Des opérations d'abattage de boeufs sont organisées à la veille de la fête de Korité à Bignona. En plus du prix du kilogramme, cette initiative permet aussi aux populations d'un même quartier de raffermir la cohésion sociale. Des opérations qui font l'affaire des vendeurs et des populations.
BIGNONA - L'ambiance est inhabituelle sur la place publique qui jouxte la case des tout-petits de Tenghori Transgambienne 2. L'imam, bien installé sur sa chaise pliante, le maitre coranique et quelques notables discutent de la date effective de la fête d'Aïd el Fitr, prêtant une attention à Upah Rosa Diokhou qui pesait la viande du boeuf immolé dès les premières heures de la matinée du jeudi 20 avril 2023.
Comme les années précédentes, Upah, 54 ans, venait juste de finir de dépouiller un boeuf. La viande est entassée sur deux feuilles de Zinc. Les habitants des environs, informés de cette opération, arrivent les uns après les autres, par moto ou à pied, munis de sachets en plastique. 27 ans déjà qu'il vit dans le coin, Upah Rosa Diokhou ne se souvient pas de l'année à laquelle il s'est lancé dans l'abattage et la vente de viande de boeuf en veille de fête. Les yeux pointés en direction du cadrant de la balance, il déclare : « Je le fais pour soulager le voisinage. Au lieu d'aller loin faire la queue et se chamailler, tu peux juste sortir de ta maison et payer sans souci la quantité de viande que tu veux ». Puis, il se met à noter sur son carnet. Le quartier de Tenghori transgambienne2 a certes connu un développement rapide de sa démographie toutefois, ici tout le monde se connait.
Aussitôt son engin garé, l'enseignant Abdou Ndiaye, se dirige vers l'étal. « Ah, c'est de la qualité », apprécie-t-il. « Le prix du kilogramme c'est combien ? » demande-t-il. « Donne-moi 4 kilogrammes », renchérit l'enseignant. Cet étal occasionnel renoue les liens sociaux. Dans cette localité où nombreux sont les populations qui se battent dès que le jour se lève pour assurer la dépense quotidienne, « personne n'a de temps pour l'autre. Donc ce genre d'évènement nous permet d'échanger, de discuter ne serait-ce qu'une trentaine de minutes », souligne Pape Moussa Cissokho, enseignant de profession.
Une vente qui échappe au contrôle de l'autorité
Á cinq minutes de marche, on s'approche de la route nationale 4. Motos, taxis, véhicules particuliers, vendeurs et piétons rivalisent sur la chaussée et les trottoirs. Il faut jouer des coudes pour se frayer un chemin. « C'est juste pour quelques heures, le marché va bientôt se vider de ce monde », confie Cheikhou Diallo, le président de l'Association des bouchers de Bignona. Ce jeudi, il est obligé lui-même de vendre sa viande puisque ses employés se sont déployés dans les quartiers, les villages pour abattre des boeufs et gagner de l'argent. Tenant un coupe-coupe, il réussit, habilement, à séparer les os de la chair. « Vous voyez le filet de boeuf. Nous vendons de la qualité. Tu peux aller dans les quartiers pour acheter la viande, mais tu n'auras pas ça », pointe-il. Pour lui, le prix ne doit pas pousser les gens à se tourner vers les vendeurs occasionnels chez qui une bonne partie de la viande échappe parfois au contrôle de l'autorité.
Le prix de la viande de boeuf au marché de Bignona coûte depuis quelque temps 4.000 FCfa. Il n'est pas à la portée de tous. Toutefois, les abattages au niveau des quartiers en cette veille de l'Aïd al-Fitr sont une aubaine pour la majeure partie de la population. Le kilogramme de viande est fixé entre 3.000 et 3.300 FCfa. Une situation qui oblige les bouchers à revoir leurs prix. « Nous sommes obligés de vendre à 3.700 FCfa », confie un autre boucher qui préfère garder l'anonymat.