Au lieu de renforcer la répression, les critères et la procédure de mise en accusation devant la HCJ deviennent un bouclier de protection pour les hautes personnalités politiques. Pour y remédier, le CSI recommande une révision constitutionnelle.
Zéro mise en accusation. Voilà le bilan de la Haute cour de justice (HCJ), depuis sa mise en place en juin 2018. Une situation déplorable pour le Comité pour la sauvegarde de l'intégrité (CSI), puisqu'elle plombe la répression de la corruption et des délits connexes. Pour lever l'obstacle que pose le privilège de juridiction qu'est la HCJ, le CSI recommande une révision de la Constitution. À Antaninarenina, jeudi, durant la présentation du rapport annuel du CSI, Sahondra Rabenarivo, sa présidente, a soutenu que la Loi fondamentale doit prévoir des exceptions aux crimes et délits passibles de poursuite devant la HCJ pour les hauts responsables étatiques, au moins en ce qui concerne la corruption et des délits financiers.
En l'état actuel des choses, la Loi fondamentale prévoit que "les présidentes des Assemblées parlementaires, le Premier ministre, les autres membres du gouvernement et le président de la Haute cour constitutionnelle (HCC), sont responsables devant la Haute cour de justice, des actes accomplis liés à l'exercice de leurs fonctions des actes qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis". Dans les faits, ces hautes personnalités n'encourent aucune poursuite judiciaire des méfaits commis dans l'exercice de leur fonction étatique.
Aussi, le CSI recommande que la révision de la Constitution ait pour effet que les hauts responsables étatiques soient justiciables devant une juridiction de droit commun pour des faits de corruption ou délits financiers perpétrés dans l'exercice de leur fonction. Lucide, Sahondra Rabenarivo reconnaît qu'une révision de la Constitution est une décision politique majeure qui ne sera pas une priorité en cette année électorale.
D'autant plus si l'objet de la retouche porte sur les dispositions relatives à HCJ et aura pour effet de limiter le privilège de juridiction dont jouissent les hautes personnalités politiques. "Nous espérons que cela puisse se faire lors du prochain quinquennat", ajoute-t-elle toutefois. Au-delà du prescrit constitutionnel, c'est la procédure de mise en accusation devant la HCJ qui favorise ceux qui y sont justiciables. Pour le président de la République, la résolution de mise en accusation doit obtenir un feu vert, en deux étapes, de la Chambre basse. Pour les autres personnalités citées par la Constitution, "la résolution de mise en accusation est adoptée au scrutin public et à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale".
Facteur de blocage
Comme se désole Sahondra Rabenarivo, pourtant, "nous approchons de la fin d'un quinquennat et il est regrettable qu'il n'y ait eu aucune mise en accusation devant la Haute cour de justice jusqu'ici". Les tentatives d'inscription d'une résolution de mise en accusation de personnalités politiques à la Chambre basse se sont systématiquement heurtées à la réticence des députés. Ils ont déserté la salle des séances. En conséquence, le quorum requis n'a jamais pu être respecté. En coulisse, les motifs politiques, ethniques ou la crainte d'ouvrir la boîte de pandore en créant un précédent, et dans le futur se retrouver sur le banc des accusés, amènent les élus à refuser d'adopter une résolution de mise en accusation devant la HCJ.
La présidente du CSI déplore que ce blocage parlementaire cause "des dommages collatéraux", chez ceux qui ne bénéficient pas de privilèges de juridiction. Sahondra Rabenarivo explique que dans les affaires de corruption et de délits financiers impliquant de hautes personnalités justiciables devant la HCJ, il y a des personnes qui sont des co-accusés, placées en détention préventive, ou même déjà condamnées. "Pourtant l'affaire judiciaire ne peut pas avancer puisqu'il n'y a pas de mise en accusation devant la HCJ", regrette-t-elle. Outre lever le verrou constitutionnel, le CSI émet aussi une recommandation qui devrait amener à une modification de la loi organique sur la HCJ.
Pour le Comité pour la sauvegarde de l'intégrité, il serait opportun de prévoir un délai maximum pour le vote d'une résolution de mise en accusation par l'institution de Tsimbazaza. Sans quoi, la HCJ pourra engager les poursuites judiciaires. Le fond du plaidoyer du CSI est de mettre un terme à l'impunité, notamment, sur les questions de corruption et des délits connexes.
Dans cette lutte contre l'impunité, il y a un autre facteur de blocage que fustige le CSI. Il s'agit des "autorisations de poursuite", nécessaires pour engager les procédures judiciaires contre les membres des corps de métier. Par corporatisme, ou par crainte de réactions corporatistes, rares sont les ministres qui signent des autorisations de poursuite. Ceci qu'importe la nature des délits présumés. La gendarmerie nationale est la seule entité qui en fait exception.
Dans son rapport annuel, pour le compte de l'année 2022, le CSI déplore aussi l'absence de sanction disciplinaire au sein de l'administration publique contre ceux qui sont accusés d'acte de corruption ou de délit financier. Il y a des fonctionnaires faisant l'objet de poursuites judiciaires, en détention préventive, ou même condamnés qui ne sont pas sous la coupe de sanctions disciplinaires. Et la révocation semble être une mesure taboue.