ce projet de don d'une valeur de 7,5 millions USD et composé de sulfate d'ammonium, de neuf tracteurs de 100CV, deux tracteurs de 30CV, quatre semoirs de 10 lignes, onze charrues réversibles, onze remorques, quarante-quatre repiqueuses, huit moissonneuses, huit riz destoner, six Grind Mill pour le charbon balle du riz, quarante-trois motopompes, dix mille boites de pépinières, un camion type cargo 4T tonnes et huit camions type cargo de 2 tonnes. Le centre de recherche agricole Fofifa et les pôles de productions rizicoles sont les premiers bénéficiaires de cet appui.
« Ce projet de don est en parfait alignement avec notre Stratégie nationale de développement rizicole (SNDR). L'acquisition de ces matériels va permettre une riziculture moderne à travers la mécanisation. Une mécanisation combinée avec la vulgarisation à grande échelle des nouvelles techniques agricoles dans les régions permettront d'augmenter substantiellement et durablement la productivité afin de satisfaire la demande locale et de dégager un surplus pour l'exportation et refaire de Madagascar le grenier à riz de l'océan Indien », indique le Minae.
Agro-écologie
Une filière qui monte
La redynamisation du secteur agricole passe aussi par la promotion d'innovations agroécologiques. Aussi, depuis quelques années, les communautés et organisations paysannes, dans les régions de l'ile, bénéficient-elles d'accompagnement pour se familiariser aux différentes techniques comme l'agroforesterie et les bandes enherbées, l'intégration agriculture-élevage et le système de riziculture intensive ou améliorée.
Les accompagnateurs se basent sur des recommandations méthodologiques élaborées avec le Minae quant aux modalités d'appui aux familles paysannes et de leurs organisations. À savoir également que les 11 et 12 avril, un atelier sur le thème de l'agroécologie s'est tenu à Antananarivo, à l'initiative du Programme régional d'appui à la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour les pays de la Commission de l'océan Indien (Sanoi). L'atelier a réuni une quarantaine de participants impliqués dans l'agriculture durable. Deux thématiques ont été retenues à cette occasion.
La première concerne les facteurs favorables et limitants au développement de l'agroécologie dans les exploitations agricoles familiales des Hautes-Terres à Madagascar. Les participants se sont penchés notamment sur la diffusion et l'absorption de technologies innovantes, les facteurs de blocage ou d'acceptation, les échanges d'informations et retours d'expériences sur les solutions techniques et les approches mises en oeuvre pour leur promotion et adoption paysanne.
La deuxième thématique a tourné autour des pratiques agroécologiques en faveur de l'amélioration et de la restauration de la fertilité des sols. Ainsi, les participants ont effectué des échanges d'expériences sur les pratiques agroécologiques économes en intrants chimiques pour gérer la fertilité des sols (produits résiduaires organiques, composts, déchets verts, plantes de services...) en cultures vivrières à Madagascar. Selon les organisateurs, l'atelier a permis de partager les connaissances et bonnes pratiques sur les concepts agroécologiques afin de contribuer au développement d'une vision commune et d'outils concertés pour guider les actions de promotion de l'agroécologie. « Il est important de créer un espace d'échange d'expériences entre les acteurs et promouvoir le partage des différentes approches agroécologiques et de ses défis dans la région océan Indien », souligne-t-on.
Précisons que le Programme régional d'appui à la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans l'océan Indien (Sanoi) est géré par la Délégation de l'Union Européenne à l'île Maurice et aux Seychelles. Il est mis en oeuvre aux Comores, à l'île Maurice, aux Seychelles et à Madagascar et a pour objectif de réduire la malnutrition et l'insécurité alimentaire. À Madagascar, le programme intervient dans quatre régions des Hauts-Plateaux, Analamanga, Vakinankaratra, Itasy et Bongolava.
Adam Amoumoun, Représentant pays de la Banque africaine de développement à Madagascar
« La Banque africaine de développement, à travers les programmes qu'elle appuie, consolide sa position d'acteur important dans le développement du secteur agricole à Madagascar. Nos interventions visent non seulement à créer les conditions d'un relèvement de la population et d'un renforcement de la résilience, mais également à attirer les investissements publics et privés dans les filières porteuses agricoles à valeur ajoutée ».
Fanja Raharinomena, secrétaire générale du ministère en charge de l'Agriculture
« L'atteinte des objectifs en matière de développement agricole dépend fortement de la réussite des campagnes d'information, d'éducation, de mobilisation et d'accompagnement pour le changement de comportement des producteurs malagasy. Le Minae investit aussi dans la formation professionnelle du personnel. Nous estimons que la formation des cadres dirigeants est indispensable pour booster la productivité et la performance du ministère face aux grands défis de développement du secteur d'agriculture et d'élevage, conformément à la vision de l'autosuffisance alimentaire et de la modernisation du secteur agricole à Madagascar ».
L'agriculture en chiffres